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Varsha Singh : « Il est crucial que les politiques fiscales en Afrique corrigent les inégalités économiques liées au genre »

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(BFI) – Le Forum sur l’administration fiscale africaine (ATAF) en veut plus pour la gente féminine. Basée en Afrique du Sud, cette institution panafricaine rassemblant 39 pays et présidée par le Togolais Philippe Tchodie a lancé, le 23 mars, le Réseau des femmes dans la fiscalité qui réunit toutes celles impliquées dans ce domaine à travers le continent. Varsha Singh, coordinatrice de cette initiative, revient pour La Tribune Afrique, sur ce projet et fait le lien entre la femme, la fiscalité et la relance post-Covid.

A-t-on une idée de l’effectif des femmes dans le domaine de la fiscalité en Afrique ? Sont-elles nombreuses ?

A ce jour il n’existe pas d’études pour déterminer de façon claire l’effectif des femmes dans le domaine de la fiscalité en Afrique. Cela est principalement dû au fait que le secteur en lui-même est très vaste ; il comprend les organismes du secteur privé, la société civile, le milieu universitaire et bien évidemment le secteur public, notamment les administrations fiscales et les ministères des finances. Ceci dit, une étude réalisée par l’ATAF en 2019 et publiée dans la revenue Perspectives Fiscales Africaines a révélé que dans 34 administrations fiscales africaines étudiées les femmes ne représentaient que 25% ou moins du total des effectifs. Ce chiffre est bien entendu une moyenne, car la réalité varie selon les administrations fiscales concernées. L’administration fiscale sud-africaine par exemple compte dans son effectif plus 62% de femmes.

Les femmes fiscalistes sont-elles également confrontées au plafond de verre ? ont-elles du mal à gravir les échelons au sein des administrations fiscales africaines ?

Oui effectivement, les inégalités dans les effectifs des administrations fiscales particulièrement sont beaucoup plus prononcées à mesure qu’on se rapproche du sommet, mais encore une fois cette réalité varie selon les pays. En Gambie, au Nigeria et au Ghana par exemple, la majorité des cadres de l’administration fiscale sont quasi-exclusivement des hommes. Il faut dire cependant qu’au Ghana il y a encore des postes vacants qui pourraient être occupés par les femmes plus tard. Par contre au Lesotho, Eswatini et au Burkina Faso, environ 50% des cadres sont des femmes. Cela va plus loin, des pays comme l’Ouganda, le Zimbabwe, les Seychelles et le Rwanda ont vu des femmes occuper le sommet de leurs administrations fiscales. Il y a donc du progrès ici et là, c’est vrai, mais il y a aussi un besoin pressant d’accélérer les efforts d’autonomisation des femmes dans le secteur de la fiscalité en Afrique.

Pour quelles raisons vous a-t-il paru important à l’ATAF de lancer ce réseau dans le contexte actuel de crise où les administrations fiscales africaines ont presque besoin de se réinventer ?

Justement, le moment ne pouvait être mieux choisi. Le monde entier a été impacté par le COVID-19, mais toutes les catégories sociales ne l’ont pas été de la même façon. Pour vous donner un exemple, la plupart des mesures de lutte contre la pandémie impliquaient un confinement total ou des formes de restrictions sur le mouvement des populations et la clôture d’établissements commerciaux. En Afrique, la large majorité des activités commerciales sont exercées par les femmes, surtout dans le secteur informel. Vous imaginez donc l’impact qu’ont eu ces mesures sur l’élargissements du fossé économique déjà important entre les hommes et les femmes. Il est essentiel que les politiques de redressement économique post-COVID adoptées par nos gouvernements soient sensibles à la dimension genre. En fait, il est même crucial qu’elle soient intentionnellement orientées vers un redressement positif des inégalités économiques et sociales qui existent actuellement. Certains pays tels que l’Afrique du Sud ont par exemple mis en place des exonérations de TVA sur des produits principalement utilisées par les femmes, comme les serviettes hygiéniques, entre autres. La création de notre réseau vise justement à sensibiliser les gouvernements afin de nous assurer que les politiques de redressement économiques tiennent compte de comment les politiques fiscales impactent les hommes et les femmes différemment.

Plusieurs problématiques propres aux administrations fiscales en Afrique ont été rapportées ces dernières années, notamment par l’ATAF (le besoin de transformation des administrations fiscales pour améliorer les recettes, le besoin de renforcer les systèmes de défense fiscale face aux multinationales, le besoin de renforcer la recherche…). Comment un engagement plus important des femmes dans la fiscalité peut-il contribuer à favoriser des changements positifs importants dans la manière de faire ou gérer la fiscalité en Afrique ?

Les femmes en Afrique et dans le reste du monde continuent de contribuer au développement des nations, mais leurs efforts demeurent pour la plupart méconnus ou ignorés du fait des préjugés qui existent dans nos sociétés. Il est vrai qu’individuellement les questions du genre et de la nécessité de mobiliser les ressources intérieures ont été largement couvertes. Cependant, ces deux concepts sont rarement abordés conjointement. L’engagement accru des femmes dans la fiscalité contribuera à s’assurer que les efforts de croissance économique durable, de réduction de la pauvreté et de développement n’aboutissent pas à des politiques fiscales dont l’impact affecte négativement la dimension genre. 70% des objectifs de développement contenus dans l’Agenda 2063 de l’Union africaine doivent être financés par des ressources intérieures, selon les estimations. Il est donc nécessaire d’associer toutes les catégories sociales à cet objectif, afin de maximiser les chances de le réaliser.

Quelles vont être les priorités de ce Réseau des femmes ?

Les actions du RFSF tourneront autour de deux axes prioritaires : l’étude de la fiscalité́ et du genre sous différents angles, notamment, mais pas exclusivement, l’analyse scientifique des préjugés implicites prévalant dans les structures fiscales, l’étude des expériences des femmes fiscalistes l’analyse de l’impact des politiques fiscales sur les femmes et les hommes, ainsi que le role des femmes dans la fiscalité et l’économie.

Le deuxième axe prioritaire consistera à améliorer l’équilibre entre les hommes et les femmes aux postes de direction au sein des organisations intervenant dans le domaine de la fiscalité́, en jouant le rôle de facilitateur du changement institutionnel et en identifiant les moyens de mettre en œuvre ce changement. Le réseau sera également un cadre de soutien à un niveau plus individuel aux femmes fiscalistes en facilitant le mentorat et d’autres opportunités de développement.

La Tribune Afrique

Rédaction
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