(BFI) – Le thème retenu et qui sera débattu lors de la quatrième édition de la finance Africaine du 16 au 17 décembre 2021 à Nouakchott en Mauritanie est l’Afrique en 2050. Cette édition nous invite à nous projeter sur les trois prochaines décennies dans une Afrique qui regorge d’opportunités mais également confrontée à plusieurs menaces et faisant l’objet de beaucoup de convoitises.
Cette prise de conscience des opportunités à saisir dans nos pays respectifs contraste avec la période de latence et de tâtonnement que nous avons pu observer auprès de nos leaders. Cette attitude ne peut s’expliquer que par les effets combinés de la crainte, de la soumission, de l’absence d’ambition ou de sagesse et de la cupidité de la part d’une certaine élite qui a conduit la destinée du Continent au lendemain des indépendances jusqu’à un passé plus récent. Hélas, les leaders qui semblaient être les plus ambitieux n’ont pas pu prospérer. C’est le cas notamment de Patrice LUMUMBA, de Kwamé NKRUMAH, de Sylvanus OLYMPIO, de Thomas SANKARA et d’autres leaders.
L’Afrique émergente est devenue un dogme auprès de la jeunesse instruite et entreprenante du continent. L’histoire nous édifie davantage sur les faits et les contraintes de l’émergence de l’Afrique, un continent qui se contente du peu.
Nous n’avons pas de mots pour qualifier la trajectoire chaotique du continent, entamée depuis plusieurs siècles. Certes des victoires ont été acquises par les dignes enfants du Continent, au terme de luttes internes et sur d’autres fronts, loin de nos enclos (nos pays) respectifs. Ces victoires ont permis aux générations nées après les indépendances de tracer progressivement la destinée du Continent et en dépit des pesanteurs de la vie politique, de la mal gouvernance, des jeux d’influences et d’intérêts qui régissent la géopolitique du Monde face à une Afrique indépendante.
Hélas, nous avons hérité d’un continent découpé en territoires peu viables, pris individuellement et sources de conflits latents et récurrents. Nous n’allons pas refaire l’histoire, encore moins l’ignorer ou la nier.
Répondre à la question posée à savoir « l’Afrique en 2050 », revient à interroger notre ambition et notre plan d’actions sur les trois prochaines décennies. En terme simple, quel est notre « I have a dream » (j’ai un rêve) d’une Afrique d’aujourd’hui et en 2050 ? Trois alternatives s’offrent à nous.
L’Afrique en 2050 sera prospère et faste
Nous sommes tentés, sur la base d’une opinion qui serait fortement influencée par un Afro-optimiste, à parier sur une Afrique en 2050 qui pourrait-être celle déjà planifiée et en cours de déploiement à travers les plans émergents de nos pays respectifs. Nous aurons alors :
- Une Afrique des infrastructures dans une zone de libre échange continentale du Nord au Sud et d’Est en Ouest ;
- Une Afrique qui s’appropriera des innovations technologiques lui permettant de faire des sauts qualitatifs et quantitatifs en avant pour une meilleure production de l’essentiel des biens et des services dont nous aurons besoin et à des prix compétitifs ;
- Une Afrique qui se bonifiera de l’expertise de sa classe d’entrepreneurs et à travers des entreprises capables d’identifier et de conserver les meilleurs positionnements stratégiques dans des marchés fortement concurrentiels et tout en maintenant un niveau remarquable en efficacité opérationnelle ;
- Une Afrique d’intégration économique et de la cohésion des peuples à travers les Etats-Unis d’Afrique, qui nous fera enfin oublier la tentative avortée d’un Etat Fédéral dont l’idée était sur la table des négociations d’avant et au lendemain des indépendances ;
- Une Afrique qui sera réconciliée avec elle-même après des conflits internes qui ont atteint par le passé et plus récemment des niveaux de cruauté, de haine et de défiance qui frôlent l’irrationnel ;
- Une Afrique qui aura une monnaie unique acceptée en tant que devise dans les transactions internationales, le commerce et les flux financiers licites – une monnaie dotée du sceau « In God We Trust » en lieu et place des « porcelaines » de monnaies dotées de dénomination qui varient d’un pays à un autre ;
- Une Afrique qui aura suffisamment de leviers endogènes pour financer son développement et sa croissance économique, faisant ainsi recours aux financements extérieurs une alternative parmi d’autres ;
- Une Afrique du plein emploi et qui aura réussi le processus de transformation structurelle de son économie vers plus de formel au détriment du secteur informel ;
- Une Afrique dans laquelle, payer ses impôts sera avant tout un acte citoyen et non une contrainte ;
- Une Afrique d’une croissance économique inclusive dont l’accès à l’habitat social et à l’habitat de standing sera à la portée de ses valeureux fils et filles ;
- Une Afrique dans laquelle, le système de retraite et de sécurité sociale ne sera plus un pot de chagrin et la voie par excellence vers le basculement dans la précarité et la pauvreté pour de valeureux travailleurs admis à faire valoir leurs droits à la retraite ;
- Une Afrique d’une voix concordante et audible lors des prises de décisions sur les enjeux internationaux notamment sur le climat et la transition énergétique (l’abandon des énergies fossiles), la sécurité, l’économie, la finance, la gouvernance, les droits humains…
- Une Afrique qui sera capable d’assurer sa sécurité ;
- Une Afrique de moins en moins dépendante de la bonne volonté et des priorités des pays les plus avancés pour faire face aux pandémies et leurs conséquences au plan économique, social et sanitaire ;
- Une Afrique capable de mener à bon port les transitions démocratiques sur le continent ;
- Une Afrique, terre promise et d’opportunités pour sa diaspora et ses enfants déportés de force sur d’autres continents et dans des conditions de vie et de subsistances atroces (l’esclavage et l’enrôlement dans les guerres pour défendre la liberté et la mère-patrie) ;
- …
Toutefois, nous ne devons pas nous laisser entrainer par l’insouciance légendaire dont nous avons fait montre depuis des générations. Rien ne nous sera concédé au motif que la parole se libère et que son écho atteint des millions de jeunes du continent et d’ailleurs, à travers les réseaux sociaux et professionnels.
Afin de saisir les opportunités que le monde entier reconnait au Continent Africain, il nous faudra alors compter sur nos forces, être conscient de nos faiblesses et des menaces qui nous guettent et éviter ainsi d’avancer en ordre dispersé. Conscient de ce risque et des intérêts géostratégiques sur le continent, nous ne devons pas alors occulter la probabilité de survenance des scénarii ci-dessous.
L’Afrique en 2050 sera celle d’avant les indépendances
Loin de nous, l’idée provocatrice ou de vouloir heurter, il nous revient de prendre conscience que nous avons amorcé une phase critique d’insécurité et de conflits récurrents au sein du Continent. Le Soudan a été scindé en deux Etats distincts au terme d’un conflit armé. A terme, les pays du Sahel ne sont pas à l’abri d’un tel scénario (le Tchad, le Mali, le Burkina Faso et le Niger).
L’Ethiopie est plongé dans une guerre interne que certains analystes avertis pensent qu’elle serait la conséquence de sa stratégie de production d’énergie pour soutenir son développement économique à travers la construction du barrage de la renaissance sur le Nil bleu. Ce choix stratégique aurait précipité le pays dans un cycle d’instabilité. Un barrage hydroélectrique en amont du Nil aurait, semble-t-il, une incidence sur la vie économique et les besoins en eau de l’Egypte.
Le Sénégal et la Mauritanie qui fondent un immense espoir sur les revenus prévisionnels de l’exploitation des gisements gaziers et pétroliers découverts récemment sont devenus anxieux à l’idée de l’adoption d’un agenda qui accélère la cadence vers l’abandon des énergies fossiles dans le cadre des accords sur le climat. Cette menace pèse également sur les pays africains fortement dépendants de la rente pétrolière. C’est le cas notamment du Nigéria, de l’Angola, de l’Algérie, du Congo, de la Guinée Equatoriale, du Gabon, …
L’Algérie et le Maroc ne sont pas à l’abri d’un conflit armé autour du Sahara. Quid alors de la Mauritanie face aux conséquences d’un tel conflit ? L’espoir d’une reconstruction de la Lybie est plus que probable après une prise de conscience des parties prenantes ; à savoir qu’après le chaos, on devient nostalgique des années de paix et la concorde.
La Tunisie a eu l’intelligence de se départir d’un régime autoritaire sans pour autant sombrer dans un conflit armé à travers une révolution qualifiée de printemps arabe. L’onde de choc de cette révolution a précipité certains pays arabes, dans un cycle de violence et d’insécurité. Ce constat, conjugué à d’autres conflits et de jeux d’influence au Moyen Orient et en Asie du Sud ont contribué à l’installation de zones de conflit dans le Sahel, et dans une moindre mesure dans certaines localités en Afrique Centrale et en Afrique de l’Est (menace islamiste).
L’Afrique du Sud est sur le chemin que ses dignes fils et filles ont tracé après des années d’oppression et de lutte contre l’apartheid, mais elle est tout de même, confrontée à des défis sociaux et économiques importants qu’il conviendrait de résoudre.
Les transitions démocratiques en Afrique deviennent de plus en plus inquiétantes en dépit de l’émergence de nouveaux acteurs notamment ceux de la Société Civile dont le rôle devient de plus en plus décisif dans le jeu démocratique et la gouvernance politique et économique du Continent.
Le dividende démographique attendu en Afrique avec une forte proportion de jeunes en âge de travailler à l’horizon 2050 et bien avant est la principale équation qu’il conviendrait de résoudre dans l’urgence et avec la plus grande rigueur.
Le Nigéria aura un rôle pivot au sein de la Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à l’instar du poids et du rôle de la Côte d’Ivoire dans l’Union Economique et Monétaire Ouest-Africain (UEMOA). Les mêmes problématiques se posent au sein de la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) et dans d’autres espaces économiques du Continent. Il s’agit de la géopolitique dont la jeunesse Africaine devrait prendre conscience et l’intégrer lors du choix des leaders aguerris et des fins stratèges dont nous avons besoin pour espérer une Afrique prospère en 2050.
A défaut, nous serons contraints de constater et de nous résigner sur notre sort à l’horizon 2050 qui probablement, sera comparable à celui d’avant les indépendances et dans un repère qui ne fait qu’évoluer. Par conséquent, un travail scientifique devra être mené par la Société Civile Africaine, de concert avec les universitaires et les historiens dépositaires de la tradition écrite et orale du Continent afin de recenser les conflits latents et ceux survenus dans le passé entre les peuples d’Afrique et mettre ainsi en place à travers un plan d’actions, un dispositif de prévention, de réconciliation, de tolérance et de résolution des problèmes.
L’Afrique en 2050 pourrait être celle des Royaumes de nos ancêtres
Contrairement à la plupart des Royaumes d’Afrique, de l’Egypte antique à nos jours, le Royaume Chérifien (le Maroc) a su traverser le temps et se maintenir dans le concert des Nations. Nous n’allons pas refaire l’histoire et poser le diagnostic du pourquoi et du comment on en est arrivé à ce constat.
L’Afrique a par devers elle, ses Têtes couronnées (chefs coutumiers) à qui nous témoignons le respect et la considération. Toutefois, l’avantage technologique à travers l’arme à feu et des jeux d’alliance ont pris le dessus sur nos sculptures (nos statues) royales et nos croyances mystiques censées nous protéger contre l’envahisseur (le négrier, le colonisateur, le prédateur des temps modernes). Cette domination de gré ou de force a impacté notre passé, façonné notre présent et a influencé certainement notre avenir. Toutefois, nous sommes de ceux qui pensent que notre futur nous appartient sauf si nous commettons les erreurs du passé. Il nous revient alors d’être de fins stratèges pour espérer triompher ou résister.
Nous observons l’effervescence autour de la restitution par la France des œuvres d’arts Africains à leurs pays d’origine. Il est vrai que ces sculptures sont belles et qu’elles font partie de notre patrimoine culturel. Nous espérons simplement et à l’image des objets mystiques et des jouets d’enfants découverts dans le tombeau de Toutânkhamon (le onzième pharaon de la XVIIIème dynastie) que ces œuvres d’arts n’étaient pas les armes protectrices du royaume de nos ancêtres contre l’envahisseur (le conquérant). Si tel était le cas, reconnaissons alors que ces œuvres d’arts (objets mystiques) ont vraiment capitulé face à l’envahisseur et notre destin avec. La preuve on nous les restitue après plus d’un siècle de captivité.
En définitive, l’Afrique en 2050 sera celle que nous ambitionnons et elle dépendra fortement des actes pragmatiques que nous poserons dans notre présent et de notre état d’esprit.
In God We Trust ! (En Dieu nous croyons). Un sceau inscrit sur le dollar américain et plein de spiritualité ; il nous renvoie aux fondements économiques d’une Nation à travers la monnaie unique, l’Etat de droit, la liberté, la responsabilité, la bonne gouvernance, la puissance militaire en détenant par devers-soi des armes dissuasives, l’innovation technologique et la bonne stratégie. Les Etats Unis d’Afrique nous inspire à l’image de ce que les Etats Unis d’Amérique ont réussi à bâtir à savoir une NATION.
Auteur de l’article : Ousmane DIENG
M. Ousmane DIENG a acquis une expérience professionnelle de 18 années dans le conseil et l’audit. M. DIENG a fondé le Cabinet de conseil INGENIOUS Partners Consulting spécialisé dans la stratégie, le Conseil Financier, l’entreprenariat, l’organisation, l’optimisation des performances, le contrôle et l’économie.