(BFI) – Le processus d’établissement d’un marché financier unique en Afrique centrale a enregistré des avancées majeures, suite à la décision prise dans ce sens en octobre 2017 par les chefs d’Etat de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (CEMAC). L’enjeu était de mettre un terme à l’existence de deux bourses de valeurs mobilières dans le même espace économique. Une situation à l’origine de rivalités contreproductives.
Les réformes mises en œuvre ont abouti à ce jour à un marché financier régional unifié dont la configuration présente un régulateur unique basé à Libreville au Gabon, indépendant et doté des pouvoir et moyen nécessaires pour réguler le marché financier régional unifié ; une bourse unique opérationnelle établie à Douala, issue de la fusion institutionnelle et physique, le 4 juillet 2019, des deux bourses existantes (Bourse des valeurs mobilières de l’Afrique centrale (BVMAC) et Douala Stock Exchange (DSX) ; un dépositaire central unique du marché financier dont la mission est provisoirement confiée à la BEAC. La fusion achevée de la Commission des marchés financiers du Cameroun et de la Commission de surveillance du marché financier de l’Afrique centrale participe de cet élan d’améliorer la profondeur du système financier en zone CEMAC par la mise en place d’une régulation unique.
Le défi à relever aujourd’hui, au cours de la seconde phase, consiste à optimiser les structures et à dynamiser le marché financier. L’objectif étant de parvenir à la diversification des sources de financement des projets de développement à long terme dans les six Etats membres de la CEMAC. Notamment, des entreprises qui y éprouvent d’énormes difficultés à lever des capitaux destinés aux investissements productifs.
C’est dire que la réussite du processus de diversification des sources de croissance engagé ici et là dépend étroitement de la résolution en amont de ces problèmes de financement des activités créatrices de richesses et d’emplois. Surtout, dans un contexte où les banques commerciales opérant en zone CEMAC privilégient davantage le placement des crédits à court terme, non susceptibles de soutenir l’investissement productif à long terme.
Il est indiqué à cet égard que plus de 75% des crédits octroyés l’ont été pour aider les structures bénéficiaires à gérer leurs problèmes de trésorerie en 2018. On comprend dès lors pourquoi, en clôturant vendredi dernier à Yaoundé le Sommet extraordinaire des chefs d’Etat de la CEMAC, le président Paul Biya, président en exercice de la Communauté, a indiqué que suite à l’unification des places boursières, « nous devons parachever l’intégration financière sous-régionale en optimisant le fonctionnement des différents acteurs de notre marché financier ».
Le premier directeur général de la Bourse unifiée de l’Afrique centrale, Jean Claude Ngbwa, est conscient des espoirs suscités par la fusion des deux places financières. Face à la presse le 29 octobre 2019 à Douala, il a déclaré qu’il est question d’ouvrir le capital de la nouvelle société aux marchés des capitaux et au grand public pour permettre aux épargnants de transformer leurs avoirs en financement des entreprises dans le besoin.
Pour y arriver, il faudra à la bourse, a-t-il ajouté, des ressources humaines adaptées, compétentes et maîtrisant les actions d’achat et de vente des titres financiers sur une plateforme électronique. Un sacré challenge pour lequel le Conseil d’administration a adopté une stratégie pour de nouvelles introductions boursières en 2020. Des sociétés ont même déjà été identifiées dans la sous-région, a-t-on appris. Reste à les amener à s’intéresser au marché financier, à s’ouvrir et à se faire connaître.
Quant aux Etats, ils ont décidé de placer l’an prochain sur ce marché financier unifié des actions qu’ils détiennent dans certaines sociétés publiques et/ou privées, dans l’espoir de déclencher un effet d’entraînement chez les opérateurs privés. La vaste campagne d’information et de sensibilisation annoncée devra ainsi permettre aux acteurs économiques et au public de découvrir l’existence des possibilités de levée de fonds pour le financement de leurs activités productives.
En outre, selon le DG de la BVMAC, celle-ci passera de trois cotations hebdomadaires à une cotation quotidienne. L’ensemble des Sociétés de Bourse dans les six pays de la zone pourront accéder à la plateforme de cotation depuis leurs bureaux au travers de liaisons performantes et sécurisées.
Pour rendre le jeune marché financier attractif, l’équipe dirigeante prévoit, entre autres, la formation des acteurs du marché ; la mise en place de l’Ecole de la Bourse et d’un programme d’accompagnement des PMI/PMI. Sans oublier des mesures fiscales et des tarifications incitatives pour les potentiels émetteurs de titres sur le marché boursier, afin de relever le ratio capitalisation boursière/PIB qui est actuellement de moins de 0,2%.
Bertrand Abégoumégné