(BFI) – Styve Tchachuang, Ceo de la société de courtage Les Mutuelles Reunies est un véritable manager qui impressionne par son dynamisme et son sens de l’innovation. Après ses études au Canada couronnées par un Bachelor en comptabilité et finance en 2007, le jeune loup décide de rentrer au Cameroun afin de mettre place ses connaissances au service de Les Mutuelles Réunies, l’entreprise familiale de courtage d’assurance, créée en 2006 par son paternel M. Jean-Bosco Tchachuang. Il débute sa carrière comme commercial et de fil à aiguille et par la force des chiffres, Styve Tchachuang se voit confier le poste de directeur commercial et marketing et quelques mois plutard celui de directeur général adjoint. C’est fort de son expérience de manager terrain que Styve devient Directeur général de LMR en 2018. La dynamique axée sur une approche innovante qu’il impulse au sein de l’entreprise qu’il dirige est perceptible à travers sa progression. Entre 2014 et 2015, il fait un master 2 en Assurance European Master à l’ESAP (École Supérieure Assurance Paris). Dans cette interview exclusive accordée à Business & Finance International, Styve Tchachuang présente les enjeux de l’exercice du métier d’assurance au Cameroun et en Afrique, l’impact de la Covid-19 ainsi que les défis auxquels le secteur est confronté.
Monsieur le Directeur Général, quelles sont les particularités de l’activité d’un courtier d’assurance au Cameroun, en Afrique, notamment francophone ?
Les principaux obstacles à la pénétration de l’assurance en Afrique francophone subsaharienne sont le niveau de vie de la population et le manque de communication à propos. Toutefois, avec l’amélioration des conditions de vie, indiquant l’émergence progressive d’une classe moyenne et l’évolution des mentalités des habitants grâce à l’accès à l’éducation au cours des quatre dernières décennies, l’assurance dispose d’opportunités de croissance dans la région. On prévoit également que l’accroissement démographique entraîne une augmentation de la demande pour les produits d’assurance. Ainsi, le courtier d’assurance, dans son rôle 01er de conseiller, s’attèle inlassablement à sensibiliser les populations afin de leur proposer les meilleures offres à des budgets raisonnables. Au Cameroun particulièrement, nous pouvons dire que l’activité de courtage a besoin d’une présence forte qui permettra de redorer le blason et la crédibilité de ce métier car comme vous savez le savez dans tous les pays développés, les courtiers sont ceux qui détiennent le portefeuille et qui distribuent l’assurance en tant qu’intermédiaires, et non les compagnies.
En votre qualité d’acteur dynamique du marché, avez-vous relevé des contraintes dans l’exercice de ce métier de courtage en assurance au Cameroun ?
La 01ère contrainte est la concurrence qui est faite entre les différents acteurs de cette activité. Nous pensons qu’en tant qu’intermédiaires, en tant que défenseur des intérêts des assurés, et étant rémunérés par commissions payables par les compagnies, le fait de se retrouver en concurrence avec ces dernières crée indubitablement un climat de méfiance.
Pensez-vous, par exemple, que la régulation de cette activité est bien assurée au Cameroun ? Avez-vous des suggestions ou requêtes à faire à l’endroit des autorités de régulation ?
Au fil des dix dernières années, les courtiers reprennent du poil de la bête du fait de l’intérêt grandissant que leur portent les autorités de régulation. En effet, on constate allègrement la tenue régulière de contrôles systématiques, de contrôles de gestion, de contrôles de conformité, et une célérité dans le traitement des dossiers d’agréments, entre autres. A la suite de ce qui précède, il serait davantage encourageant d’y adjoindre des mesures complémentaires d’accompagnement, à l’instar de :
-Rétablir les rôles des différents acteurs du secteur des assurances pour faire face à la concurrence déloyale ;
-Revaloriser les taux de commission accordés aux intermédiaires ;
-Encourager les acteurs du secteur des assurances dans le cadre de la digitalisation en mettant en place des mesures incitatives envers les professionnels qui créent et innovent sur des produits compatibles à l’environnement et au pouvoir d’achat.
En prévoyant que la pandémie du Covid-19 entre dans sa 2e phase au Cameroun, peut-on aujourd’hui faire un bilan des conséquences de cette crise sur vos activités ?
Il est avéré aujourd’hui que la survenue du COVID-19 a eu un impact négatif sur les entreprises de services à travers le monde entier. Aussi, pour ce qui est du cas des métiers de l’assurance, nous constatons une baisse considérable des renouvellements des polices d’assurance. En effet, la peur qui s’est instaurée avec la crise sanitaire incite les assurés à ne plus estimer à sa juste valeur, l’utilité de souscrire à une assurance.
Quelles peuvent être selon vous les mesures à prendre pour atténuer les effets néfastes de la crise sur le secteur ?
Le COVID-19 nous rappelle encore aujourd’hui que le management des risques relève réellement du domaine des aléas, en effet, personne n’aurait imaginé une crise sanitaire qui secouerait ainsi le monde en Mars 2020. C’est ainsi que dans la volonté d’accompagner la mise en application des gestes barrières encouragés par le Gouvernement et l’OMS, LMR déploie depuis le mois de Juillet 2020 un nouveau réseau de distribution à travers la digitalisation et a ainsi pu créer le tout 01er guichet automatique d’assurances qui est au Cameroun et qui est actuellement très convoité en Afrique.
Ne pensez-vous pas qu’à terme, le fait même de recourir à un intermédiaire risque d’être mis en cause par les assureurs, qui peuvent être tentés de démarcher directement le client ?
Cette interrogation nous ramène à la proposition que nous avons évoquée plus haut, qui est celle de rétablir les rôles des différents acteurs du marché des assurances au Cameroun. En effet, les compagnies ont pour vocation de créer les produits d’assurance, et les commercialiser au travers des intermédiaires qui sont les courtiers et les agents généraux. De plus, l’avantage pour les assureurs de collaborer avec les courtiers réside dans la taille du réseau de distribution de l’intermédiaire concerné, c’est le cas de LMR qui est représenté dans la quasi-totalité du Cameroun.
Comment Les Mutuelles Réunies se projettent-elles dans le futur, quels seront les grands enjeux de demain pour le secteur de l’assurance ? L’assurance de demain au Cameroun sera-t-elle forcément digitale ?
Après 25 ans d’existence, Les Mutuelles Réunies connaissent à ce jour une stabilisation du réseau de distribution, un management efficient des équipes et du dévouement envers la clientèle. C’est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans une démarche d’obtention de la certification ISO 9001-2015, car chez LMR, ‘le client est roi’ n’est pas juste un slogan, nous disons ‘le roi est le client’.
Au sujet des grands enjeux de demain, nous sommes conscients que notre secteur souffre d’un problème de communication ; le défi permanent est donc de rétablir le lien entre les assureurs et les populations, il faudrait que nous puissions nous défaire de cette image selon laquelle les assureurs ne tiennent pas leurs paroles, et que le sourire reçu à la souscription disparait une fois le sinistre arrivé.
Enfin, l’assurance d’aujourd’hui doit déjà être digitale car demain il sera trop tard ; bien entendu le digital pour le digital serait un leurre, ce digital a l’obligation d’être appliqué avec le souci de garder à l’esprit un minimum de concordances avec nos réalités et s’adapter à l’environnement dans lequel nous évoluons au Cameroun.
Propos recueillis par André Noir