(BFI) – Et si l’avenir du Vieux Continent se jouait aussi en Afrique, où un nouveau leadership impacte de plus en plus fortement la marche du monde ?
Les règles de la démographie ne sont pas exactement celles des rapports de force associés à la géopolitique classique. Néanmoins, le facteur démographique est un élément difficile à ignorer dans un contexte où ce sont les dynamiques sociales qui mènent le monde et où le politique semble parfois désarmé pour y faire face. Il est alors intéressant de voir les tendances mondiales se dessiner à ce niveau : en 2100, plus d’un habitant sur trois sera africain, et le Nigeria aura dépassé la Chine en nombre d’habitants, devenant ainsi le deuxième pays le plus peuplé du monde. La francophonie représente aujourd’hui 284 millions de locuteurs, dont la moitié déjà sont africains. Elle devrait atteindre le milliard de locuteurs à la fin de ce siècle.
Prendre conscience de l’impact démographique…
Depuis la vieille Europe, il est parfois difficile de mesurer l’ampleur du dynamisme démographique africain et tout ce qu’il implique. Dans une société mondiale ultra-connectée où de nouveaux acteurs hors du giron étatique réécrivent l’agenda international, l’Afrique prend un rôle croissant dans les affaires du monde et se fait de plus en plus entendre. La crise du coronavirus aura été l’occasion pour le continent de déjouer les pronostics pessimistes, démontrant la capacité de nombreux pays africains à maîtriser une crise sanitaire en dépit de ressources dédiées à la santé relativement faibles. Progressivement, les voix du continent sont de plus en plus audibles dans les affaires du monde. Que cela soit dans les institutions internationales, Ngozi Okonjo-Iweala à la tête de l’OMC ou avec Tedros Adhanom Ghebreyesus à celle de l’OMS, dans le monde économique avec Tidjane Thiam et Aliko Dangote, ou dans les arts avec Chimamanda Ngozi Adichie ou encore Alain Mabanckou, et dernièrement le jeune Prix Goncourt Mohamed Mbougar Sarr.
… et d’un moment africain en gestation
La mondialisation, longtemps occidentalisée, devient enfin un récit monde où progressivement toutes les voix se font entendre. La nouvelle génération de leaders du continent va contribuer à faire de ce siècle le moment africain, et ce pour plusieurs raisons. L’une des principales tient dans le parcours de ces leaders en devenir, dont l’expérience et l’expertise dépassent les frontières de l’Afrique. Beaucoup d’entre eux ont vécu en Europe, mais aussi en Amérique du Nord, voire en Asie. Cette double culture, propre aux membres des diasporas et aux binationaux, est un atout pour nos sociétés où se croisent des cultures diverses, que cela soit dans le monde de la politique internationale ou dans celui des affaires. Cette capacité à articuler le local et le global fait de ces jeunes des personnalités à même d’incarner le leadership africain dans les années à venir.
Demain, un espace de conquête et d’innovation
Un autre aspect est leur confiance en l’avenir et leur optimisme, qui caractérisent l’ensemble de la jeunesse du continent. Selon le rapport Africa Youth Survey 2020, qui regroupe les témoignages de jeunes Africains d’entre 18 et 24 ans vivant dans 14 pays différents, 82 % d’entre eux pensent que leur niveau de vie augmentera au cours des deux prochaines années et 76 % souhaitent créer leur propre entreprise d’ici cinq ans.Longtemps perçue comme un continent concentrant tous les maux de la planète, l’Afrique est désormais synonyme de conquête et d’innovation. Un dynamisme et un optimisme qui contrastent avec la peur de l’avenir et le sentiment de déclin qui gagnent trop de décideurs français et européens. Aujourd’hui, la jeunesse africaine aspire à l’éducation, à l’emploi et à une meilleure gouvernance. Autant de domaines où les Européens ont des atouts à faire valoir et où existent de véritables opportunités de bâtir des ponts avec l’Afrique. C’est la démographie africaine qui va orienter les grandes décisions du continent dans les années à venir : il ne tient désormais qu’aux Européens de prendre en compte ce facteur pour bâtir un partenariat répondant aux attentes de la majorité des Africains.
Par Paul Lorot, Président de l’Institut Choiseul