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Repenser épargne à l’heure du Covid-19

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(BFI) – Pour tenter d’endiguer la propagation de la pandémie de Covid-19, de nombreux pays du continent ont imposées des restrictions dans les contacts humains et les déplacements. L’activité économique en est bien sûr bouleversée, entre les entreprises qui décident de réduire leurs activités pour protéger leurs clients et leurs salariés et celles qui se voient contraintes de réduire leur activités faute de clients ou de marchandises.

Malheureusement, notre environnement socioéconomique n’est pas en mesure de supporter de tels chocs aujourd’hui, principalement en raison de l’absence de matelas de sécurité pour les travailleurs, qu’ils soient salariés ou non. Aussi, la crise sanitaire qui s’annonce laissera place à une crise socioéconomique certaine. Seules son intensité et sa durée sont inconnues à ce jour.

Ces constats sont l’occasion de soulever certaines problématiques, dans un contexte où de nouvelles crises sont appelées à se reproduire dans les années à venir : comment renforcer la solidarité nationale ou régionale pour mieux résister aux effets des crises ? Comment sécuriser les revenus des travailleurs pour garantir le financement des besoins primaires de chacun en temps de crise ? Comment renforcer notre autonomie financière pour réduire notre sensibilité aux crises internationales ? Etc.

En pratique, il apparaît que la réponse à ces questions peut renvoyer à un seul et même défi : le développement d’une épargne domestique forte et structurée. Illustrations.

Questions de solidarité

La crise du Covid-19 a provoqué un bel élan de solidarité, tant au niveau des particuliers que des entreprises, souvent dans la continuité de mesures prises par les Etats. Pourtant, bien qu’indispensables, ces manifestations spontanées de solidarité présentent des limites dans la durée, notamment en raison du surcoût de ces mesures curatives face à d’éventuelles mesures préventives. Guérir coute toujours plus cher que prévenir.

C’est dans ce contexte que l’implication forte des professionnels de la prévoyance (assureurs et caisses de prévoyance sociale) se révèle indispensable. Les assureurs ont ainsi un important rôle à jouer pour nous permettre d’honorer dans la durée ce devoir social qu’est l’accompagnement des plus vulnérables. En particulier, la vulgarisation de la prévoyance santé et de l’épargne permettra de limiter les effets négatifs de telles crises. Si les Américains à faible revenu disposaient, entre autres, de meilleures couvertures maladies et/ou d’une épargne suffisante pour vivre pleinement confinés, nous n’y constaterions pas de surmortalité liée au Coronavirus (c’est d’ailleurs dans ce contexte que dans de plusieurs Etats américains, les Africains-Américains représentent moins de 35 % de la population mais plus de 65 % des décès liés à la pandémie).

Charge à nous donc de promouvoir une société dans laquelle l’épargne et la prévoyance n’excluraient personne, afin d’éviter de reproduire les erreurs des pays « plus développés » que les nôtres. Mutualisons les risques et optimisons notre solidarité.

Sécuriser les revenus

Tous les membres de tontines le savent, épargner est essentiel pour lisser les revenus, et donc le niveau de consommation, d’un individu dans le temps, surtout dans un contexte où les assurances (chômage, santé, agricoles, retraite, etc.) ne sont pas démocratisées. Et contrairement à une idée reçue, épargner ne doit pas être réservé aux seules classes moyennes ou supérieures. Bien au contraire. Si ces pour ces catégories de population l’épargne peut être perçue comme un simple outil d’optimisation de revenu, voire pour certains de gestion de patrimoine, pour les populations à faible revenu l’épargne peut très rapidement être ramenée à une question de vie ou de mort. Quand les plus riches maigrissent, nous savons tous ce qui arrive aux plus pauvres.

En pratique, l’épargne peut s’observer sous plusieurs formes (dans le cadre d’une tontine, via la souscription d’un contrat d’assurance vie, via des investissements de long terme dans l’immobilier ou l’agriculture, via des dépôts bancaires, etc.) pour soi-même (épargne retraite, etc.), ses proches (épargne éducation, etc.) ou ses salariés (indemnités fin de carrières, etc.).

En outre, cette sécurité de revenu se révèle être à l’origine d’un cercle vertueux pour l’économie. En effet, en transférant son risque de revenus à un tiers, un agent économique peut se procurer une sécurité financière et s’autoriser ainsi à entreprendre des investissements productifs risqués et donc créateurs de richesses (investissements qui n’auraient probablement pas été réalisés sans ces garanties).

Augmenter l’autonomie financière

Enfin, plus nos pays disposeront d’une autonomie financière, moins ils seront exposés aux crises internationales, qu’elles soient financières, économiques, sociales, etc. Et en la matière, l’épargne domestique formelle est une solution de choix. Malheureusement, il existe encore de nombreuses marges de progression sur ce sujet. Ainsi par exemple, les placements des ménages et des entreprises auprès des banques et des assurances au Cameroun représentent moins de 25 % du PIB (moins de 3 % pour les seuls assureurs), contre plus de 150 % en France (plus de 100 % pour les seuls assureurs).

Se prémunir autant que possible des crises est pourtant essentiel, sachant que même si les assureurs ont un rôle déterminant à jouer pour absorber les chocs dus à ces crises, il existe une réalité souvent mal comprise qu’on ne peut ignorer. En effet, bien qu’en ces périodes les besoins de couvertures d’assurance augmentent (en raison du sentiment d’insécurité qui se développe), dans les faits la couverture des assureurs ne peut se limiter qu’aux seuls risques assurables (les risques non assurables relevant principalement de la responsabilité de l’Etat).

Attention toutefois, comme le rappelle d’ailleurs l’assureur Protais Ayangma dans une tribune récente, les assureurs ne doivent pas pour autant fuir leur responsabilité morale en cas de crises, au-delà même de leur responsabilité juridique et contractuelle. En effet, au regard de notre liquidité, de notre nécessité d’établir un lien de confiance avec les assurés et de notre vocation à accompagner l’Etat et la population, il nous revient de nous investir pleinement dans la lutte contre les effets de toutes crises, qu’elle qu’en soit la forme. Dans le cas de la crise actuelle, l’acquisition de matériel ou d’équipement de protection pour la population en général, et le corps médical en particulier, est par exemple appréciable. De même, un assouplissement des conditions de paiement des primes et des prestations, afin de tenir compte des tensions de trésorerie de nombre d’assurés et de bénéficiaires, serait également indiqué. Enfin, un engagement social consistant par exemple à ne licencier aucun employé permanent en ces temps de confinement serait naturellement le bienvenu.

La mobilisation de l’épargne domestique, pour renforcer notre autonomie financière en vue d’éviter les crises dont on ne peut se protéger totalement, doit également passer par l’implication de la diaspora. Pour le cas du Cameroun par exemple, il apparaît que sur un an, la diaspora transfert près de 200 milliards de francs CFA à ses proches résidents, soit près de cinq fois les collectes d’épargne annuelle des assureurs vie et environ 1 % du PIB. L’idée ici n’est pas uniquement d’inciter à une augmentation du montant de ces transferts pour participer à l’effort national, le montant actuels étant déjà à un niveau satisfaisant, mais plutôt d’insister sur la réorganisation de ces transferts de la diaspora en vue d’une meilleure utilisation, idéalement via les professionnels de l’épargne (en particulier via les assureurs vie, ces derniers ayant dans leur ADN le principe de l’épargne pour un tiers bénéficiaire).

L’épargne en générale, et l’assurance vie en particulier, est un outil de taille pour contribuer au développement socioéconomique de nos pays, que ce soit via son rôle protecteur auprès des populations ou via son rôle d’investisseur dans l’économie réelle. Cet outil permet ainsi d’amortir l’effet des chocs extérieurs sur notre quotidien. Charge à chacun d’en mesurer l’importance, et d’agir en conséquence, pour soi-même, ses proches et ses concitoyens.

Aymric Kamega

Docteur en Actuariat (Université Lyon 1 – ISFA)

PDG d’ACAM Vie (Assurances du Cameroun Vie)

Rédaction
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