(BFI) – Selon un communiqué du 31 mars 2025 signé du Responsable Marketing et Communication de la firme PricewaterhouseCoopers Afrique Francophone SubSaharienne (PwC AFSS), « Après un examen stratégique approfondi, les firmes PwC en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Cameroun, en République Démocratique du Congo (RDC), en République du Congo, à Madagascar, en République de Guinée, au Sénégal, en Guinée Équatoriale et au Tchad se séparent du réseau PwC et opèrent désormais de manière séparée et indépendante ».
PricewaterhouseCoopers (PwC) est un réseau qui se positionne parmi les « Big Four », c’est à dire les quatre plus grands cabinets d’audit et de conseil au monde. Le réseau PwC emploie environ 370 000 collaborateurs dans 149 pays. PwC a une forte présence dans plusieurs marchés africains.
Les liens entre PwC Global et PwC Afrique Francophone SubSaharienne (PwC AFSS) sont principalement structurés autour d’un modèle de réseau commun à toutes les entités PwC à travers le monde, dans lequel PwC Global (PwC International Limited) est l’entité faîtière qui coordonne un réseau de firmes PwC (parmi lesquelles PwC AFSS) en lui apportant le support technique, les méthodologies d’audit, les outils technologiques, l’accès à une base de connaissances mondiale, et les formations régulières pour garantir l’alignement sur les meilleures pratiques.
PwC AFSS est dirigé par un partenariat régional, avec des associés locaux, et regroupe plusieurs bureaux en Côte d’Ivoire, au Gabon, au Cameroun, en République Démocratique du Congo (RDC), en République du Congo, à Madagascar, en République de Guinée, au Sénégal, en Guinée Équatoriale et au Tchad. L’entité PwC AFSS est juridiquement indépendante mais elle est contractuellement liée à PwC Global et fonctionne comme une firme membre du réseau mondial opérant sous licence accordée par PwC Global, qui impose: l’utilisation de la marque PwC, le respect des standards de qualité, d’éthique et de conformité, l’adhésion à des politiques internes globales (gouvernance, formation, technologie, etc.). Suivant leur accord, si PwC AFSS ne respecte pas les normes ou les obligations contractuelles, PwC Global peut lui retirer la licence ; C’est ce qui est arrivé.
La décision de retrait de licence à PwC AFSS serait motivée par des manquements aux standards de conformité imposés par PwC Global, des désaccords sur la gouvernance, la transparence financière et la gestion des ressources humaines au sein des bureaux africains. Cette décision de retrait de licence de PwC a conduit les partenaires africains à envisager de prendre leur indépendance en tant qu’entité distincte.
Cette crise de PwC AFSS pourrait avoir des répercussions significatives sur le marché du conseil et de l’audit en Afrique francophone.
Concernant PwC Global, il serait illusoire et naïf de croire que PwC abandonnerait le marché de l’Afrique Francophone qui demeure important au vu du niveau d’implantation des autres grandes firmes. Le retrait de licence à PwC AFSS est en réalité une réorganisation et un redéploiement stratégique de la firme PwC Global en Afrique Francophone. Il s’agit pour elle de mettre fin à PwC AFSS dans la forme actuelle qui ne fonctionne pas suivant ses exigences, et de recréer une ou plusieurs firmes PwC en Afrique Francophone SubSaharienne (New PwC AFSS) mieux adaptées avec de nouveaux associés pour un nouveau départ dans les pays stratégiques pour PwC Global en Afrique Francophone. New PwC AFSS pourrait se repositionner pour ne servir que les filiales africaines des multinationales clientes de PwC Global, son marché naturel de base.
Concernant les entités indépendantes membres de l’ex-PwC AFSS, il est fort à parier que ce sera le « sauve qui peut ». Les firmes indépendantes sorties du réseau PwC trouveront chacune dans leur pays respectifs leur propre voie. Certaines rejoindront d’autres réseaux de firmes internationales concurrents de PwC, d’autres muteront en firmes locales.
Concernant les autres grands réseaux internationaux de firmes d’audit et de conseils tel que PwC, ils devraient revenir aux principes fondamentaux de leur présence en Afrique, c’est-à-dire, accompagner et servir leurs clients internationaux, notamment les investisseurs étrangers, les organisations et les entreprises multinationales qui interviennent dans les pays africains. Compte tenu de leur appréciation du niveau de risque élevé d’audit, d’éthique et de non-conformité que présentent les clients du secteur public et du secteur privé local, ces grandes firmes internationales devraient laisser ces marchés locaux aux firmes locales d’audit de conseils.
La fin de PwC AFSS représente assurément pour les autres firmes d’audit et de conseils dans les pays d’Afrique Francophone, une opportunité de conquête des clients de PwC AFSS qui vivent actuellement une période de doute et d’incertitude, mais à la condition de développer et de mettre en œuvre des stratégies offensives efficaces.
Les gouvernements et les entrepreneurs africains devraient tirer les leçons de l’instabilité en Afrique au cours des dernières années, des grands réseaux mondiaux de l’audit et du conseil, qui est une source de perturbations économiques compte tenu de leur poids et de leur influence dans les processus décisionnels. Ils auraient intérêt à encourager le développement de l’expertise locale en faisant davantage confiance aux firmes locales et régionales et cesser de se laisser imposer leurs choix par les bailleurs de fonds internationaux qui ont une préférence pour les grandes firmes internationales. Toutefois, pour être à la hauteur des enjeux et occuper le terrain, les experts locaux doivent monter en compétences et en professionnalisme.
Emile C. BEKOLO, Expert-Comptable, Ancien associé de PwC Afrique Francophone – Cameroun de 1998 à 2004