(BFI) – L’un des plus grands projets énergétiques d’Afrique, d’un coût global d’environ 786 milliards de F CFA, vient de franchir une étape déterminante, avec la signature, le 8 novembre 2018 à Paris, des accords de financement relatifs à la construction de la centrale hydroélectrique de Nachtigal amont, de la ligne 225 000 V Nachtigal Nyom 2 et de la Cité d’exploitation.
Ces contrats de financement viennent ainsi parachever un impressionnant édifice contractuel construit progressivement avec l’ensemble des partenaires du projet depuis cinq ans. Ce qui ouvre la voie au début des travaux de construction à la fin du mois de décembre 2018, pour une durée de 57 mois. Sauf cas de force majeure, on devrait donc assister dans quelques semaines au démarrage d’un gigantesque chantier sur le site du projet de barrage et d’usine, situé sur le fleuve Sanaga, au niveau des chutes de Nachtigal amont, à 65 km au Nord-Est de Yaoundé, région du Centre.
La levée du dernier verrou ou mieux, l’accélération du processus devant déboucher sur le lancement effectif des travaux est intervenue, faut-il le souligner, deux jours seulement après l’inauguration du nouveau septennat du chef de l’Etat, placé sous le signe des Grandes opportunités. En dépêchant dans la capitale française le ministre des Finances, Louis Paul Motaze pour conclure avec les partenaires techniques et financiers les accords de financement relatifs à la construction de ce grand barrage, le président de la République, Paul Biya, a semblé indiquer qu’il n’y a plus de temps à perdre, l’action devant désormais traduire les engagements pris dans les faits, afin que, dans un peu moins de cinq ans, le Cameroun dispose d’une source additionnelle importante de production d’électricité.
La capacité du futur ouvrage est estimée à 420 MW d’énergie verte, ce qui représentera, dès son entrée en service, juste avant 2023, 30% de la capacité installée de l’énergie électrique au Cameroun (1442 MW en 2018). Incontestablement, les ambitions du chef de l’Etat sont en hausse, en ce qui concerne la production de l’énergie électrique, car il sait que la mise en œuvre du Plan directeur d’industrialisation du Cameroun exige un « apport d’énergie stable et suffisant ». C’est la raison pour laquelle dans le discours inaugural de l’actuel septennat, il a rappelé les efforts entrepris dans le secteur depuis un certain temps, indiquant que « les barrages et les centrales hydroélectriques que nous avons construits devraient permettre au Cameroun, à plus ou moins brève échéance, de répondre pleinement aux exigences de son économie et aux préoccupations des populations en la matière ».
Mais, nous ne nous arrêterons pas là, a ajouté Paul Biya. « Nous continuerons d’exploiter tous les sites et cours d’eau disponibles afin de faire du Cameroun un grand producteur d’électricité dans notre continent », a-t-il poursuivi. Le cap à atteindre est désormais fixé. C’est dans cette perspective que s’inscrit le lancement annoncé de la réalisation du projet de barrage de Nachtigal amont, dans le cadre de l’équipement du bassin versant de la Sanaga par la construction de nouveaux ouvrages de production. Techniquement, le schéma est tracé. Car pour exploiter l’énorme potentiel de la Sanaga, il fallait au préalable construire en amont un grand barrage-réservoir comme celui de Lom-Pangar, avec sa capacité de retenue d’eau évaluée à six milliards de mètres cubes.
C’est ainsi que l’aménagement hydroélectrique de Nachtigal amont bénéficiera de la régularisation des débits du fleuve assuré par les grands lacs amont de Mbakaou et de Lom-Pangar justement. Tout comme les autres ouvrages projetés en aval de ceux-ci qui ne souffriront plus, comme c’était le cas avant, de l’insuffisance de l’eau en période d’étiage. Une situation qui ne permettait pas aux turbines de fonctionner à plein régime, diminuant de la sorte les quantités d’énergie électrique produites. Par ailleurs, le barrage hydroélectrique de Nachtigal amont ouvrira des opportunités nouvelles en matière d’industrialisation du Cameroun. Quand on sait que la qualité et le coût de fourniture de l’électricité sont indexés comme un frein à la croissance économique du pays, avec une estimation de 1 à 2% de points de perte du taux de croissance annuelle.
Selon les études de la Banque mondiale, 2/3 des entreprises camerounaises citent l’énergie comme une contrainte et évaluent à environ 5% de leur production, les pertes liées à l’instabilité du service électrique. L’entrée en service de la centrale hydroélectrique de Nachtigal amont dans quelques années, après les barrages de Memve’ele (211 MW), Mekin (15 MW) et Lom-Pangar (usine de pied de 30 MW), contribuera à une amélioration perceptible de l’offre, la puissance installée devant passer à 1862 MW environ en 2023, dans un contexte marqué par la hausse de la demande en électricité (environ 7,5% par an).
Même si, à l’horizon 2020, le besoin en capacité supplémentaire est estimé entre 800 et 1000 MW, il reste que, sur le plan industriel, une nouvelle page s’écrira, car quand il sera opérationnel, le barrage de Nachtigal amont permettra par ailleurs au pays d’économiser chaque année 100 millions de dollars supplémentaires (plus de 58 milliards de F CFA) de coûts de production, selon la Banque mondiale. Bien plus, en baissant le coût de l’électricité, le Cameroun va accroître sa compétitivité économique. Alucam, plus gros consommateur de l’énergie électrique au Cameroun, pourra enfin envisager plus sérieusement l’exécution du vieux projet d’extension de son usine d’Edéa, en faisant passer sa production d’aluminium de 90 000 à 300 000 tonnes par an.
André Noir