(BFI) – Sans être exhaustif, le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, a égrené un chapelet de points qui pourrait être la cause des contre performances de la collecte de la taxe sur les collectivités territoriales décentralisées au Cameroun.
Dans le cadre du projet de loi portant fiscalité locale présenté hier jeudi 21 novembre 2024 devant la commission des finances et du budget, le ministre des finances, Louis Paul Motaze, a présenté de long en large les limites pouvant empêcher l’atteinte de cet objectif de mobilisation des recettes des CTD.
S’agissant des limites du dispositif actuel de mobilisation des recettes des collectivités territoriales décentralisées, on peut relever, sans être exhaustif :
- la multiplicité des impôts et taxes locaux, avec plus d’une quarantaine de prélèvements, complexifiant ainsi leur gestion et limitant en conséquence leur efficacité ;
- la faiblesse du rendement des impôts communaux autres que les centimes additionnels communaux (droit de timbre automobile, RFA, patente, licence, taxe sur les jeux de hasard, taxe foncière, impôt libératoire). Bien plus, le rendement de certains impôts, tel que la taxe foncière et l’impôt libératoire, demeure largement en deçà de son potentiel réel ;
- l’analyse des statistiques révèle en outre que trois (3) impôts locaux, sur la trentaine que compte le dispositif actuel, constituent à eux seuls plus de 90% du rendement global. Se pose alors la question de la pertinence du maintien de ce mille-feuille fiscal à l’utilité non attestée par les chiffres ;
- la répartition des compétences entre les services fiscaux de l’Etat (DGI) et les CTD apparait également comme un sujet de crispation. En effet, il n’est pas rare, du fait parfois de la non clarté des textes, mais aussi très souvent d’un manque évident de concertation, que ces structures revendiquent concurremment le pouvoir de percevoir tel ou tel impôt, laissant ainsi le contribuable dans l’embarras. Cette situation met en lumière la nécessité impérative de repenser les modalités de collaboration entre ces acteurs. Cela passe par l’instauration d’un cadre de concertation renforcé, aussi bien pour l’élaboration de la norme fiscale, que pour la définition des objectifs de rendement et la gestion quotidienne des impôts et taxes locaux ;
- la faible implication des CTD dans la gestion de la fiscalité locale constitue un handicap dans la mobilisation des recettes locales. En effet, il faut mettre à contribution la proximité des CTD vis-à-vis des contribuables pour améliorer la gestion du fichier des contribuables locaux, les taux de recouvrement, et donner un rôle plus accru aux CTD dans la sensibilisation à la citoyenneté et au paiement des impôts locaux.
- le développement encore embryonnaire de la fiscalité régionale, limitant la capacité des régions à mobiliser des ressources autonomes et à contribuer efficacement au financement de leur développement ;
- l’insuffisante intégration des technologies de l’information et de la communication (TIC) dans l’administration des impôts et taxes locaux, freinant ainsi leur optimisation et la modernisation des processus de gestion fiscale.
Un comité interministériel dédié
C’est en prenant en compte ce contexte, marqué à la fois par l’accélération du processus de décentralisation et par les difficultés liées à la gestion actuelle de la fiscalité locale, que, sur haute instruction du Premier Ministre, Chef du Gouvernement, les ministres en charge des finances et de la décentralisation ont pris, par arrêté numéro 00404/MINFI/AC/MINFI/MINDDEVEL du 27 août 2020, la décision de créer un comité interministériel dédié à la réforme de la fiscalité locale.
Ce comité, composé de représentants des ministères concernés, des collectivités territoriales décentralisées, du Fonds Spécial d’Équipement et d’Intervention Intercommunale (FEICOM) et du Programme d’Appui au Développement Communal (PRADEC), avait pour mission principale de moderniser le cadre institutionnel et législatif de la fiscalité locale, afin de renforcer l’autonomie financière des CTD.
Outre les débats tenus au sein dudit comité, des concertations ont également été menées avec des partenaires au développement à l’instar de la Banque Mondiale, du Fonds Monétaire International (FMI), de la GIZ, des acteurs du secteur privé, dont notamment le GECAM, des organisations de la société civile et un certain nombre d’associations de contribuables.
Des missions de benchmarking ont par ailleurs été conduites en vue de s’imprégner des meilleures pratiques à l’international et de mutualiser avec les Administrations fiscales et en charge de la décentralisation des pays à niveau de développement comparable. Ces concertations ont permis de recueillir des expertises variées et d’assurer une prise en compte globale des enjeux de la réforme.
Les innovations introduites par cette loi résultent ainsi de ces efforts concertés, témoignant d’une volonté partagée de doter notre pays d’un système de fiscalité locale modernisé et performant, en mesure de répondre efficacement aux défis actuels et futurs.
Omer Kamga