BFI) – Le Kigali International Financial Centre a pour objectif de devenir l’un des plus grands centres financiers panafricains dans un esprit de coordination avec les autres centres financiers africains. Dans cette interview, Nick Barigye, PDG de Rwanda Finance Limited, dévoile la stratégie de son pays pour attirer les investisseurs mondiaux et les talents. “Nous voulons connecter les investisseurs internationaux avec les opportunités à travers l’Afrique. Nous voulons connecter les entrepreneurs africains avec les capitaux du monde entier.”
Comment présenteriez-vous Rwanda Finance Limited?
RFL est une entreprise chargée de promouvoir le projet du Kigali International Financial Centre (KIFC). Le contexte du continent est particulier avec des besoins d’investissements plus importants que jamais. Ces besoins concernent en grande partie le financement à long terme dans des domaines spécifiques. C’est le cas, entre autres, des infrastructures, de l’adaptation aux changements climatiques, de l’accompagnement de la poussée démographique et, des besoins sociaux. Par exemple, le déficit d’infrastructure de l’Afrique à lui seul est estimé à 93 milliards de dollars par la Banque mondiale. Maintenant, dans ce contexte, nous avons trois objectifs principaux au sein du Kigali International Financial Center. Le premier est de fournir une plateforme pour les investissements accompagné des ressources nécessaires pour stimuler l’esprit d’entreprise et la croissance économique dans les industries et les communautés. Le deuxième objectif est de positionner le Rwanda comme une juridiction adaptée à l’investissement en Afrique, une alternative pour la mobilisation de capitaux. Enfin, le Kigali International Financial Centre vise à devenir un centre financier de premier plan pour les investissements panafricain ou régionaux. Nous visons à promouvoir un environnement financier stable et respectueux des standards internationaux. Notre proposition de valeur concerne donc trois points majeurs: une connectivité panafricaine pour une audience mondiale et des investisseurs internationaux; une place financière transparente et conforme aux normes internationales; et un standard de service aux normes ISO.
Somme toute, le positionnement de Kigali International Financial Centre est-il à l’échelle panafricaine ?
Absolument, dans le même esprit que la zone de libre-échange continentale (ZLEC) qui vise à faciliter l’investissement, le commerce et la mobilité de la main-d’œuvre à travers le continent. KIFC est donc pour le gouvernement du Rwanda l’une des nombreuses voies pour opérationnaliser la ZLEC.
Concernant ce tropisme continental, avez- vous une diversité de nationalités africaines au sein du conseil d’administration de Rwanda Finance Limited?
C’est tout à fait le cas pour le conseil d’administration de Rwanda Finance Limited. C’est aussi le cas pour le régime des visas au Rwanda qui traduit cette volonté d’ouverture vers le continent et le reste du monde. Pour rappel, nous garantissons un visa à l’arrivée à tous les citoyens des pays membres de l’Union africaine, de la Francophonie (OIF) et du Commonwealth. Cela représente une centaine de pays. Voilà à quel point l’ économie rwandaise est ouverte aujourd’hui. En dehors de cela, nous avons mis en place d’autres incitations structurelles telles que la libre circulation des capitaux, l’absence de restrictions de rapatriement des capitaux et de restriction de change, etc. Toutes ces mesures visent à faciliter le commerce non seulement au Rwanda mais aussi à travers l’Afrique.
Quels sont les avantages du Kigali International Financial Centre par rapport à Casablanca et à Maurice?
Cette question est très importante. Notre message destiné à notre audience mondiale et aux investisseurs internationaux est le suivant : lorsque nous examinons le classement mondial des centres financiers, l’Afrique en tant que continent, pourtant trois fois plus grand que l’Europe, ne compte que cinq centres financiers. Le vieux continent en compte vingt-cinq ! Alors qu’en Afrique, le continent avec ses futurs débouchés aura besoin de plus en plus de centres financiers pour faciliter l’investissement et le commerce. Ainsi, notre approche au sein de KIFC ne concerne pas les avantages que nous aurions sur des places financières comme Casablanca ou Maurice mais plutôt la manière dont nous pouvons collaborer avec tous les centres financiers existants situés en Afrique pour résoudre les besoins d’investissement du continent. Nous pensons qu’il est nécessaire de créer des centres financiers internationaux en Afrique de l’Est, en Afrique de l’Ouest, australe et du Nord. Pour que nous puissions avoir un réseau de centres financiers africains qui facilitent les investissements internationaux. Concrètement, c’est ce qui explique que nous ayons choisi d’être membre de l’Alliance mondiale des centres financiers internationaux. Nous avons également un protocole d’accord existant avec Casablanca Finance City Authority, avec le Belgian Financial Center et le Johannesburg Stock Exchange. Nous croyons que si nous coopérons, la qualité de service et les bonnes pratiques s’en trouveront durablement renforcées. Tel est notre message et notre approche.
Quelles sont les incitations offertes par le Rwanda aux investisseurs en démarrage et aux PME?
Le Rwanda accorde aux investisseurs diverses incitations. Comme mentionné précédemment, nous n’avons aucune restriction sur les devises et le marché des changes, aucune restriction sur la participation du capital étranger dans une entreprise, aucune restriction sur la mobilité des capitaux et aucune restriction sur le rapatriement des capitaux. Concrètement, au sein de KIFC, nous avons des taux d’imposition compris entre 3 et 15 % sur l’impôt sur les sociétés et une fiscalité spécifique et avantageuse pour les holdings. Au-delà de la fiscalité, la proposition de valeur de KIFC repose sur une juridiction transparente et conforme aux normes internationales.
Existe-t-il un programme spécifique pour les investisseurs africains?
Nous n’avons pas de programme spécifique pour les investisseurs africains. Le Rwanda est une économie ouverte. Dans notre politique d’incitations, nous ne faisons pas la différence selon les nationalités ou les origines des investisseurs. Les investisseurs internationaux, africains, ou encore locaux sont soumis exactement aux mêmes conditions. Nous construisons un environnement ouvert qui facilite le commerce mondial, les investissements mondiaux et les initiatives ayant un impact réel sur l’Afrique.
Qu’en est-il pour les jeunes talents d’Afrique et du reste du monde qui souhaitent s’installer au Rwanda via KIFC?
Mon message destiné aux jeunes talents d’Afrique comme pour ceux en dehors de l’Afrique serait qu’ils sont les bienvenus. «Murakaza neza», comme le dit-on en kinyarwanda. Nous avons besoin d’une nouvelle génération d’investisseurs et de financiers internationaux. Nous travaillons à promouvoir et à développer les compétences des jeunes talents au Rwanda, comme en dehors du Rwanda. Au-delà, nous avons des institutions de formation de niveau international au Rwanda comme l’Université Carnegie Mellon ou encore l’Africa Leadership University. Toutes ces institutions sont installées dans notre pays pour attirer de jeunes talents qui veulent s’y former et y travailler. Ils sont donc les bienvenus. Nous avons un régime de visa à l’arrivée pour les citoyens des pays membres de l’Union africaine, de l’OIF et Commonwealth. De plus, nous avons une politique de visa ciblée pour trois catégories: d’abord, les entrepreneurs étrangers innovants qui sont éligibles à un visa de deux ans en cas de démarrage d’une entreprise au Rwanda. Ensuite, les étudiants des écoles internationales au Rwanda. Une fois leurs études terminées, ils sont éligibles à un visa de deux ans et peuvent continuer à travailler sur notre sol. Enfin, les personnes ayant des compétences professionnelles ont également le droit à un visa de deux ans leur permettant de vivre et de travailler au Rwanda. Vous l’aurez compris, tous sont les bienvenus.
Le message à retenir est donc que le Rwanda est un pays ouvert aux investisseurs et aux talents. Comment le programme de la ZLEC contribuera- t-il à concrétiser votre vision de centres financiers africains travaillant en réseau ?
Ce que je peux vous dire, c’est que nous y travaillons. Par exemple, nous avons un investisseur en santé qui est coté à la bourse de Johannesburg (JSE) et également coté à la bourse du Rwanda (RSE). Nous voulons voir la multiplication de ces investissements internationaux avec un impact sur plusieurs pays et plusieurs communautés. La coordination des centres financiers africains contribuera à accélérer la tendance d’autant plus si, au fur et à mesure, les places financières se spécialisent. Par exemple, KIFC peut être un centre de la finance durable et du financement des PME. Un autre pourrait se spécialiser dans les fonds d’infrastructure, et ainsi de suite.
Quels sont vos principaux objectifs pour 2021?
Nous disons dorénavent aux investisseurs internationaux que nous sommes ouverts aux affaires. Mon objectif et mon message pour les investisseurs est de continuer à œuvrer pour leur offrir un environnement d’affaires attractif leur permettant d’investir au Rwanda et à travers le continent dans sa globalité.