(BFI) – La pandémie du coronavirus qui sévit actuellement à travers le monde a quelque chose de positif, du moins pour l’économie locale.
Avec le port obligatoire du masque (cache-nez) sur l’étendue du territoire national depuis le 13 avril dernier, des observateurs avertis se rendent compte de l’existence d’un marché totalement abandonné à l’Asie ou à l’Europe. Et à bien d’autres producteurs hors du continent. Le besoin en masques de protection a suscité une prise de conscience de l’ensemble de producteurs locaux, des industriels à la petite couturière du quartier. Au-delà de la conjoncture actuelle, on peut relever que c’est un marché permanent. La demande est forte. Et les masques de protection ont toujours existé, ont été vendus en grand nombre, mais, ils ont souvent été produits ailleurs. C’est vrai que certains travailleurs en avaient plus besoin que d’autres. Mais le besoin s’est désormais généralisé.
Avant la propagation planétaire du Covid-19, les masques étaient essentiellement importés. Le coût était forcément élevé, puisque le masque était considéré comme un bien de luxe. Aujourd’hui, il est devenu un bien à usage quotidien pour l’ensemble de la population urbaine, à la faveur de la crise sanitaire. Il faut dire que le Cameroun a fait preuve de résilience. Puisque la demande prenant une courbe ascendante et de manière brutale, on aurait dû faire face à une pénurie et à une inflation des prix des masques sur le marché. Mais, ça n’a pas été le cas. Au contraire, on se retrouve avec une offre rapide et généralisée, conduisant ainsi les prix à la baisse sur le marché national. C’est une situation économique qui mériterait bien d’être analysée par les chercheurs et les économistes.
Cette situation révèle au grand jour une opportunité dans le secteur textile national. On pourrait dire qu’il faut mettre à profit ce moment difficile. C’est l’heure du réveil pour les opérateurs de l’économie locale, au regard du foisonnement des produits locaux dans l’assainissement et l’hygiène corporelle. La pharmacopée traditionnelle, la fabrication des gels hydro-alcooliques, la valorisation de la filière coton… sont autant de niches à explorer. Cette crise est venue nous réveiller et révéler que les industries asiatiques et autres ont fait fortune dans ces filières pendant des décennies.
La France vient, par exemple, d’importer deux milliards de masques de la Chine. L’Italie, l’Espagne et autres pays européens les plus touchés ont dû se tourner vers le même fournisseur pour satisfaire leurs besoins en masque. Si les pays européens, pourvoyeurs traditionnels des pays africains, sont incapables de satisfaire par eux-mêmes leur demande, leur marché, que ferions-nous alors ? Devons-nous nous croiser les bras ? Pas du tout. Nous devons produire nos propres masques, nos propres gels hydro-alcooliques, nos propres médicaments… C’est le moment de capaciter davantage la filière de la pharmacopée traditionnelle ; de donner plus de visibilité et de moyens à nos instituts de recherche (l’IMPM et bien d’autres structures), pour valoriser les résultats de leurs trouvailles.
Il est temps de prendre la situation à bras le corps, de prendre en main notre destin. Il est clair que notre destin nous appartient plus que jamais. Il faut aller au-delà du simple opportunisme que crée la crise sanitaire actuelle et pouvoir mettre en place une véritable industrie locale et pérenne qui va proposer une production permanente adaptée aux standards de divers secteurs d’activités. De telle sorte que le marché national soit approvisionné en temps ordinaire comme en temps de crise.
La Cicam
L’unique entreprise du textile dans la zone CEMAC, la Cotonnière du Cameroun (CICAM), entend relever ce challenge. L’entreprise a récemment annoncé l’approvisionnement du marché local d’une gamme de « tissus normalisés » pour la production de masques.
Hormis la production de ce tissu normalisé, la CICAM entend, elle-même produire à grande échelle de masques en tissus (en moyenne 15 millions de masques par mois) ceci pour satisfaire la demande nationale et voire sous régionale.
Dans un communiqué officiel le directeur général de la CICAM a annoncé que le tissu sera vendu au prix de 2065 FCFA le mètre linéaire et permettra aux confectionneurs, qui se sont lancés dans la production des masques de protection contre le Coronavirus, d’obtenir la matière première conforme et normée.
Depuis l’introduction du port obligatoire du masque parmi les mesures barrières de prévention du covid-19, la demande en masques s’est multipliée et la population de basse classe peut difficilement s’offrir le luxe d’obtenir des masques à usages uniques (jetables après un seul usage).
Bertrand Abégoumégné