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Le Cameroun prépare de nouvelles réformes sur l’investissement privé pour maintenir le cap de l’émergence

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Malgré ce volume d’engagements, le ministre reconnaît un résultat en demi-teinte : « Ce n’est pas suffisant, nous le savons ». C’est justement parce que la loi de 2013 n’a pas atteint ses ambitions initiales qu’un nouveau texte, plus rigoureux et actualisé, est soumis au Parlement. « La raison est celle de moderniser notre corpus juridique […] pour maintenir le cap de l’émergence », a-t-il expliqué.

Cette réforme n’est pas seulement d’initiative gouvernementale. Elle répond également à une exigence du Fonds monétaire international (FMI). En janvier, lors de l’octroi d’un appui financier de 77,5 milliards de FCFA, l’institution avait demandé au Cameroun de « réviser la loi de 2013 afin de rationaliser les incitations à l’investissement ».

Le gouvernement admet que cette révision conditionnait le déblocage de futurs appuis. Dans son projet de loi, il précise que le FMI a même fait de cette modification une action préalable obligatoire avant le 15 juin 2025 dans le cadre de la 8ᵉ revue du Programme économique et financier.

Une loi critiquée pour son inefficacité

Depuis dix ans, la loi de 2013 fait l’objet de critiques convergentes. Le patronat, à travers le Gecam, estime qu’elle « affiche aujourd’hui un bilan largement en deçà des attentes ». Selon lui, son application a entraîné des pertes fiscales importantes « sans retombées proportionnelles », favorisant parfois des secteurs à faible valeur ajoutée et provoquant des distorsions de concurrence.

Le cœur du problème : une ouverture quasi totale des secteurs éligibles, combinée à des critères d’éligibilité trop généraux. Résultat : des avantages dilués dans des projets peu structurants et une dépense fiscale peu productive.

La Banque mondiale arrive aux mêmes conclusions. Dans un rapport de 2022, elle soulignait que les exonérations prévues par la loi coûtent plus qu’elles ne rapportent.

L’Agence de promotion des investissements note également un décalage entre les projections et la réalité : entre 2014 et 2022, seules 1 764 milliards FCFA ont réellement été investis sur les 2 856 milliards FCFA annoncés, et à peine 14 354 emplois ont été créés sur les 42 697 promis.

Ce que change la nouvelle loi : un recentrage stratégique

Face à ces constats, le gouvernement assure avoir procédé à une refonte profonde du dispositif. Alamine Ousmane Mey explique que la nouvelle loi introduit plusieurs innovations majeures. Elle consacre d’abord un référentiel unique, qui devient la base de tous les régimes d’incitations à l’investissement. Les critères d’éligibilité sont ensuite rationalisés, renforcés et désormais complétés par la création de zones de développement prioritaires.

Le texte opère également un changement de paradigme fiscal, en substituant aux réductions d’impôt un système de crédit d’impôt, jugé plus efficace pour maîtriser la dépense fiscale. Par ailleurs, les entreprises publiques deviennent éligibles aux incitations, afin de garantir une équité avec les acteurs privés évoluant dans des secteurs concurrentiels. La réforme prévoit aussi la création d’un guichet unique destiné à fluidifier les procédures d’agrément, ainsi que la mise en place d’un comité d’audit chargé du suivi, du contrôle et du règlement des éventuels recours.

Le ministre conclut que ces réformes permettront au gouvernement « d’utiliser davantage ces ressources pour soutenir les investissements susceptibles de favoriser la transformation structurelle du Cameroun et promouvoir la politique d’import-substitution ».

Un tournant stratégique

La révision de la loi sur l’investissement privé illustre un tournant stratégique : le Cameroun cherche à passer d’une logique de distribution large d’exonérations à un modèle plus sélectif, plus contrôlé et théoriquement plus productif. Le passage aux crédits d’impôt et l’introduction de zones prioritaires montrent la volonté de mieux orienter la dépense fiscale vers des investissements à fort impact, en cohérence avec la SND30.

Reste une question centrale : la capacité de mise en œuvre. La création d’un guichet unique et d’un comité d’audit est un signal fort, mais l’efficacité dépendra de la coordination inter-administrative et de la discipline budgétaire. Si cette réforme est bien exécutée, elle pourrait clarifier le climat d’affaires, réduire la dépense fiscale inefficace et redonner de la crédibilité à la politique industrielle camerounaise.

Rédaction
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