(BFI) – Le FMI salue les progrès réalisés par la Côte d’Ivoire dans la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme. Et distingue des failles, notamment dans la collaboration entre les services, ivoiriens et étrangers, et dans la prise de conscience du phénomène, y compris par les institutions financières.
En une décennie, la Côte d’Ivoire a suffisamment fait des progrès dans la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Telle est la première conclusion du volumineux rapport détaillé publié par le FMI (Fonds monétaire international) sur les mesures prises par le pays en ce domaine depuis le vote d’une loi, en 2012.
« Les effets de cette dynamique commencent à se matérialiser, notamment avec la nouvelle impulsion donnée aux enquêtes et poursuites judiciaires dans le domaine de la criminalité financière », salue le FMI. Selon qui, « pour autant qu’elles soient soutenues, renforcées et basées sur une compréhension des risques plus approfondie, ces réformes devraient porter davantage de fruits durant les années à venir ».
Les principales infractions sous-jacentes au blanchiment des capitaux, en Côte d’Ivoire, sont la corruption, suivie des crimes environnementaux, du trafic de stupéfiants, de la contrefaçon, du trafic de médicaments, de la fraude et de l’escroquerie.
Pour autant, il reste des défis à relever, tels que la prévalence des espèces et l’importance du secteur informel dans l’économie du pays, la dimension transfrontalière des infractions, ou encore la corruption.
Certes, les autorités ont identifié des secteurs à risque élevé et les principales menaces intérieures, en matière de blanchiment des capitaux et financement du terrorisme. «Cependant, elles n’ont pas démontré de compréhension détaillée des méthodes employées dans la pratique », estime le FMI. Cette limitation touche à des sujets clés dans le contexte du pays, notamment les flux financiers transfrontaliers, le secteur financier ainsi que la corruption, et fait obstacle à la mise en œuvre d’une approche fondée sur les risques. De même, les autorités ont pris des mesures en réponse à certains risques jugés élevés, notamment ceux liés à la corruption ou au secteur immobilier, mais celles-ci sont encore récentes et n’ont traité les risques que dans une certaine mesure.
Toutefois, le renseignement financier a permis au pays d’obtenir des condamnations et des confiscations notables en matière de blanchiment, même si le degré de sophistication des transmissions reste à améliorer. L’organisme dédié, la Centif, publie encore peu de données à ses partenaires ivoiriens et étrangers, faute de moyens humains et techniques. À l’inverse, le Pôle Pénal, Économique et Financier (PPEF) et certaines autorités d’enquête utilisent le renseignement financier et les autres informations « de façon adéquate » pour développer des preuves et rechercher des produits du crime.
Résultat, le blanchiment des capitaux « est insuffisamment poursuivi en tant qu’infraction autonome, ce qui nuit à la capacité des autorités à approfondir les aspects financiers et patrimoniaux des enquêtes, en particulier dans les affaires internationales ». Et malgré l’existence d’une criminalité transnationale bien implantée, les aspects internationaux des enquêtes sont très peu exploités.
Un signal fort
Les affaires liées à la corruption n’ont en effet donné lieu qu’à très peu de poursuites ou de condamnations, malgré le caractère systémique de cette criminalité. D’autres menaces identifiées comme prioritaires, notamment la criminalité environnementale et la fraude fiscale, sont insuffisamment poursuivies. Pourtant, « les peines prononcées sont généralement efficaces, proportionnées et dissuasives », salue le FMI.
Selon qui la création de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs criminels (AGRAC) constitue « un signal fort et un gage de renforcement de l’efficacité des mécanismes de confiscation ». Des axes d’amélioration importants existent en ce qui concerne la confiscation des biens détenus à l’étranger et la confiscation de numéraire aux frontières, non proportionnés aux menaces transnationales.
En matière de financement du terrorisme, le bilan semble plus mince. Des enquêtes sont ouvertes après es attaques terroristes, mais aucun dossier n’est passé en jugement à ce jour ; aucune condamnation n’a dès lors été obtenue et donc aucune confiscation n’a été prononcée dans ce domaine. L’« identification des cas potentiels de financement d’organisations, d’individus ou d’activités terroristes en dehors de la Côte d’Ivoire ne paraît pas constituer une priorité », s’interroge le FMI.
Plus généralement, l’importance du secteur informel, où les mesures de vigilance ne sont pas appliquées, altère l’efficacité globale de la prévention du blanchiment et des financements illicites, juge le FMI qui s’interroge sur « la connaissance limitée » des institutions financières, y compris des autorités de contrôle, en ces domaines, en Côte d’Ivoire.
La Commission Bancaire s’est dotée d’outils et moyens de contrôle mais dont l’efficacité reste limitée. Les sanctions et les mesures adoptées à la suite des contrôles ne reflètent ni la gravité, ni la persistance des manquements constatés.
Pourtant, les risques existent : les principales infractions sous-jacentes au blanchiment des capitaux, en Côte d’Ivoire, sont la corruption, suivie des crimes environnementaux, du trafic de stupéfiants, de la contrefaçon, du trafic de médicaments, de la fraude et de l’escroquerie.
Plusieurs de ces infractions, notamment la criminalité environnementale, le trafic de stupéfiants et de médicaments, présentent une dimension internationale. La Côte d’Ivoire est devenue un point de transit pour le trafic international de stupéfiants. Une part importante des produits de ces trafics semble être blanchie en Côte d’Ivoire, notamment dans le secteur immobilier. Enfin, juge le FMI, la Côte d’Ivoire est confrontée à un risque de FT élevé ainsi qu’à une menace terroriste croissante, notamment dans les régions frontalières du nord du pays.