(BFI) – Les chefs d’Etat des pays membres de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cémac) (1) se réunissent, le 17 mars à Yaoundé, au Cameroun, pour faire le point des étapes franchies sur le chemin de l’intégration régionale et appuyer sur l’accélérateur des réformes, l’un des maillons faibles de cette organisation.
Sans tambour ni trompette, l’Afrique des Six avance à son rythme et préconise, à l’horizon 2025, de faire de la Cémac « un espace économique intégré et émergent, où règnent la sécurité, la solidarité et la bonne gouvernance, au service du développement humain ». Au-delà de son aspect déclamatoire, cette vision commune des dirigeants de la sous-région s’appuie sur une volonté d’intégration soutenue par le programme des réformes économiques et financières (Préf-Cémac) initié en 2016.
L’ordre du jour (en projet) de la 15e session ordinaire de la conférence des chefs d’Etat qu’abrite la capitale camerounaise prévoit deux communications. La première sur l’état d’avancement de la deuxième génération de ce programme, et la seconde sur le dossier de rationalisation des communautés économiques régionales d’Afrique centrale. Si cette dernière, délivrée par l’hôte du sommet, le président Paul Biya, portera assurément sur le projet de fusion de la Cémac et de la CEEAC (Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale), la première communication émanera du chef de l’Etat congolais, Denis Sassou N’Guesso, qui, en sa qualité de président dédié du Préf-Cémac, exposera, entre autres, sur l’état d’avancement de la deuxième génération du programme.
Première génération
Dès sa mise en place en 2016, dans un contexte de crise consécutif à la chute des prix des matières premières, particulièrement des hydrocarbures, le Préf-Cémac, doté d’un comité de pilotage (Copil), s’est engagé, à partir de 2017 jusqu’à 2021, à la stabilisation du cadre macro-économique et à la transformation structurelle des économies de la sous-région. Dans ce cadre, les négociations entamées par les Etats membres avec le Fonds monétaire international ont abouti à la signature d’accords jugés concluants.
Dans cette optique, la fusion des marchés financiers de la sous-région a été réalisée, la Banque de développement des Etats de l’Afrique centrale (BDEAC), réformée, joue désormais le rôle attendu d’elle qui est de financer le développement régional. Des actions à l’échelle de la sous-région ont aussi été coordonnées pour répondre aux urgences liées à la pandémie de covid-19.
Pour relever le défi des importations qui grèvent le portefeuille des Etats, le Préf-Cémac a adopté une stratégie dite d’import-substitution des produits désignés « produits du cru de la Cémac» listés comme faisant partie du package des produits les plus consommés : le poisson, le riz-blé, le manioc, la viande bovine et les hydrocarbures. L’objectif étant de donner aux Etats les moyens d’encourager leur production locale pour le bien de la population.
L’un des succès de cette première phase de l’exécution de ce programme est la mobilisation de 3,8 milliards d’euros lors de la table ronde tenue à Paris, en 2020, destinée au financement des projets intégrateurs de la Cémac. Il faut noter que le Préf-Cémac est sous-tendu par cinq piliers ayant pour base les politiques budgétaires, la politique monétaire et le système financier, les réformes structurelles, l’intégration régionale et la coopération internationale.
Deuxième génération
D’après les données de la Cémac, sur ces cinq piliers, les contreperformances sont importantes sur les réformes structurelles. Alors, en effet, que des efforts sont perceptibles en matière de politiques budgétaires au niveau des Etats individuellement et collectivement pris, que la politique monétaire et le système financier se stabilisent et se consolident, que la coopération internationale est plutôt sur une pente globalement ascendante, la question des réformes se pose encore avec acuité. Les experts notent qu’elles ne sont réalisées à ce jour qu’à hauteur de 37,9%.
L’accélération des réformes au sein de la sous-région devra permettre à terme de diversifier les économies portées essentiellement par la production pétrolière ; dynamiser le secteur privé ; améliorer le climat des affaires ; apporter de nouveaux financements ou des financements alternatifs au profit des secteurs publics et privés.
Si un accent est mis sur les réformes, les quatre autres « piliers » sont aussi concernés par la réalisation de performances pour assurer la réussite du Préf-Cémac. Il est certain que dans sa communication, le président Denis Sassou N’Guesso, après avoir dressé le bilan du chemin parcouru, fixera ses pairs sur les défis de la deuxième génération du programme allant de 2021 à 2025 et au-delà d’autant plus que s’agissant des projets intégrateurs, la Cémac table sur la période 2023-2028.
Autres attentes
A Yaoundé, les chefs d’Etat suivront aussi le rapport du gouverneur de la Banque centrale. Ils évoqueront les retombées de la guerre en Ukraine sur les économies de la sous-région en se prononçant pour une approche qui puisse permettre aux Etats de résister à des chocs inattendus. La question de la Crypto monnaie et son impact sur les économies est également à l’ordre du jour du sommet après que l’un des membres de l’organisation en a adopté l’utilisation.
Les chefs d’Etat discuteront du principe de rotation pour l’ensemble des institutions de la Cémac. Bangui pourra à nouveau accueillir la Commission et l’Ecole inter-Etats des douanes, et, autre question importante, des nominations seront prononcées à la tête de différentes instances. Sont attendus aussi les rapports du président de la Commission de la Cémac, du président de la BDEAC et du secrétaire général de la Commission bancaire.
Quid du franc CFA ?
La question de la réforme du franc CFA de la zone Cémac ne semble pas figurer à l’ordre du jour du sommet de la capitale camerounaise. Déjà en 2016, pour toute préconisation liée à la monnaie qu’ils ont en partage, il n’était envisagé par les chefs d’Etat que des « efforts d’ajustement sur les plans intérieur et extérieur assortis de réformes structurelles adéquates ».
Sept ans après, l’eau a peut-être coulé sous le pont et dans la dynamique du mouvement déclenché en Afrique de l’Ouest sur le franc de la zone Uémoa « attirée » par l’Eco, d’aucuns voyaient la Cémac réformer en profondeur sa monnaie. MAC, pour « Monnaie de l’Afrique centrale », voilà le nom, parmi tant d’autres, qui a circulé dans certaines officines. Peut-être pour rien ? Attendons de voir.