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« Développer la Zone de Libre Echange Continentale Africaine : une priorité pour construire une croissance africaine endogène »

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Le constat actuel appelle en effet à des mesures structurelles pour modifier en profondeur nos échanges commerciaux. Notre continent est encore maintenant trop dépendant dans ses rapports économiques avec le reste du monde de ses ressources naturelles qui représentent à elles seules 65% de nos exportations, et dont les fluctuations des prix fixés sur les marchés internationaux conduisent certains de nos pays sur des trajectoires de balances des paiements déséquilibrées et de cycles de surendettement. Dans le même temps, 40% des investissements directs étrangers sont uniquement orientés vers les industries extractives, principalement dans le secteur minier. A l’inverse, les échanges commerciaux infrarégionaux sont plus diversifiés et porteurs de valeur ajoutée.

Malheureusement, ils sont encore bien trop peu développés, ne représentant que 15% du commerce total en Afrique, là où sur les autres continents ils atteignent près de 60%. Dans certaines régions, comme en Afrique centrale ce commerce infrarégional ne représente même que 5% du volume des échanges. Aussi, la création d’un marché unique et libéralisé des biens et des services, notamment par la réforme des tarifs douaniers et l’instauration des règles d’origine dont les premières étapes ont déjà été mises en œuvre par la ZLECAF, devra apporter la solution technique adaptée à la multiplication des échanges infrarégionaux. Mais cet accord et ses protocoles additionnels qui définissent différentes règles sur le commerce, les normes ou la propriété intellectuelle va au-delà de la simple mécanique commerciale : il construit un espace vertueux de développement et d’intégration par et pour l’Afrique.

En effet, notre continent compte déjà un nombre élevé de communautés économiques régionales (14), sans que cela ait jusqu’à présent eu un effet majeur sur l’architecture de nos échanges commerciaux, ni que nous soyons en mesure, par manque de coordination et par divergence d’intérêts immédiats, de peser significativement sur les négociations des accords commerciaux mondiaux. Il s’agit donc cette fois de créer un espace d’unité qui permette à chaque pays, et au continent dans son ensemble, de tirer profit de leurs avantages comparatifs et des nouvelles opportunités dans les chaînes de valeur mondiales. Trois initiatives viennent illustrer ce changement de paradigme. En premier lieu, la création du Fonds d’Ajustement de la ZLECAF, opérationnalisé en 2022, apporte un appui financier afin de compenser les pertes potentielles de recettes fiscales tarifaires  et de résoudre les déficits d’infrastructure pour faciliter la croissance du commerce et les éventuelles perturbations de la chaîne d’approvisionnement auxquelles les États parties peuvent être confrontés. Il vient donc compenser par le principe de solidarité les déséquilibres commerciaux et régionaux et pallier au manque d’équipements.  Par ailleurs, le projet de protocole d’accord visant à réglementer le commerce numérique adopté en février 2024 a placé l’Afrique à travers la ZLECAF comme leader dans la construction d’une convergence réglementaire et normative en la matière, dans un environnement mondial qui peine à s’accorder sur des règles communes. Lorsque ce protocole sera finalisé, l’Afrique bénéficiera d’une position harmonisée inédite qui lui permettra de renforcer son influence dans les négociations internationales. Enfin, l’Organe de Règlements des Différends créé par l’article 20 de l’accord, dote la ZLECAF d’une structure de médiation et de conciliation interne indispensable au bon déroulé d’une intégration régionale.

D’autres initiatives encore soulignent la perspective globale que tend à embrasser la ZLECAF. En matière d’intégration financière notamment un cap important a été franchi par le lancement du système panafricain de paiement et de règlement (SPPR). Cette infrastructure de marché financier permet désormais le paiement des échanges intra-africains en monnaies nationales, réduisant ainsi les coûts et les délais de transferts de devises pour le règlement des paiements transfrontaliers. Elle vient compléter les initiatives techniques prises par les Banques Centrales régionales, notamment la Banque Centrale des Etats d’Afrique Centrale qui promeut l’interopérabilité monétique intégrale des paiements électroniques, visant à faciliter et à promouvoir les transactions numériques à l’échelle nationale et sous-régionale.

Des programmes d’appuis sectoriels enfin, menés par la Commission de l’Union Africaine viennent également compléter ces dispositifs, faisant de la ZLECAF un espace complet d’intégration régionale et d’interdépendance positive. On peut citer notamment à ce titre la Vision Minière pour l’Afrique, la Stratégie Africaine pour les produits de base ou encore le Plan d’Action pour le Développement Industriel Accéléré en Afrique.

Ainsi, nous avons le cap. Nous avons également les outils. Il appartient donc désormais à tous les acteurs de l’écosystème de l’Union Africaine, à l’instar de l’appel lancé en 2023 par le Secrétariat Général de la ZLECAF à accélérer sa mise en œuvre, à accompagner leurs déploiements, particulièrement en facilitant l’appropriation par les institutions publiques et les opérateurs économiques de leur potentiel et des solutions qu’ils apportent. Ce n’est en effet qu’avec eux que nous feront en sorte que la ZLECAF serve effectivement à la transformation structurelle de l’économie africaine, en faveur de l’atteinte des Objectifs de Développement Durable, d’une croissance inclusive et d’un rééquilibrage de la place de l’Afrique dans les échanges mondiaux.

Par Abbas Tolli, ancien gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale

Rédaction
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