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Afrique subsaharienne : le capitalisme pourrait réussir là où l’aide au développement échoue depuis 60 ans

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(BFI) – Dans le contexte actuel, il serait hasardeux de diminuer le montant d’APD en Afrique subsaharienne au moment où la pandémie de Covid-19 aggrave l’extrême pauvreté. Une transition graduelle vers une autre politique de développement pourrait se révéler pertinente.

En 2019, le montant de l’aide publique au développement de L’Afrique (APD) atteignait 37 Mrds USD dont 31 affectés à la zone subsaharienne, mais la misère pourrait demeurer. Selon une étude de la Banque Mondiale en 2018, cette part de l’Afrique concentrait le quart de l’extrême pauvreté mondiale en 1990, la moitié en 2015 et les projections indiquaient 90 % pour 2030.Si l’on en croit le dernier rapport « Africa’s Pulse » dévoilé le 7 octobre 2020, la situation pourrait s’envenimer « La pandémie risque de faire basculer 40 millions d’Africains dans l’extrême pauvreté, effaçant au moins cinq années de progrès dans la lutte contre la pauvreté. ». Le président de la Banque Africaine de Développement (BAD) Adesina Akinwimi n’est pas plus optimiste « l’Afrique a perdu plus d’une décennie des gains réalisés en matière de croissance économique ». Diminution de budgets nationaux, fragilisation des régimes politiques et renforcement du terrorisme islamique, fuite vers l’UE d’une jeunesse africaine indispensable au développement du continent, pourraient compter parmi les conséquences.

Le débat autour du capitalisme et de l’aide au développement

Dès le début des années 60, l’agronome René Dumont a douté de l’efficacité de l’APD, puis des économistes dont Jean-François Gabas en 1988 ou William Easterly en 2001 se sont aussi interrogés. Professeur à Harvard au cours des années 80 et 90, Jeffrey Sachs aurait enseigné que « Le développement à long terme ne serait possible qu’avec la participation du secteur privé et des solutions d’économie de marché ». Son ancienne élève, l’économiste Dambisa Moyo, écrivait dans son bestseller couronné par le New York Times en 2009 « l’aide fatale : Les ravages d’une aide inutile et de nouvelles solutions pour l’Afrique» : « Nous avons maintenant plus de 300 ans de preuves de ce qui fonctionne pour augmenter la croissance, réduire la pauvreté et la souffrance. Par exemple, nous savons que les pays qui financent le développement et créent des emplois grâce au commerce et à l’encouragement des investissements étrangers prospèrent. » Des chefs d’Etat partagent une part de l’analyse dont l’ancien président du Sénégal Abdoulaye Wade qui déclarait en 2002 : « Les pays qui se sont développés ont tous embrassé le libre-marché». Néanmoins, dans son ouvrage publié en 2005 « La fin de la pauvreté », le professeur émérite Jeffrey Sachs maintenant conseiller du Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, préconisait le doublement de l’APD dont son ex élève Dambisa Moyo dénonce précisément l’inefficience. Le sujet est complexe et personne n’a entièrement raison ou tort. Le débat qui promet de durer encore plusieurs décennies ne semble pouvoir remédier à la stagnation de l’Afrique. Il serait hasardeux de diminuer le montant d’APD en Afrique subsaharienne au moment où la pandémie de Covid-19 aggrave l’extrême pauvreté, mais une transition graduelle vers une autre politique de développement pourrait se révéler pertinente.

L’économie informelle ne pourra jamais générer seule une croissance suffisante

La somme consacrée à l’APD en Afrique depuis 1960 dépasse, selon l’économiste Zambienne Dambisa Moyo, 1 000 milliards de dollars. Mais les actions locales des ONG montrent leurs limites et la nouvelle politique d’APD prônée depuis 2017 par le FMI en faveur de l’emploi informel pourrait se révéler insuffisante en termes de diminution des inégalités et de croissance. L’hétérogénéité d’une économie informelle en Afrique subsaharienne qui génère 20 à 65 % du PIB des Etats est à prendre en considération, mais il conviendrait de mettre également en œuvre une stratégie plus globale afin de gagner la course contre un appauvrissement et une catastrophe humanitaire qui menacent. Après une augmentation du PIB subsaharien de 2.4 % enregistrée en 2019, le FMI prévoit un repli qui avoisinera de 3.2 % dans cette région africaine dont la croissance par habitant est déjà la plus faible au monde. Une transformation de l’économie subsaharienne qui procurerait davantage de postes souvent mieux rémunérés que ceux du secteur informel totalisant actuellement plus de 80 % des emplois s’avèrerait impérative pour offrir de réelles perspectives économiques. Pour absorber un chômage qui impacte 40 à 45 % des 15/24 ans dans un contexte de démographie subsaharienne galopante et réduire une extrême pauvreté (moins de 1.90 $/jour) qui touche plus de 150 millions de travailleurs subsahariens parmi 450, il serait indispensable que la croissance du très faible PIB subsaharien de 1 755 milliards de dollars (2019), augmente considérablement. Un taux de croissance nécessaire de 7 % pour faire reculer significativement la pauvreté a souvent été évoqué au cours des années passées, mais compte tenu des facteurs aggravants et de paramètres alarmants, le taux minimum à atteindre ne devra pas être inférieur à 8 ou 9 % pendant de nombreuses années.

Les emplois partis en Chine ne reviendront pas en Occident

Le développement de la Chine est un cas d’école. La délocalisation de la production depuis 30 ans des biens de consommation occidentaux est à l’origine du miracle économique chinois et de ses taux de croissance pendant vingt ans à partir du début des années 90, rarement inférieurs à 9 % et souvent supérieurs à 12, 13 ou 14 %. Ces emplois ne reviendront évidemment pas dans des pays occidentaux dont les salaires sont plus élevés, mais il ne faut pas non plus transformer l’Afrique en nouvel atelier du monde. Il convient plus simplement d’initier l’évolution industrielle et économique qui favorisera sa marche vers l’autonomie et le progrès.

Alors comment faire décoller l’économie subsaharienne ?

La volonté de nombreux chefs d’Etat de moderniser et d’industrialiser leurs pays constitue certainement un préalable primordial, mais le manque de financements et d’infrastructures, le temps long de l’industrialisation à partir de bases productives ou commerciales insuffisantes ou inexistantes, le besoin de réactivité au sein de chaines de valeur mondiales (CVM) constitue autant de difficultés à surmonter. De plus, les fonds empruntés atteindraient des sommets et le surendettement des Etats accentuerait la pauvreté.Un Plan de régionalisation de la production en zone Europe Afrique qui prônerait une voie plus efficiente pourrait se révéler indispensable. Car l’heure de la mondialisation, l’Afrique ne pourra réussir qu’en travaillant davantage avec les grands marchés de consommateurs dont les entreprises implanteraient sur son sol la fabrication de produits ou d’étapes de CVM d’une industrie manufacturière des biens de consommation pourvoyeuse d’emploi et de richesse, mais aujourd’hui surtout installée en Chine. L’expansion de cette dictature arrogante qui menace de nombreux pays est dangereuse. Il est urgent de restaurer certains équilibres, mais aussi d’en créer de nouveaux afin de préserver la paix et la démocratie dans le monde ainsi que cela est suggéré dans la tribune Réduire notre dépendance à la Chine, c’est possible!, publiée dans Le Figaro.

Le début d’une période de « Trente glorieuses » en Afrique ?

Il serait utopique de viser une industrialisation simultanée de plusieurs dizaines de pays d’Afrique dont les capitaux nécessaires seraient introuvables (pour exemple, le plan d’électrification de l’Afrique porté par l’ancien ministre français Jean Louis Borloo qui réclamait un financement de 250/300 milliards d’euros, a finalement été abandonné). Un premier plan d’une dizaine de milliards d’euros,étalé sur 3/5 ans, mais d’abord concentré sur un périmètre déterminé s’avérerait pragmatique. Ce programme de développement de l’industrie africaine pourrait s’initier à partir de pays situés sur la façade atlantique ou proches de celle-ci. Cette situation géographique permettrait en outre de faciliter les échanges avec les deux grands marchés de consommateurs que sont l’UE et les Etats-Unis. Les parcs d’activités modernes et sécurisés qui seraient financés par les institutions internationales et des pays souhaitant contribuer, accueilleraient les outils de production d’enseignes européennes, américaines ou non occidentales et souvent des PME locales. Pour exemple, plusieurs critères objectifs pourraient motiver l’implantation en République démocratique du Congo (RDC) d’un cluster industriel dédié à la fabrication d’éléments électroniques et à l’assemblage de produits numériques. Les processus d’intégration industrielle pourraient à terme, produire des écosystèmes complets et performants. L’industrialisation serait progressive, mais de nombreux entrepreneurs et chômeurs issus d’autres Etats bénéficieraient rapidement d’opportunités au sein d’un maillage dense d’entreprises. Au fil des ans, la prospérité s’étendrait et profiterait au plus grand nombre. Ce changement de paradigme pourrait ainsi marquer le début d’une période de « Trente glorieuses » en Afrique.

Francis Journot est consultant, entrepreneur et ancien éditeur de presse professionnelle économique et sociale. Il entreprend de la recherche en économie dans le cadre des projets International Convention for a Global Minimum Wage et Africa Atlantic Axis (AAA program).

Rédaction
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