(BFI) – Comment les PME ivoiriennes font face à la crise, mais aussi, et surtout préparent l’après-crise sanitaire et économique ? Retour sur des exemples de PME qui ont réussi à adapter leur stratégie.
Le dernier rapport du FMI qualifie le coronavirus de menace sans précédent sur le développement en Afrique subsaharienne. En effet, bien que l’évolution de la crise sanitaire semble maîtrisée, force est de constater que la crise économique s’installe. Le continent connaîtra sa première récession en 25 ans et plusieurs pays ont lancé des ripostes visant à soutenir les populations vulnérables et aussi les PME et le secteur informel. En ce qui concerne la Côte d’Ivoire, il faut noter que les PME connaissent des crises toutes les décennies, du fait essentiellement de crises socio-politiques. Elles font déjà preuve de résilience et cette nième crise va fortement éprouver cette résilience et la survie de milliers de PME va relever de l’ordre du miracle.
Face à cette situation difficile, nous avons voulu souligner le travail réalisé par certaines PME qui font face à la crise, mais aussi, et surtout préparer l’après-crise sanitaire et économique. A l’instar des PME du monde entier, les entreprises ivoiriennes ont adapté leur stratégie à la situation actuelle.
Le développement de l’apprentissage à distance comme alternative à la fermeture des écoles
La start-up Etudesk a mis à disposition de différents établissements scolaires, sa plateforme qui leur permet de proposer des formations à distance avec des interactions entre enseignants et élèves. La plateforme s’adapte à différentes audiences.
A titre d’exemple, IMGH, une école hôtelière basée à Abidjan a été l’une des premières à adopter la solution Etudesk avec un taux d’adoption de 80% quelques jours après la mise à disposition de la plateforme à destination de ses élèves.
La plateforme s’adapte par exemple à différents environnements d’apprentissage, ce qui a permis par exemple à Coccinelle, un réseau de crèches et écoles maternelles de proposer des solutions similaires aux parents d’élèves. Un autre avantage de ces initiatives est qu’elles permettent de maintenir les emplois des enseignants et de permettre un apprentissage des élèves malgré la fermeture des établissements scolaires.
La réorientation des outils de production comme alternative au maintien des emplois
Tropic 105 est une PME de confection de vêtements en Côte d’Ivoire, dirigée par un créateur de renom (Ciss St Moïse). Basé en Côte d’Ivoire, Grain de Mode est le seul incubateur, entièrement dédié aux métiers de la mode. A priori, ces deux entreprises n’ont rien en commun, à part le fait qu’elles se soient lancées dans la production de masques. Les masques produits sont en cours de certification (AFNOR) et sont commercialisés à la fois à des multinationales comme Bolloré, Advans, orange, mais aussi à des populations vulnérables grâce à leur prix de vente abordable. Aujourd’hui, cette activité représente près de 80% de leur chiffre d’affaires.
Un autre exemple est celui de la start-up Studio KA, qui produit des films d’animation pour des chaînes de télévision. Elle a développé des spots animés expliquant les gestes barrières aux enfants et ces films ont été mis à destination d’écoles maternelles et services pédiatriques de cliniques.
Les initiatives décrites ci-dessus permettent aux entreprises de jouer pleinement leur rôle social, mais aussi de résister et de maintenir tout ou partie des emplois, mais il convient de préparer la sortie de la crise dès maintenant. L’après-Covid 19 sera nécessairement différent de l’avant-crise sanitaire.
En effet, la crise actuelle entraînera des changements majeurs dans les habitudes de consommation. Nous avons noté quelques changements potentiels de comportement du consommateur dans l’après-Covid et les anticipations de certaines PME en Côte d’Ivoire. Il s’agit entre autres de : le consommateur va privilégier « la distanciation sociale » et réduire sa présence dans les magasins physiques ; les exemples d’apprentissage à distance cités plus haut devraient s’accentuer après la crise. De plus, les activités de vente en ligne ou de paiement sans contact vont connaître un développement au niveau mondial et l’Afrique ne devrait pas être en reste.
La transformation digitale devient une priorité pour les PME Certaines PME dans différents secteurs, à l’instar de Rama Céréal (production de farines et granulés de céréales) ou Vallesse (maison d’édition) ou encore HMS (une clinique basée à Abidjan) ont procédé à une transformation digitale profonde allant de la digitalisation de leur process au développement d’un nouveau canal digital de distribution.
Le consommateur sensible aux problématiques de proximité des lieux de production et développement durable
Les difficultés d’importation ont amené les consommateurs à consommer les produits fabriqués localement, contribuant de fait à l’amélioration des revenus des producteurs locaux. ITIA, une entreprise de production de mangues séchées au nord de la Côte d’Ivoire, a décidé de se convertir au bio, contribuant ainsi à protéger l’environnement et améliorer les revenus des producteurs. L’entreprise répond aussi à une tendance lourde observée chez ses clients européens.
La crise économique affectera le pouvoir d’achat du consommateur qui sera plus sensible aux prix
La sensibilité aux prix du consommateur ivoirien devrait s’accentuer. En effet, la baisse de la demande entraînera la faillite de certaines entreprises et le chômage qui en découle entraînera une baisse générale de pouvoir d’achat. La grande distribution en Côte d’Ivoire est dominée par les produits alimentaires et cette tendance devrait s’accentuer. La proposition de valeur aux clients doit être claire et souligner la différenciation vis-à-vis de la concurrence.
Tous ces exemples montrent la capacité de résilience des PME ivoiriennes et leur capacité à se réinventer face à ce choc sanitaire et bientôt économique. Une épreuve de plus pour ces PME qui évoluent dans un environnement difficile et en pleine mutation.
Par Issa Sidibé, Titulaire d’un diplôme d’ingénieur à l’INPHB de Yamoussoukro (ex-INSET) et d’un Master of Science de HEC Paris, Issa Sidibé a travaillé en tant que consultant Risques bancaires et auditeur interne pour le compte de groupes bancaires (Crédit Agricole, Société Générale, BPCE) en France et au Luxembourg. Il a ensuite rejoint le fonds d’investissement Cauris Management à Abidjan, avant de cofonder 2 années plus tard TaxiJet, une start-up abidjanaise inspirée d’Uber. En 2016, il a cofondé Comoé Capital, un fonds d »investissement dédié aux PME ivoiriennes et en assure la direction générale depuis la création.