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Tourisme local : quels défis pour le secteur hôtelier ?

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(BFI) – Une classe moyenne en quête d’un tourisme local expérimental tant pour les locaux qui restent principalement dans les grandes villes, que pour la diaspora africaine, en quête d’un retour aux sources…

Si la crise sanitaire de la Covid-19 a provoqué un choc dans le secteur touristique et hôtelier africain, l’année 2023 s’annonce comme l’année de la reprise selon les professionnels du secteur. Le tourisme d’affaires, est en constante croissance sur le continent. A titre d’exemple, La Côte d’Ivoire est actuellement la destination ville africaine d’affaires, juste derrière le Nigeria et le Maroc.

En effet, Abidjan accueille de plus en plus d’événements d’envergure internationale, mais aussi d’entreprises, d’ONG qui choisissent d’y installer leur siège du fait de sa position de hub économique régional.  42 % des touristes internationaux voyagent en Côte d’Ivoire pour des motifs d’Affaires ou de Congrès selon le dernier bulletin d’information sur les statistiques du Tourisme en Côte d’Ivoire publié en 2021.

Cependant cette catégorie de tourisme ne capte pas la totalité des voyageurs. En effet, la demande dans le secteur du tourisme de loisir se développe, au-delà du prisme des voyagistes internationaux, au rythme de la classe moyenne africaine. Une classe moyenne en quête d’un tourisme local expérimental tant pour les locaux qui restent principalement dans les grandes villes, que pour la diaspora africaine, en quête d’un retour aux sources.

Ce deuxième type de tourisme soulève des enjeux en termes de diversification des expériences pour répondre aux besoins et aux attentes de cette cible.
Le tourisme et l’hôtellerie sont des secteurs pourvoyeur d’emplois, de basse qualification notamment, favorisant le développement régional. Ainsi, les recettes du tourisme constituent une source importante de revenus pour les économies africaines et contribuent au développement local.

Aujourd’hui donc, en plein regain de croissance et de la structuration du secteur sur le continent, de nombreux défis sont à relever.

Capter l’attention des touristes nationaux et régionaux

A l’heure où l’économie reprend son élan, le secteur touristique africain entrevoit de nouvelles opportunités, notamment pour capter l’attention d’une classe moyenne émergente au pouvoir d’achat croissant. Comme le soulignait l’économiste Beringer Gloglo dans Jeune Afrique en 2022, le développement du tourisme intérieur est essentiel pour moins dépendre des touristes internationaux, vulnérables aux crises sécuritaires, médiatiques ou sanitaires.

Les principales chaînes hôtelières présentes sur le continent l’ont bien compris : le développement de ce tourisme de plus haute fréquence passe par l’aménagement d’hôtels standards à moyen de gamme, qui, tout en s’adaptant au budget de ces voyageurs locaux, répondent aux critères de confort internationaux. C’est le cas de Mangalis, Azalaï ou Onomo qui développent des réseaux d’hôtels modernes dans les villes d’affaires de la sous-région.

Parallèlement, le digital contribue à répondre à certaines nouvelles opportunités en valorisant les potentiels du secteur souvent méconnus tant au national qu’à l’international. En Côte d’Ivoire, par exemple, une structure comme IvoireTrip, propose sur sa plateforme digitale des voyages immersifs pour découvrir l’intérieur du pays aux citadins et à la diaspora. D’autres acteurs émergents contribuent au développement du tourisme local toujours grâce au digital, à travers la création d’un contenu faisant la promotion du continent comme destination incontournable. On peut à ce titre citer des influenceurs, suivis sur les réseaux sociaux par des millions d’abonnés tels que Prince Ejda, de la Côte d’Ivoire, Cheikh Moustapha du Sénégal, ou encore Sandy Abena. Ces producteurs de contenus sont, par la puissance du digital et la qualité de leurs contenus devenus des ambassadeurs du tourisme local. Ces jeunes acteurs, experts des plateformes digitales s’associent souvent avec les professionnels de l’hôtellerie pour mettre en exergue des savoir-faire du tourisme local.

Des projets porteurs de sens

Certains pays du continent accordent une importance particulière au retour aux sources de leur diaspora et en tiennent compte dans les investissements touristiques et hôteliers afin de mieux les attirer. Les enjeux dépassent le simple voyage de loisir, puisque la diaspora africaine – environ 14 millions d’individus en 2019 – représente un flux d’investisseurs capital pour le développement économique de la sous-région…

En 2019, le Ghana a lancé la campagne « Year of Return » pour marquer le 400e anniversaire de l’arrivée des esclaves africains aux États-Unis. Mis en place par la Ghana Tourism Authority (GTA), sous les auspices du ministère du Tourisme, des Arts et de la Culture, ce programme touristique a positionné le Ghana comme une destination clé pour les afro-américains qui a gagné près de 235 000 visiteurs supplémentaires cette année-là. En 2022, le ministère du tourisme du Ghana a dévoilé lors de sa visite à Londres, sa nouvelle stratégie touristique : « Destination Ghana » qui vise à attirer d’ici 2024, un million de touristes en provenance d’Europe. Comme pour « Year of Return », l’enjeu pour les chaînes d’hôtels existantes est de capitaliser sur le déploiement d’une architecture moderne et afro-futuriste. Pour illustrer, l’African Regent à Accra, combine le luxe et l’art africain au travers de son design traditionnel.

C’est aussi dans cette perspective que s’organise le développement des projets sur la côte béninoise sous l’égide de l’Agence Nationale de Promotion Touristique. Le projet d’aménagement d’une station balnéaire d’exception à Avlékété figure parmi les projets flagship du PAG. Ce projet a pour objectifs de faire du segment balnéaire un moteur de développement du tourisme. Plus spécifiquement, de permettre aux Béninois et aux touristes étrangers, nigérians notamment, de disposer de plages praticables pour les bains, et d’aménager l’arrondissement d’Avlékété pour développer l’offre de tourisme balnéaire et écotourisme. Le projet s’étend sur environ 6.4 km de littoral et vient renforcer l’attractivité de la destination à travers le développement d’environ 200 000 m² de bâti, comprenant une offre hôtelière internationale (Club Med), du résidentiel haut de gamme, un parcours de golf 18 trous, des commerces, des équipements de loisirs, etc.

Faire naître de nouveaux acteurs et de nouvelles pratiques

De plus en plus nombreux sont aussi les touristes locaux attirés par des expériences authentiques, engageantes et pédagogiques. L’éco-tourisme gagne du terrain en Afrique, au bénéfice des populations locales. Dans la localité de Musanze au Rwanda, les habitants ont construit une offre touristique unique véhiculant l’authenticité rwandaise. Le village Nktosi, figure aujourd’hui parmi les meilleurs villages touristiques du monde pour l’année 2021. Ainsi, tout en préservant leur patrimoine, les populations deviennent actrices de l’activité touristique de leur pays, aux côtés des chaînes hôtelières haut de gamme des grandes villes. Ainsi, ces deux offres se complètent mais elles s’enrichissent l’une de l’autre. Ces initiatives nées pour l’essentiel sur la partie Est du continent tendent à essemer sur les zones naturelles remorquables d’Afrique de l’Ouest comme le delta du Saloum ou la Casamance au Sénégal.

Les principes vertueux de la gestion environnementale et sociale des projets touristique ne se limite d’ailleurs pas aux seuls lodge premiers prix. La station de Salyportudal, station balnéaire située à 80km de Dakar héberge depuis 2019 un resort haut de gamme responsable le Blue Bay. Un hôtel de luxe alimenté à l’énergie solaire, bâti à l’aide de matériaux de construction naturels et durables, où la clientèle majoritaire est locale.

Le développement de resorts de plus grande taille sur la côte sénégalaise s’opère aussi avec succès comme le montre le récent complexe TUI de la Pointe Sarène qui compte plus de 500 chambres. Ce complexe séduit de nombreux vacanciers Européens mais aussi Sénégalais et de la sous-région A cette échelle, il est entendu que les principes d’impact environnemental et social se comprennent comme partie intégrante du projet dès les études initiales. Un second projet, plus luxueux encore est en cours de développement par le même opérateur.

Des fluidités à organiser

Le tourisme doit composer avec des crises récurrentes, chacun le sait. Mais le secteur demeure également confronté à de multiples obstacles structurels qui pèsent sur sa dynamique de croissance sur le continent. A l’heure d’une plus grande fluidité des frontières et de circulation des hommes, nombreux pays africains imposent encore de règles contraignantes. Les procédures d’obtention de visas tant pour les africains que pour les étrangers peuvent s’avérer fastidieuses. L’e-Visa où la suppression des titres de voyages pourraient être moteur de croissance pour l’industrie touristique et hôtelière du continent.

La mise en œuvre du visa Ecowas fortement souhaitée de la part des professionnels du tourisme reste un serpent de mer. De la même façon le développement autoroutier de la côtière de la Côte d’Ivoire au Nigeria se fait attendre même s’il est à l’œuvre de manière discontinue.

Par ailleurs, le coût des dessertes régionales reste très élevé du fait de la faible fréquence des vols et du peu de concurrence. De ce fait l’Afrique est une destination chère pour les africains autant que pour les touristes internationaux. A la question des prix s’ajoute celle de la qualité des infrastructures aéroportuaires qui ne sont aux normes internationales que dans quelques capitales, Abidjan notamment.

Philippe Doizelet, Directeur général adjoint du cabinet Voltere by Egis.

Rédaction
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