(BFI) – Plusieurs dirigeants africains ont passé en revue vendredi à Niamey, les progrès du continent en matière d’industrialisation, de diversification économique et de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) dans le contexte des chocs mondiaux, des vulnérabilités de la dette, des changements climatiques et des problèmes de sécurité.
Une vingtaine de chefs d’État et de gouvernements ainsi que leurs représentants a participé au Sommet extraordinaire de l’Union africaine sur l’industrialisation, la diversification économique et la Zone de libre-échange continentale africaine organisée à Niamey, au Niger par l’Union africaine.
« Il n’y a pas si longtemps, la juxtaposition des mots industrialisation et Afrique pouvait paraître incongrue. Aujourd’hui, l’interrogation qu’elle suscite est surtout celle des voies et moyens. Cela constitue en soi, la preuve que nous sommes sur la bonne voie. Un proverbe nigérien dit qu’on ne peut pas arrêter un fleuve », a déclaré le président nigérien Mohamed Bazoum, hôte du sommet.
Explorant les voies et moyens de développer l’industrie africaine, le président Bazoum a appelé les pays africains à renforcer l’État de droit pour faciliter l’éclosion du secteur privé africain, libérer les énergies des entrepreneurs africains et à simplifier l’environnement des affaires. « L’industrialisation inclusive, solidaire et raisonnée que nous souhaitons ne peut pas être imposée et ne peut être le fait que d’une complémentarité vertueuse des secteurs privé et public, qui seule, peut créer des emplois de qualité. » Il a ajouté que « la jeunesse de la population et sa croissance qui sont un défi, peuvent constituer un atout à condition de bien gérer la transition démographique. »
Sa déclaration a fait écho chez son homologue du Nigéria, Muhammadu Buhari qui a déclaré : « Le continent africain a la chance d’avoir une importante population de jeunes qui peut répondre à nos pénuries de main-d’œuvre. Par conséquent, nous devons exploiter ce potentiel en ressources humaines sur le continent en offrant à nos jeunes une éducation de qualité et adaptée à leurs objectifs et qui rencontre les exigences du marché du travail. »
Pour le président Paul Kagamé du Rwanda, une des voies consisterait à investir dans l’énergie et les infrastructures pour développer l’industrie africaine. « Le rythme de l’industrialisation en Afrique reste trop lent pour atteindre les objectifs de développement de l’Afrique dans le cadre de l’Agenda 2063. Nous devons investir une plus grande part de nos budgets nationaux dans la politique industrielle, et augmenter de manière significative les capacités en matière d’énergie et d’infrastructures », a déclaré le président Kagamé.
Fabriquer les batteries lithium-ion en Afrique
Les zones de libre-échange qui ont donné la prospérité dans le monde entier l’ont été non pas par le commerce de produits de faible valeur, mais par la production industrielle, a déclaré le président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina. Il était représenté à ce sommet par Marie-Laure Akin-Olugbade, sa vice-présidente par intérim chargée du Développement régional, de l’Intégration et de la Prestation de services. « Il est dès lors clair que la prospérité de l’Afrique ne doit plus dépendre des exportations de matières premières mais de produits finis à valeur ajoutée », a-t-il déclaré.
« Partout en Afrique, nous devons transformer les fèves de cacao en chocolat, le coton en textiles et en vêtements, les grains de café en café infusé », a déclaré Marie-Laure Akin-Olugbade au nom de M. Adesina. Il a rappelé que la Banque investissait 25 milliards de dollars pour transformer le secteur agricole du continent et débloquer le marché de l’agro-alimentaire qui devrait atteindre 1 000 milliards de dollars d’ici 2030.
Akinwumi Adesina a détaillé les efforts d’investissements de la Banque pour développer tous les domaines susceptibles de booster l’industrialisation de l’Afrique et la diversification de son économie : énergie, santé, commerce intra-communautaire, industries pharmaceutiques, etc.
« L’Afrique possède une abondance de ressources naturelles, de pétrole, de gaz, de minéraux et de métaux, ainsi qu’une vaste économie bleue qui doit être rapidement industrialisée », a insisté M. Adesina. « L’avenir des voitures électriques dans le monde dépend de l’Afrique, compte tenu de ses vastes gisements de ressources en minéraux rares, notamment le lithium-ion, le cobalt, le nickel et le cuivre. La taille du marché des véhicules électriques a été estimée à 7 000 milliards de dollars d’ici 2030 et à 46 000 milliards de dollars d’ici 2050. La construction d’installations précurseurs pour les batteries lithium-ion en Afrique coûtera trois fois moins cher que dans d’autres parties du monde », a-t-il précisé.
37 pays en progrès
En marge du sommet, la Banque africaine de développement, l’Union africaine et l’Organisation des Nations unies pour le développement industriel ont publié un rapport commun dans lequel, elles indiquent que 37 sur 52 pays africains évalués, ont vu leur niveau d’industrialisation s’accroître au cours des onze dernières années. Dénommé, rapport sur l’Indice d’industrialisation en Afrique (AII), l’étude fournit une évaluation à l’échelle nationale des progrès réalisés par les 52 pays africains sur la base de 19 indicateurs clés.
Les 19 indicateurs de l’indice couvrent les performances manufacturières, le capital, la main-d’œuvre, l’environnement des affaires, les infrastructures et la stabilité macroéconomique. L’indice établit également un classement du niveau d’industrialisation des pays africains selon plusieurs déterminants comprenant les dotations en capital et en main-d’œuvre, la stabilité macroéconomique, des institutions et des infrastructures solides, entre autres.
L’Afrique du Sud a conservé un classement très élevé tout au long de la période 2010‑2021, suivie de près par le Maroc, qui occupe la deuxième place en 2022. L’Égypte, la Tunisie, Maurice et Eswatini complètent le top six sur la période.
Le rapport permettra aux gouvernements africains d’identifier des pays de référence afin de mieux évaluer leurs propres performances industrielles et d’identifier plus efficacement les meilleures pratiques. Au cours du sommet, les chefs d’État ont également examiné le rythme d’opérationnalisation de la Zone de libre-échange continentale africaine, qui est entrée en vigueur en janvier 2021, ainsi que ses liens avec l’industrialisation.