(BFI) – S’exprimant le 7 juillet 2022 à Douala, au cours de l’Africa Banking Forum, le ministre des Finances, Louis Paul Motazé, a confessé que l’État du Cameroun ne pourra pas, pendant longtemps, continuer à subventionner la consommation des produits pétroliers à la pompe, dans le contexte économique international actuel revèle Investir au Cameroun.
« (…) Lorsque nous regardons les recettes supplémentaires que nous avons engrangées grâce à l’envolée du prix du baril, nous sommes en gros entre 244 et 246 milliards de FCFA (…) Vous engrangez 246 milliards de FCFA, mais les dépenses pour soutenir les prix à la pompe tournent autour de 500 à 600 milliards de FCFA. Donc, il faut chercher la différence. Et c’est ce que nous sommes en train de faire. La question qui se pose est celle de savoir si cela peut durer longtemps. Personnellement, je pense que non. Il faut être réaliste. Ce n’est pas soutenable à long terme. Il y a donc une réflexion à mener », a déclaré le ministre Motazé.
Ce propos laisse implicitement entendre que le gouvernement n’exclut plus l’hypothèse d’une suspension de la subvention, dont le corollaire est la hausse des prix des produits pétroliers à la pompe. Cette hypothèse est d’autant plus envisageable que l’enveloppe nécessaire pour subventionner les prix à la pompe devient un véritable objet de préoccupation pour le Trésor public camerounais. À titre d’exemple, pour le seul premier semestre 2022, l’État du Cameroun a dépensé 317 milliards de FCFA pour garantir la subvention à la consommation des produits pétroliers à la pompe, selon les données révélées au cours de la semaine courante par le ministre de l’Eau et de l’Énergie (Minee), Gaston Eloundou Essomba.
Risque de pénuries
Calculette en main, cela correspond à une moyenne de 52,8 milliards de FCFA par mois. Ce qui revient à 634 milliards de FCFA sur 12 mois, compte non tenu de ce qu’au mois de juin 2022, par exemple, cette subvention a culminé à 80 milliards de FCFA, selon les chiffres du Minee. Sur la foi de ces données officielles, force est de constater que l’enveloppe destinée à subventionner les prix à la pompe en 2022 dépassera largement les 480 milliards de FCFA prévus dans la loi de finances rectificative validée en juin dernier par les parlementaires camerounais. L’enveloppe réelle se rapproche plutôt des 672 milliards de FCFA annoncés par le ministre du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana, au cours d’une conférence de presse organisée le 30 mars 2022 à Yaoundé, la capitale.
En guise de comparaison, cette manne financière correspond à l’enveloppe requise pour construire deux autoroutes du même type que celle de 38 km permettant de rallier le port en eau profonde de Kribi, dans la région du Sud ; ou encore deux barrages de retenue semblables à celui de Lom Pangar, présenté comme l’infrastructure énergétique la plus stratégique du pays. D’où les inquiétudes et les réserves du FMI, qui, dans le communiqué ayant sanctionné la 2e revue relative au programme triennal en cours avec le pays, fait un parallèle entre l’explosion de la subvention à la consommation des produits pétroliers et le ralentissement des investissements publics dans le pays.
Mais, au-delà du ralentissement de l’investissement public pressenti par le FMI, la mobilisation effective des fonds destinés à la subvention des carburants n’est pas elle-même une équation facile pour le Trésor public, réalité susceptible d’entraîner des pénuries comme celle vécue il y a quelques jours dans certaines villes du pays. En effet, selon le communiqué rendu public à cet effet par le ministre de l’Eau et de l’Énergie, « ces perturbations sont dues principalement à l’importante enveloppe de la subvention des prix à la pompe, qu’il faut effectivement mobiliser en temps réel, pour assurer les importations des produits pétroliers ».