(BFI) – Vingt-cinq, quarante et quarante-cinq pour cent enregistrés depuis le début de l’année (versus la même période en 2020), tels sont les niveaux d’augmentation des transferts financiers émanant respectivement des diasporas égyptiennes, tunisiennes et marocaines ! Des performances d’autant plus remarquables pour ces pays qui jusqu’en 2019, donc avant la pandémie, connaissaient plutôt un plafonnement structurel de leurs flux (vieillissement de la population diasporique, maturité des remboursements de crédits pris au pays d’origine…).
J’avais déjà eu l’occasion dans cet article paru dans FinancialAfrik en novembre 2020, de pointer les limites du modèle prédictif dans le domaine des «diasporas remittances» développé par les experts de la Banque Mondiale. Une année plus tard, je réitère ci-dessous mes hypothèses d’explications à ces hausses «contre nature», observées également dans les pays d’Afrique subsaharienne qui sans enregistrer toutefois de croissance à deux chiffres, confirment pour la plupart, la belle embellie contracyclique entrevue en 2020. A mon sens, les principaux facteurs clés explicatifs :
✓ Un regain de solidarité des diasporas face à des effets exacerbés dans certains pays d’origine en proie à la pandémie, la conjoncture et les réalités structurelles locales.
✓ L’intensification des offres concurrentielles et promotionnelles (via l’émergence notamment de la Fintech !) qui s’est traduite par une baisse des coûts de transferts (<3% sur ces corridors).
✓ Enfin, avec moins de retours au «pays, le cash pour la famille, transmis mano à mano pendant les séjours, enregistré normalement en « recettes touristiques », fait davantage l’objet d’envois massifs formels… C’est d’autant plus plausible que les trois pays cités sont des grandes destinations en matière de tourisme diaspora : en année normale, 1 touriste sur 4 au Maroc vient de la diaspora tout comme en Egypte tandis qu’1 touriste sur 5 en Tunisie est un Tunisien résident à l’étranger – TRE )
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✓ Avec la crise économique et les entraves aux voyages, le tarissement de certains canaux de l’informel alimentés habituellement par la surliquidité des commerçants communautaires et le « co-portage » de fonds par voyageurs.
Face au flou actuel régnant autour de la « durabilité » de cette manne supplémentaire qui se chiffre selon les pays en dizaines voire en centaines de millions d’euros, les banques centrales africaines seraient bien inspirées de chercher à décrypter les ressorts réels de ce phénomène: tendance durable ou embellie passagère ? effets des nouveaux acteurs entrants (fintechs…) ? nouvelles motivations clés des diasporas (vers une épargne de précaution au pays d’origine, confinement passé au pays pour les séniors et inactifs, télétravail au pays…)… ?
Il y va de la résilience de nos économies africaines….
Par Samir Bouzidi est Ethnomarketer & expert international en mobilisation des diasporas africaines. Entrepreneur engagé – fondateur de la startup solidaire “Impact Diaspora”.