(BFI) – De Casablanca au Cap en passant notamment par Dakar, Abidjan, Douala ou Dar es Salam, le portefeuille du groupe Onomo sur le continent affiche une vingtaine d’hôtels midscale dans 13 pays. La firme connait récemment d’importants mouvements avec de nouveaux financements de plus 60 millions d’euros. Pour Business & Finance International, son PDG, Cédric Guilleminot revient sur les derniers deals de l’hôtelier panafricain, livre sa lecture des perspectives de cette industrie dans le contexte mondial et régional qui prévaut. Entretien.
Le groupe Onomo a plutôt été présent dans l’actualité hôtelière africaine ces dernières semaines avec notamment la dernière nouvelle en date : l’enveloppe de 36 millions d’euros obtenue début mars par la société financière internationale (IFC), filiale de la Banque mondiale. Quels sont les objectifs stratégiques derrière ce financement long-termiste ?
Tout d’abord, je précise que cet accord résulte de discussions qui ont débuté bien avant l’apparition de la Covid-19. En tant qu’opérateur-investisseur, la durée dans les partenariats est essentielle et nous avons toujours souhaité être accompagnés par des acteurs de premier plan et l’IFC n’est effectivement plus à présenter. Cet accord est pour nous une accréditation de notre business model.
Ce financement qui renforce aussi la structure bilancielle du groupe nous permet de continuer notre marche en avant. C’est l’occasion pour nous de développer davantage un certain nombre d’hôtels déjà ouverts notamment à Dakar, Bamako et Abidjan où nous allons ajouter 90 chambres à notre hôtel qui sera rénové sur 2022 et 2023 afin de le rapprocher d’un quatre étoiles classiques et en faire une destination phare de la capitale ivoirienne.
Au-delà, il s’agit aussi pour nous d’étoffer le réseau du groupe. Nous avons donc pu également mobiliser un financement qui nous servira pour des développements futurs, notamment à Djibouti et à Yaoundé. Au Cameroun, nous avons déjà un hôtel à Douala et souhaitons nous installer dans la capitale.
Le retrait de CDC Group du capital d’Onomo est un autre fait marquant de votre actualité. L’institution britannique de financement du développement reste toutefois un partenaire avec un nouveau financement à long terme de 25 millions d’euros. Que signifie cette orientation dans la stratégie globale du groupe que vous dirigez ?
Je souhaite avant tout les remercier. Nous avons opéré un tour de table dans lequel est entré à la fois le groupe Crédit Mutuel en 2017. La sortie aujourd’hui de CDC Group intervient à un moment qui est somme toute classique pour des opérateurs du financement privé. Nous avions une feuille de route tracée avec eux, qui consistait à étoffer notre offre hôtelière et arriver à une réalisation de 20 hôtels ou plus. Cela est aujourd’hui chose faite et ce, malgré les différentes crises que connaît la région. Cette phase de développement et de maillage nous permet aujourd’hui d’être leader de notre secteur sur le continent ayant réussi à faire la jonction entre la partie francophone et la partie anglophone, entre le Nord, le Sud, l’Est et l’Ouest. Ils nous y ont accompagnés et cette évolution du capital se déroule aussi à un moment où le groupe Onomo souhaite développer une agilité, en entrant dans une nouvelle phase de développement.
Restez-vous ouverts à de nouveaux actionnaires de premier plan à l’instar de CDC Group ?
Bien entendu. Il faut rester ouvert et je pense que le groupe l’a toujours été. Nous avons aujourd’hui un actionnaire de référence depuis les premiers instants qui est le groupe Batipart de la famille Ruggieri. Mais nous restons ouverts.
La planète entière a été témoin du sinistre provoqué par la Covid-19 dans l’hôtellerie durant ces deux dernières années. Quel est votre regard sur cette industrie à court et moyen terme à travers le continent ?
Sur le plan fondamental, je pense que les différents balbutiements -qu’il s’agisse de tensions d’ordre géopolitique, de crise sanitaire locale ou régional comme cela était le cas avec Ebola avant que ne s’installe la crise de Covid- ne sont pas de nature à remettre à moyen terme les fondamentaux de l’hôtellerie. L’Afrique est quand même le continent le moins dense en termes d’implantations et ce, de manière très forte. En comparaison avec d’autres lieux géographiques, il y a sur ce continent l’émergence d’une classe moyenne, une augmentation très nette du voyage d’affaires et notamment de manière beaucoup plus intéressante du voyage intra-régional. C’est ce qui a notamment permis à notre groupe de traverser la crise en Afrique de l’Ouest, avec une activité qu’on pourrait aisément qualifier d’assez forte, compte tenu du contexte de crise.
Je pense que pour tout investisseur aguerri -ceux qui croient comme nous que l’Afrique est un continent riche de potentiel et de développement- sait que c’est une terre d’avenir. Après le développement est long, il est nécessaire d’être bien accompagné à la fois sur le plan actionnarial et celui des partenaires financiers.
Chez Onomo, nous sommes aujourd’hui un acteur reconnu au niveau panafricain, en tant que leader de notre secteur. Je pense que fort de cette expérience et fort de l’ensemble des capitaux que le groupe a investi dans l’hôtellerie, il est temps pour nous d’élargir notre feuille stratégique et de pouvoir nous développer non seulement en tant qu’investisseur, mais aussi en tant qu’opérateur. Sur les années à venir, il va s’agir pour nous d’étoffer notre capacité de développement en asset-light, et favoriser l’émergence de pures opérateurs hôteliers qui sauront convaincre les investisseurs qui souhaitent une réalisation de type Onomo que nous allons choisir pour gérer au sein de notre marque des développements futures. Il s’agit là d’un enjeu stratégique pour nous.
Sur le terrain, quels sont les nouveaux défis auxquels les acteurs du secteur font face aujourd’hui ?
Il faut dire qu’au plan sanitaire, les pays du continent sont relativement aguerris à ce type de phénomène -malheureusement, mais d’un autre côté -heureusement- les statistiques parlent d’elles-mêmes. Le continent a été largement moins impacté que le reste du monde. Mais ce qui va continuer de perdurer, c’est la nécessité d’avoir des plans de contingence pour mieux faire face à ce type de situation et garantir la sécurité des collaborateurs et des visiteurs.
Au plan hôtelier, ce que nous pouvons retenir c’est que nous restons toujours dans un contexte global de sous offre, avec un parc nouveau qui certes s’étoffe, mais reste aujourd’hui très limité. L’opportunité existe toujours. Au début d’Onomo, il y avait globalement beaucoup d’offres hôtelières de luxe ou haut de gamme avec finalement peu d’hôtellerie moderne aux standards, qui arrive à satisfaire le client et à un prix qui soit raisonnable. Il n’existait pas de marque 3 étoiles ou midscale. Je pense que c’était une lacune. Nous avons toujours été persuadés que c’était l’axe à suivre.
Aujourd’hui, les mutations de l’industrie que l’on observe sont dans une certaine mesure les mêmes qu’on observe ailleurs. Je pense que l’Afrique n’est pas spécifique dans ce contexte. Il y a une accentuation d’envies particulières venant des touristes, c’est la raison pour laquelle nous parlons d’hôtellerie lifestyle, car finalement l’hôtellerie n’est pas le traditionnel de l’hébergement. L’hôtel est l’endroit où les gens vont pour se loger, se nourrir, se divertir, travailler, être en contact avec la famille, les amis… Et certaines marques aujourd’hui le perçoivent bien. Il y a une diversité accrue des contenus dans les hôtels que ce soit en termes d’offre de connectivité, d’offre artistique qui mette en valeur les jeunes artistes émergents du continent… Bref, les touristes demandent plus que de l’hôtellerie classique comme c’était le cas avant, y compris dans le midscale.
Cela n’implique-t-il pas également la nécessité de renforcer la formation hôtelière, souvent pointée comme un talon d’Achille à l’essor de l’hôtellerie, notamment en Afrique francophone ?
Absolument. Il est clair que les possibilités de formation dans l’hôtellerie restent aujourd’hui insuffisantes, mais il ne faut pas rester sur une note négative. Les initiatives privées se multiplient et à mesure que des groupes hôteliers ouvrent des hôtels, ils créent de nouveaux établissements avec de nouveaux emplois et font aussi de la formation continue ou de la formation sur le terrain.
Les voyages ont repris de plus belle, depuis que les conditions sanitaires sont de plus en plus assouplies dans le monde. Sur le continent africain, la problématique du transport aérien demeure, privant l’industrie hôtelière d’un certain effet de levier.
La réalité est que le tourisme (voyage,…) et l’hôtellerie sont des secteurs qui ont traversé une crise d’une violence inégalée. Les perspectives futures tablent sur une stabilisation de la demande et un retour aux niveaux d’avant Covid. Sur l’Afrique, plusieurs nouveaux aéroports ont été construits, les compagnies low cost et les opérateurs classiques ont développé des offres conjointes et il y a aussi eu un certain nombre de nouveaux arrivants, essentiellement des compagnies nationales.
Ce que j’aimerais surtout pointer, c’est le prix de l’aérien qui est anormalement cher comparé au reste du monde. Une part non négligeable des prix des billets d’avion en Afrique résulte de taxes qui sont remises. Il faut absolument que les différentes zones du continent aient accès à un transport aérien qui soit beaucoup plus démocratique en termes de prix.