(BFI) – Orange, géant des télécommunications, est sur tous les fronts. Les confinements ont entraîné une explosion de l’utilisation d’internet, notamment pour le télétravail. Alors que le déconfinement approche en France, l’entreprise est aussi scrutée car elle propose de mettre en place une application pour tracer les malades du Covid-19.
Le monde de demain ressemblera-t-il à celui d’hier ? Stéphane Richard n’a pas la réponse mais il constate que « l’Europe doit tirer les conséquences » de la pandémie mondiale, notamment au sujet de « la perte de contrôle et de souveraineté » dans certains secteurs primordiaux comme ceux de la santé et des médicaments. « Nous sommes sans doute allés trop loin dans la distribution de la production » à l’échelle du monde, ajoute le patron d’Orange qui verrait bien certaines chaînes de production relocalisées en Europe. Y a-t-il pour autant une crise de la globalisation ? Stéphane Richard en doute. « Dire que cette épidémie est la conséquence de la globalisation, je ne le crois pas. En 1348, il y a eu une épidémie de peste noir qui a touché le monde, or nous n’étions pas dans la globalisation actuelle. Je pense que les hommes ont toujours circulé, de même que les marchandises. »
Généralisation du télétravail
Le libéralisme n’est pas non plus en question pour cet énarque, ancien inspecteur des finances car, « finalement, les pays qui ne sont pas dans un modèle libéral ne s’en sortent pas mieux que les autres ». En revanche, à l’avenir il faudra se questionner sur les mouvements humains, pense-t-il, s’interrogeant sur le devenir des pays qui vivent du tourisme. Pour lui, si le monde d’après sera différent, c’est avant tout dans la façon de se rassembler au travail. Alors qu’il vient d’expérimenter avec 90 000 de ses salariés le télétravail, Stéphane Richard est convaincu que cette pratique va se généraliser, de même que prendra de l’ampleur le débat sur l’organisation des espaces de travail, ou encore des migrations quotidiennes de ces salariés « qui passent des heures dans les transports en commun ».
La « digitalisation du monde » est pour Stéphane Richard une évidence, à tel point qu’il n’a pas attendu les recommandations de l’État pour travailler au développement d’une application pour smartphone qui permettrait de tracer les malades du Covid-19. La traçabilité étant l’un des enjeux du déconfinement, en ce sens qu’elle permettrait de dépister les personnes ayant été en contact avec les malades, il a réfléchi avec plusieurs autres industriels à la conception de cette application. Mais face au tollé d’une partie des Français qui redoutent une nouvelle forme de « flicage » ou un abus de l’utilisation des données recueillies, le PDG d’Orange joue la transparence et jure que toutes les garanties seront apportées. « Toutes les données liées à l’historique du contact doivent être stockées dans un lieu donnant toutes les garanties de protection. Un lieu public sous le contrôle des autorités. » Tout se fera sur la base du « consentement », jure-t-il. « Nous sommes respectueux du cadre réglementaire européen, et sous l’autorité de la Cnil [Commission nationale informatique et libertés, notamment chargée de veiller à ce que les données des citoyens ne soient pas utilisées à leur insu]. »
La crainte de taxes supplémentaires
Si l’entreprise Orange se porte bien, et ce quel que soit le continent où elle opère, elle anticipe néanmoins une baisse d’activité, ce qui ne l’empêche pas de verser cette année un dividende à ses actionnaires. L’État français qui, directement et indirectement, possède près d’un quart du capital de l’opérateur, ne s’en plaint manifestement pas. Il a donné son aval à cette opération, le dividende étant cependant réduit d’un tiers.
En Afrique, Orange ne renoncera à aucun de ses projets de développement. L’Afrique est déjà le plus fort pôle de croissance du groupe, et Stéphane Richard entend maintenir la cadence. « Le poids de l’Afrique continue à croître et même s’il y a un ralentissement, il sera général et sans doute même plus prononcé en Europe qu’en Afrique. Donc le poids de l’Afrique ne va pas baisser, bien au contraire. La crise ne remet pas en cause nos objectifs. »
Reste que sur les marchés africains où Orange compte près de 45 millions de clients, le niveau de taxation est très élevé. Le PDG du groupe redoute que la crise économique et les besoins des gouvernements ne se traduisent par de nouvelles taxes et impôts. Et Stéphane Richard de mettre en garde : « Il ne faut pas se tirer une balle dans le pied. Si l’on veut que nous investissions beaucoup en maintenant des prix très bas, il faut éviter de nous imposer des taxes supplémentaires. La fiscalité est déjà très élevée dans notre secteur, elle doit rester raisonnable si l’on veut que nous puissions continuer à investir. »
RFI