(BFI) – Après un magistère d’un peu plus de 5 ans, Emmanuel de Tailly cédera la direction générale du leader du marché brassicole camerounais à Stéphane Descazeaud, dès le 1er juillet 2022. Ainsi en ont décidé les administrateurs de la SABC, au sortir d’un conseil d’administration tenu le 13 avril 2022 à Paris. Telle est la quintessence d’un mail envoyé aux personnels ce 12 mai 2022 par le désormais DG sortant de la SABC.
Emmanuel De Tailly quittera officiellement ses fonctions de directeur général de la Société anonyme des brasseries du Cameroun (SABC) le 30 juin 2022. Il a démissionné depuis le 28 février 2022, à la suite de deux incidents impliquant la SABC et ayant causé la mort de trois personnes, respectivement les 22 novembre 2021 et 27 février 2022.
« Il (le nouveau DG) arrivera le 16 mai 2022 pour une période de passation de 45 jours, qui prendra fin le 30 juin 2022, date officielle de mon départ. (…) Je vous invite, tous, à vous mobiliser pour lui réserver un accueil chaleureux et l’accompagner dans la poursuite de la réalisation de la vision agro-industrielle de notre groupe, de l’accomplissement de notre mission et la promotion de nos valeurs. Au cours de cette période de passation, et à l’occasion des 2 cérémonies officielles à Douala et à Yaoundé, j’aurai l’opportunité avec M. Descazeaud de vous saluer et de m’exprimer sur votre rôle essentiel dans le formidable parcours du groupe SABC », informe Emmanuel De Tailly.
Le DG sortant de la SABC officialise ainsi une information qui circule depuis le mois de mars 2022. Approché par Investir au Cameroun lors d’une récente visite de presse à l’usine de la SABC à Yaoundé, Emmanuel De Tailly avait confirmé avoir envoyé sa lettre de démission à Paris. « J’ai démissionné pour protéger l’image du groupe et respecter mes engagements en matière de gouvernance », avait-il indiqué, tout en demandant d’attendre la décision du conseil d’administration. Et d’ajouter : « Dans une entreprise, il faut toujours un renouvellement des énergies. Je pense que j’ai beaucoup donné. J’ai quand même 25 ans d’Afrique ».
Reconquête du marché
Titulaire d’un Master en économie de l’Université Paris Dauphine, Stéphane Descazeaud, le nouveau DG de la SABC, âgé de 48 ans, pilotait depuis l’année 2017 l’ensemble des activités africaines du groupe Crown, qu’il a rejoint en 2004. Il s’agit d’une entreprise américaine spécialisée dans la fabrication des emballages, dont le chiffre d’affaires atteint 11 milliards de dollars US (plus de 6800 milliards de FCFA). Au regard de la taille des activités qu’il pilotait en Afrique pour le groupe Crown, Stéphane Descazeaud ne devrait pas avoir trop de mal à piloter l’écosystème SABC, constitué de 3 000 collaborateurs et plus de 100 000 emplois indirects, 2 900 sous-traitants et prestataires locaux, 10 usines, 19 chaînes de production, 40 centres de distribution et plus de 25 000 exploitants agricoles.
Mais, par-dessus tout, durant son règne, le nouveau DG de la SABC devrait relever le défi de maintenir, voire d’accélérer la dynamique de reconquête du marché et de transformation de l’entreprise enclenchée par son prédécesseur. En effet, peu après son arrivée, et dans l’optique de pouvoir garantir une meilleure synergie de ses actions, Emmanuel De Tailly n’avait pas hésité, dès l’année 2017, à constituer le groupe SABC (la même architecture sera maintenue, puisque le nouveau DG aura également des fonctions dans les autres filiales, NDLR). Outre la société brassicole, ce conglomérat agro-industriel regroupe les autres sociétés du groupe Castel au Cameroun. Il s’agit du producteur d’eau minérale SEMC, le producteur d’emballages Socaver, ainsi que la Compagnie fermière du Cameroun (CFC), une agro-industrie lancée en 2021, qui est spécialisée dans la production du gritz de maïs et l’aviculture.
18 milliards de FCFA de dividendes en 2020
Cinq ans après cette mutation, les résultats sont probants. À titre d’exemple, en dépit de la crise sécuritaire, qui met à mal les intérêts de la SABC dans les deux régions anglophones du Cameroun, et la pandémie du Coronavirus, qui a frappé de plein fouet l’économie mondiale entre 2020 et 2021, le groupe SABC a pu réaliser un chiffre d’affaires cumulé de 696 milliards de FCFA en 2021, en hausse de 36 milliards de FCFA par rapport aux 660 milliards de FCFA de l’année 2020. Sous Emmanuel De Tailly, la société brassicole a renoué avec la distribution des dividendes aux actionnaires, qui ont empoché 18 milliards de FCFA en 2021 pour le compte de l’année 2020. Dans le même temps, essoufflée par la concurrence sur le marché de l’eau minérale, la SEMC, qui a perdu 55 points de parts de marché entre 2011 et 2018 (passant de 75 à 20% de parts de marché), est aujourd’hui remontée à 40%. Elle est même redevenue rentable avec des résultats nets positifs de 79 millions de FCFA en 2019, 331 millions de FCFA en 2020 et 872 millions de FCFA en 2021.
À travers l’inauguration le 16 février 2018 d’une nouvelle ligne d’embouteillage des produits brassicoles en canettes à l’usine de Ndokoti, à Douala, le DG sortant de la SABC lançait un programme d’investissements, qui a englouti environ 65 milliards de FCFA sur la période 2018-2021. Le plus stratégique de ces investissements est certainement la création de la CFC, unité agro-industrielle dont la maïserie de 18 milliards de FCFA a été inaugurée le 5 novembre 2021 dans la localité de Mbankomo, à une vingtaine de kilomètres de Yaoundé. En plus de mettre un terme aux importations de gritz de maïs de la SABC, cette entreprise va contribuer à doper la filière avicole locale, grâce à la production d’œufs à couver et de poussins d’un jour.
Au moment où il quitte la tête de la SABC, Emmanuel De Tailly laisse dans les tiroirs un nouveau programme d’investissements d’un montant de 90 milliards de FCFA. La mise en œuvre de ce programme est cependant conditionnée par l’octroi d’exonérations fiscales par l’État, dans le cadre de la loi de 2013 (révisée en 2017) portant incitations à l’investissement privé au Cameroun. De sources internes à l’entreprise, le gros de cette enveloppe est alloué à la construction de deux nouvelles usines, dont une unité de production brassicole dans la région de l’Est du pays, et une 2e maïserie dans le Noun, bassin de production agricole de la région de l’Ouest.