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Perspectives africaines : la BAD pointe les défis de 2021

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(BFI) – Très attendue, la publication des « perspectives économiques de l’Afrique » pour 2021 confirme l’éclaircie, mais la dette et la pauvreté creusent leur sillon.

Après une année 2020 catastrophique marquée par la récession (- 2,1 %) la plus violente que le continent africain ait connue depuis un demi-siècle due à la pandémie de Covid-19, les perspectives de croissance semblent aujourd’hui légèrement moins dégradées. L’Afrique devrait même renouer avec la croissance économique en 2021, mais la pauvreté va continuer de s’accroître et les dettes publiques de se creuser, prévoit la Banque africaine de développement (BAD) dans son dernier rapport publié ce vendredi 12 mars, à l’issue d’une conférence virtuelle tenue depuis Abidjan, la capitale ivoirienne où est installé son siège.

L’éclaircie se dessine

Dans ce contexte, le PIB du continent devrait renouer en 2021 avec une croissance de 3,4 %, indique la BAD dans ses perspectives économiques en Afrique. Une prévision légèrement plus optimiste que celle du Fonds monétaire international (FMI), qui anticipait une croissance de 3,1 % dans ses prévisions de janvier. En effet, tous les indicateurs tiennent compte du fait que l’impact économique de la pandémie varie selon les pays. Les pays exportateurs de pétrole, dont l’Algérie, le Nigeria et l’Angola, devraient retrouver une croissance économique de 3,1 % en 2021, après une récession de – 1,5 % l’an dernier.

Les économies fortement dépendantes de l’exportation de matières premières comme l’Afrique du Sud devraient rebondir de – 4,7 % en 2020 à 3,1 % cette année. D’ailleurs, le géant économique sud-africain, après une récession de – 8,2 % en 2020, devrait renouer avec une croissance de 3 %.

Quant aux économies dépendantes du tourisme, tels le Maroc, la Tunisie et l’île Maurice, elles devraient se remettre du recul de 11,5 % de leur PIB en 2020 pour connaître une croissance de 6,2 % en 2021.

Enfin, les pays à l’économie plus diversifiée, dont certains sont parvenus à maintenir une croissance positive en 2020, comme l’Éthiopie et la Côte d’Ivoire, devraient passer d’une contraction de 0,9 % du PIB l’an dernier à une croissance de 4,1 %.

L’impact social de la pandémie plombe les perspectives

Pour autant, malgré le retour de la croissance en 2021, les conséquences sociales de la pandémie vont continuer de se faire sentir : en 2021, 39 millions d’Africains pourraient tomber dans l’extrême pauvreté, dont le seuil est fixé à un revenu de 1,90 dollar par jour. Encore plus que l’année dernière, où déjà 30 millions de personnes y ont été réduites, selon les estimations de la BAD. Au total, l’extrême pauvreté pourrait toucher 465 millions d’Africains, soit un tiers de la population du continent, alors que la pauvreté avait constamment reculé depuis deux décennies.

La question de la dette s’impose pour un retour de la croissance

Autre conséquence à long terme de la pandémie de Covid-19 : la flambée des dettes des États africains. « Le choc de la pandémie et la crise économique qu’il a provoquée ont eu des implications directes sur les soldes budgétaires et le fardeau de la dette des pays », explique la BAD. « On estime que les déficits budgétaires ont doublé en 2020 pour atteindre un niveau historique de 8,4 % du PIB » et qu’en conséquence « le ratio moyen dette/PIB de l’Afrique devrait augmenter de 10 à 15 points à court et moyen terme » pour atteindre 70 %, selon le rapport.

D’autant qu’avec le durcissement des conditions de financement extérieur, il est devenu plus coûteux pour les gouvernements d’obtenir les financements nécessaires pour se remettre de la pandémie et refinancer la dette arrivée à échéance. « L’accès aux marchés internationaux des capitaux, qui était une source croissante de financement par emprunt pour de nombreux pays africains, a diminué à mesure que la perception du risque par les investisseurs augmente. »

En décembre 2020, parmi les 38 pays pour lesquels des analyses de soutenabilité de la dette étaient disponibles, « 14 présentaient un risque élevé de surendettement et six étaient déjà en situation de surendettement ». « Seize pays présentaient un risque modéré de surendettement » et seulement « deux étaient jugés comme étant à faible risque », relève la BAD.

Mais l’Afrique a aussi une longue histoire avec sa dette. Entre 1950 et 2017, les pays africains ont restructuré 60 fois leurs engagements extérieurs privés et ont conclu 149 accords avec le Club de Paris.

Règlement de la dette : quelle feuille de route ?

Aujourd’hui, le règlement de la dette en Afrique a été retardé dans de nombreux cas par « des litiges de longue durée avec des créanciers privés et officiels ». Masood Ahmed, ancien directeur du FMI pour le Moyen-Orient et l’Asie centrale participant au panel du jour, appelle à une plus grande implication de « la Chine », qui est le plus grand prêteur bilatéral à l’Afrique, dans les discussions. Même son de cloche chez Joseph E. Stiglitz, l’économiste américain, Prix Nobel d’économie en 2001. « Une pause dans le paiement de la dette pendant la pandémie ne suffit plus, a-t-il dit. On a tendance à blâmer le débiteur, mais le créancier est l’expert en gestion des risques. » Surtout que, d’après lui, l’optimisme est du côté du continent, qui a mieux géré la pandémie que de nombreux autres pays du monde. C’est pourquoi il appelle à un cadre international pour traiter cette épineuse question. Les économistes recommandent aux pays africains de faire leur part en éliminant toutes les formes de fuites dans la gestion des ressources publiques. Selon eux, le choc de la pandémie de Covid-19 offre une occasion majeure d’agir pour éviter une autre « décennie perdue ». Pour autant, il n’est plus question d’annulation totale des dettes. De nombreux États africains ont pris conscience qu’il serait irréaliste de demander des annulations. Lesetja Kganyago, gouverneur de la Banque de réserve sud-africaine (SARB), a déclaré que son pays, l’Afrique du Sud, n’envisageait même pas cette option, puisqu’une grande partie de la dette sud-africaine est interne bien qu’elle soit détenue en grande partie par des étrangers. En réalité, précise l’économiste américain Stiglitz, le problème vient du secteur privé. « Vous n’obtiendrez probablement pas l’engagement du secteur privé… Une grande partie de la dette est privée », rappelle-t-il.

Si rien n’est fait, « l’Afrique pourrait se voir confrontée à de graves problèmes de dette, et les défauts de paiement et les résolutions prolongées pourraient entraver les progrès de l’Afrique vers la prospérité », avertit le président de la BAD, Akinwumi Adesina, ajoutant que « les Africains ont aujourd’hui l’un des taux d’imposition implicites les plus élevés au monde ». Ce dernier appelle à « relever le défi de la dette et du financement du développement de l’Afrique » grâce à une « discipline budgétaire », un soutien accru de la communauté internationale et des créanciers privés, mais aussi « des réformes audacieuses de la gouvernance » des États africains. « Souvenez-vous que, quand il y a trop de dettes, c’est autant le problème des créanciers que celui du débiteur », a encore asséné Joseph E. Stiglitz. Dans l’immédiat, la banque estime que les gouvernements africains ont besoin d’un financement brut supplémentaire d’environ 154 milliards de dollars pour répondre à la crise.

Le Point Afrique

Rédaction
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