(BFI) – Le manque de semences de qualité, l’accès difficile aux terres et le coût élevé des engrais sont à l’origine de la flambée des coûts du produit sur le marché camerounais.
Marché du Mfoundi le samedi de fin décembre 2020. Le parfum des légumes et autres produits installés sur les étals titille l’odorat des ménagères et autres acheteurs. Au milieu des oignons, sacs de riz et de sel, l’huile de palme brute, de par son imposante couleur (orange vif), attire.
Dans des contenants de 1,5 L, 5 L 20L et 50 L, elle s’impose au regard, mais demeure difficile d’accès, du fait de la hausse des prix que l’on observe depuis le mois d’août. Dans les allées du marché du Mfoundi, Rosaline Nfeg, ménagère, est surprise en plein monologue alors qu’elle vient à peine de se séparer d’une vendeuse d’huile de palme brute.
Elle souhaitait en effet acheter cinq litres pour son ménage, mais le prix qui lui a été communiqué a semblé lui filer le vertige. « C’est même quelle histoire ça ? Mieux j’achète l’huile raffinée. Cinq litres d’huile à 3500 FCFA au lieu de 2700 FCFA ? On n’est pas obligé de consommer l’huile rouge ce mois », dit-elle, d’un air maussade.
Bertrand Tekou lui, devait se procurer 40 litres d’huile de palme destinés à sa contribution pour la dot de son frère cadet qui allait prendre femme. « 40 litres d’huile à 30000 F ? J’ai pourtant cru que je pouvais l’avoir à 22000 FCFA », marmonne-t-il, dépité. Il finira par se résoudre à faire le « sacrifice » pour respecter sa promesse.
Depuis le mois d’août en effet, le prix de l’huile de palme brute a rougi sur le marché. Et cette flambée des prix résulte, d’après Didier Bongben, de la rareté de ce produit de grande consommation sur le marché : « Il n’y a pas d’huile sur le marché ! Le peu que nous avons est fourni par les paysans basés dans le Littoral et dans le grand Sud », explique-t-il.
Avant d’ajouter : « Ces temps derniers, certains paysans préfèrent vendre leurs productions aux industriels qui font dans la transformation, plutôt qu’à nous autres. Du coup, l’insuffisance conduit à une hausse des prix sur le marché. »
Pour Jacquis Kemleu Tchabgou, secrétaire général de l’Association des raffineurs des oléagineux du Cameroun (Asroc), le problème c’est la rareté des terres. « Il y a un sérieux problème de disponibilité des terres. Il est pratiquement impossible pour un industriel d’acheter 5000 hectares. Il n’y a que l’Etat qui, par des procédures particulières, peut avoir accès à une telle étendue de terre », explique-t-il.
De l’avis de Joseph Thierry Etoga, producteur d’huile de palme, le déficit structurel d’huile de palme se justifie par la mauvaise qualité des semences. « Aujourd’hui, on utilise des semences de troisième génération. Or, ce que nous avons sur le marché provient généralement des agents pépiniéristes qui vendent des semences de très mauvaise qualité. C’est d’ailleurs ce qui est à l’origine des faibles rendements que nous enregistrons dans les plantations », souligne-t-il.
Et d’ajouter qu’une « bonne qualité de semences permettrait de multiplier les rendements à l’hectare. Pour améliorer leur disponibilité et avoir des semences de qualité, l’Institut de recherche agricole pour le développement doit être mise à contribution. Ou alors en importer ».
Selon Jacquis Kemleu Tchabgou, le déficit chronique d’huile de palme brute tient également au coût élevé des engrais. « L’engrais coûte cher. Une tonne coûte 600 000 F. Combien de paysans peuvent acheter une tonne d’engrais ? Quand vous plantez sur du gravier avec un rendement de 10 000 tonnes à l’hectare, vous perdez votre temps. Or, celui qui a des semences de qualité et des engrais obtient un rendement de 15000 tonnes à l’hectare, donc s’en sort mieux », explique le secrétaire général de l’Asroc.
Omer Kamga