(BFI) – Le ministre camerounais des Finances, Louis Paul Motazé, a signé en fin de semaine dernière le document consacrant la reprise par le Trésor public, de la dette du producteur d’aluminium Alucam (Compagnie camerounaise de l’aluminium), vis-à-vis d’Eneo, le concessionnaire du service public de l’électricité dans le pays, révèle une source proche du dossier. Cette décision fait suite à la signature entre les deux entreprises, en début d’année 2020, d’un contrat de validation d’une dette de 40 milliards de FCFA au 31 décembre 2019, réclamée par la compagnie d’électricité à la société publique Alucam.
Mais, apprend-on, le document signé concerne non seulement cette enveloppe de 40 milliards de FCFA, mais aussi les impayés accumulés par Alucam depuis la mi-2020, soit environ 9 mois. « Alucam connait manifestement de graves difficultés. Car, les factures ne sont plus réglées depuis mi-2020, sauf rares exceptions », a révélé Éric Mansuy, le directeur général d’Eneo, dans une récente interview accordée à Investir au Cameroun.
Le volume de la dette d’Alucam depuis la mi-2020 n’est pas révélé. Mais, de sources proches du dossier, la consommation mensuelle moyenne de ce producteur d’aluminium avoisine 2 milliards de FCFA. Rapporté à seulement six mois d’impayés correspondant au 2e semestre 2020, cela représente environ 12 milliards de FCFA. Ce qui porte à plus de 50 milliards de FCFA l’enveloppe que l’État du Cameroun devra verser à Eneo, au titre de la dette cumulée d’Alucam.
Inquiétudes
En plus de donner du souffle à Eneo, le paiement effectif de cette dette permettra de consolider l’équilibre financier du secteur de l’électricité au Cameroun. Mais, dans le même temps, cette reprise de la dette d’Alucam par l’État conforte les inquiétudes des bailleurs de fonds et autres agences de notation, qui soutiennent que l’endettement des entreprises publiques au Cameroun fragilise de plus en plus l’équilibre budgétaire du pays.
Pour rappel, le mastodonte de l’aluminium au Cameroun est en proie aux difficultés financières depuis décembre 2014, suite à l’annonce du départ de Rio Tinto, son ancien partenaire stratégique. En effet, à la faveur de la réorientation de son modèle économique, ce partenaire a dû rétrocéder à l’État du Cameroun, en 2015, les 46,7% du capital qu’il détenait dans Alucam. Devenu actionnaire unique de cette entreprise depuis cette date-là, l’État du Cameroun peine à aguicher un nouvel investisseur pour Alucam, dont les performances sont de plus en plus déclinantes.
Selon les statistiques de Banques des États de l’Afrique centrale (Beac), l’institut d’émission des six pays de la Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA et Guinée équatoriale), depuis 2017, les exportations d’Alucam ont chuté presque de moitié, passant de plus de 80 000 tonnes en 2017 à seulement 49 000 tonnes en 2020. La même source révèle que cette tendance baissière est observée depuis 10 ans.
Au demeurant, cette baisse de la production a permis à cette société d’État de réduire substantiellement sa consommation d’électricité, passant de 200 MW à seulement 130 MW chaque mois. Toute chose qui a, du même coup, permis d’éviter d’alourdir davantage les impayés d’Alucam vis-à-vis d’Eneo.