(BFI) – Il est un modèle, une source d’inspiration, pour des milliers de jeunes en Afrique. Il est considéré comme l’un des plus éminents champions de l’entrepreneuriat sur le continent. Le milliardaire nigérian Tony Elumelu a un parcours absolument édifiant. Lui qui a débuté sa carrière en tant que vendeur de photocopieuses, il préside aujourd’hui l’United Bank For Africa (UBA), un groupe panafricain de services financiers opérant dans 20 pays en Afrique et quatre hors du continent (Royaume-Uni, États-Unis, France et Émirats arabes unis). Il est aussi à la tête d’Heirs Holdings, une société d’investissement destinée à transformer l’Afrique, en misant sur des secteurs clés (services financiers, électricité, santé…). Il a enfin créé, en 2010, la Fondation Tony-Elumelu qui forme la nouvelle génération d’entrepreneurs africains, en s’inspirant de sa philosophie économique : l’« africapitalisme ».
Expliquez-nous ce qu’est l’« africapitalisme », cette philosophie économique que vous défendez ?
Je suis un dirigeant d’entreprise en Afrique. Je suis un philantrope en Afrique. Je suis aussi un investisseur dans de nombreux pays du continent. Et, c’est surtout dans notre jeunesse que j’investis. Avec le temps, j’ai développé une conviction : c’est à nous, Africains, de développer l’Afrique du XXIe siècle. Et pour y arriver, le secteur privé doit prendre les devants, pour compter sur l’économie du continent. J’ai constaté qu’avec de véritables investissements, nous pouvons relever les défis auxquels nous sommes confrontés. C’est pour ça que j’ai créé cette philosophie : l’« africapitalisme ». C’est un appel au secteur privé pour qu’il investisse dans le développement du continent. Il nous faut des investissements à long-terme, dans des secteurs stratégiques de l’économie africaine. C’est ça qui va créer de la prospérité économique, de la richesse sociale, des emplois… C’est ça qui va permettre aux femmes de participer aux activités économiques et d’éradiquer la pauvreté en Afrique. C’est ça, l’« africapitalisme ».
En termes d’innovations, l’Afrique anglophone donne parfois l’impression d’être plus avancée que l’Afrique francophone. Est-ce que vous partagez ce point de vue ?
Je fais des affaires dans plus de vingt pays d’Afrique. J’ai été confronté à des cultures différentes, d’un pays à l’autre. Dans certaines régions d’Afrique francophone, la culture du travail est effectivement un peu différente. Mais, ce que je vois aussi, c’est qu’avec la technologie, les réseaux sociaux et le numérique, le monde est en train de se globaliser. Les gens s’influencent mutuellement et de façon positive. Je constate que les comportements, les attitudes, se ressemblent de plus en plus. Les gens ont de plus en plus la fibre entrepreneuriale. Vous savez, je parle à de jeunes entrepreneurs au Cameroun. Je parle à des entrepreneurs en Côte d’Ivoire, au Burkina Faso et au Mali. Leur enthousiasme, je le vois. Ils adoptent cette attitude entrepreneuriale. Et tant mieux ! Mais, il y a une chose que je dis aux gouvernements : les entrepreneurs réussissent lorsque les États décident délibérément de les soutenir et de créer un environnement favorable. C’est ce que devraient faire la plupart des gouvernements africains. Si vous voyez un pays où le secteur privé se développe, où les entrepreneurs prospèrent, c’est que le gouvernement a bien fait les choses. Les dirigeants africains doivent donc faire en sorte de soutenir leurs entrepreneurs pour qu’ils réussissent.
C’est un point intéressant. Mais, ne pensez-vous pas que le manque de démocratie dans certains pays, francophones notamment, peut être un frein au développement de l’entrepreneuriat, à la création de start-up ?
Il existe une corrélation positive entre la démocratie, la bonne gouvernance et le succès du secteur privé et des entrepreneurs. Nous avons donc besoin de gouvernements qui encouragent délibérément l’esprit d’entreprise. Nous avons besoin de gouvernements qui créent des environnements favorables, des lois fiscales, des infrastructures, des politiques cohérentes, des politiques macro-économiques stables. Nous avons besoin de gouvernements qui facilitent le climat des affaires et la création d’entreprises. Ce sont ces facteurs qui permettent aux entrepreneurs de réussir. Et, les gouvernements qui ne font pas ça ne s’en sortiront probablement pas mieux.
La Fondation Tony-Elumelu a été créée pour donner aux femmes et aux hommes du continent les moyens d’agir et d’accélérer la croissance économique du continent. Votre fondation montre que vous avez une confiance inébranlable en la jeunesse africaine. Comment faire en sorte que tous ces jeunes croient en eux-mêmes ?
Ma propre histoire. Ce qui m’a fait croire en moi, c’est le fait d’avoir une attitude positive face à la vie. Il faut aussi envisager les choses sur le long terme. Vous souffrez peut-être aujourd’hui. Mais, dites-vous que les choses finiront par s’améliorer. C’est cet espoir qui vous porte. Et puis, l’univers fait en sorte que les bonnes choses se réalisent. Le potentiel de l’Afrique est énorme. Mais, en même temps, nous savons que nous devons travailler dur pour transformer ce potentiel en réalité. Ce que je dis aux jeunes entrepreneurs africains, c’est que l’environnement dans lequel ils évoluent est difficile. Mais n’abandonnez pas. Soyez résilients. Continuez à essayer. Regardez quelqu’un comme moi, Tony Elumelu : je ne suis pas le fils d’un milliardaire et pourtant, j’ai réussi en Afrique. Ça veut dire que vous aussi, vous pouvez réussir, encore mieux que moi ! Mais, il faut travailler dur. Être résiliant. Concentré. Prêt à faire des sacrifices. Et là, vous irez loin dans la vie. L’aventure entrepreneuriale, ce n’est pas facile. C’est fait de hauts et de bas. Vous devez donc rester concentrés et avoir une vision à long terme, car c’est à ce moment-là que tout arrivera.
Vous êtes un rôle-modèle, une source d’inspiration pour de nombreux entrepreneurs africains. Vous avez commencé votre vie en tant que vendeur de photocopieuses. Quel est le secret de votre succès ?
Un travail acharné. De la résilience. De la persévérance. De la discipline. De la concentration. C’est aussi important d’apprendre à économiser et à ne pas consommer tout ce que vous avez sous la main. Si vous avez un dollar entre les mains, mettez-en une partie de côté. Si vous ne faites pas cela quand vous avez un dollar, vous ne le ferez pas lorsque vous aurez un milliard de dollars. Enfin, le plus important, c’est la grâce de Dieu.