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« Le Covid-19 doit accélérer l’émergence d’une puissance agricole africaine »

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(BFI) –  Pour éloigner le spectre d’une crise alimentaire, l’Afrique doit créer autour de son agriculture des chaînes de valeur endogènes et vertueuses.

Bien que le Covid-19 ne fasse pas de discrimination, le bilan n’est pas le même pour tous, notamment en ce qui concerne la résilience des systèmes alimentaires. Les restrictions de mouvement mises en place pour contenir la propagation du virus, les perturbations des chaînes d’approvisionnement mondiales et la mise à l’arrêt de nombreux sites de production agroalimentaire contribuent à réduire la disponibilité des denrées. La dépendance du continent à l’importation sur ce plan, dont la BAD prévoit une augmentation des volumes pour atteindre une valeur de 110 milliards USD en 2025, devient d’autant plus menaçante qu’une fois prise en compte la dépréciation des monnaies nationales, la hausse automatique des prix exclura de fait les populations aux revenus les plus faibles.

‘insécurité alimentaire, une menace réelle pour l’Afrique

En 2019, un rapport commun du PAM et de la FAO alertait déjà sur le fait que 73 millions d’Africains souffraient d’insécurité alimentaire aiguë. Depuis, deux invasions successives de criquets ont ravagé les cultures de l’est du continent et l’épidémie de Covid-19 se propage au cœur des territoires. Pour les 65 % de travailleurs africains qui sont dans le secteur agricole, la peine est double : les chaînes d’approvisionnement en intrants et semences sont perturbées et l’accès aux marchés rendu plus compliqué.

En 2003 à Maputo, les dirigeants africains, conscients de l’important effet de levier du développement du secteur agricole sur l’autosuffisance alimentaire et l’accès à l’emploi du continent, lançaient pourtant le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA). Avec un objectif ambitieux d’allocation minimale de 10 % des dépenses publiques dans le secteur agricole, ce cadre panafricain devait permettre d’atteindre 6 % de croissance annuelle pour le PIB agricole. Plus de quinze ans après, des pays comme le Mali, le Rwanda ou le Togo, qui ont adopté les objectifs du PPDA, observent des résultats probants, avec une baisse du taux de malnutrition compris entre 2,4 et 5,7 % par an. Cependant, à l’échelle continentale, la balance agricole demeure déficitaire et la situation nutritionnelle peine à s’améliorer.

S’appuyer sur le fort potentiel agricole

Et pourtant, les ressources naturelles agricoles, bien qu’inégalement réparties sur le continent, pourraient permettre à l’Afrique d’atteindre l’autosuffisance alimentaire et de devenir une véritable puissance agricole. Très orientées ces dernières années sur la mise en place de réformes facilitant l’investissement étranger, les politiques agricoles doivent se recentrer sur le renforcement des marchés régionaux et nationaux. En ces temps de crise où la disponibilité des produits alimentaires de base sur les marchés internationaux n’est plus garantie, l’importance d’un modèle agricole diversifié tirant à la fois parti des cultures de rente mais répondant également aux besoins urgents d’approvisionnement des populations, se voit renforcée. Aujourd’hui, les revenus de ces cultures de rente sont vitaux pour beaucoup d’économies nationales car sources d’importants apports en devises et donc d’amélioration du solde de la balance commerciale dans une période de pression budgétaire. Si certaines filières comme celle de la banane témoignent de leur résilience malgré les perturbations de la logistique internationale, d’autres filières fruitières, faute de capacité régionale de transformation et de corridors commerciaux favorisant les exportations intracontinentales, ne trouvent toujours pas de débouchés pour leurs productions sur un continent pourtant importateur net de denrées alimentaires.

Il est l’heure de changer la donne

Aujourd’hui, il est nécessaire que les décideurs profitent de cette crise pour opérer une transition vers un modèle agricole et alimentaire à la hauteur des défis démographiques du continent. En effet, selon la Banque mondiale, le continent africain abritera plus de 2 milliards de personnes en 2050. Pour opérer cette transformation de notre modèle agricole, trois axes sont prioritaires.

Le premier est la transmission générationnelle. Alors que le continent africain a une population jeune, la main-d’œuvre du secteur agricole est vieillissante. L’Afrique est un continent historiquement agricole et sa population a su développer des savoir-faire précieux. Il faut désormais combiner cette expérience avec le dynamisme et l’innovation de la jeune génération, aujourd’hui trop peu tournée vers les métiers de la terre qui lui paraissent précaires et d’un autre temps. Or ces jeunes peuvent contribuer à la modernisation du secteur comme en témoigne l’émergence de l’agritech africaine.

De plus, l’intensification du développement des chaînes de valeurs durables à travers un renforcement de l’intégration régionale est essentielle. Cette réorientation stratégique doit poursuivre un objectif : favoriser la production locale et régionale sans être pour autant au détriment du consommateur africain. Avec la ZLECA, l’Afrique a l’occasion de permettre à l’agrobusiness africain de se développer et de gagner en compétitivité dans ses marchés intérieurs avant d’être exposé à la compétition sur les marchés internationaux. Combinée au développement des infrastructures et à la mise en place de la ZLECA, la bonne structuration de certaines filières d’exportation répondant aux standards internationaux pourra servir de modèle pour d’autres filières agricoles afin de renforcer l’intégration économique africaine.

Enfin, pour faire face à cette concurrence internationale exacerbée, nous devons d’une part encourager les regroupements des pôles de production sous forme de fédération, à l’image d’Afruibana pour la banane ou d’autres fruits, mais aussi les accords entre pays producteurs comme le font désormais le Ghana et la Côte d’Ivoire pour le cacao. En parlant d’une seule voix, les producteurs africains défendront mieux leurs intérêts face à leurs concurrents américains, asiatiques ou européens.

Par Joseph Owona Kono, Président d’Afruibana

Rédaction
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