(BFI) – La Société nationale des hydrocarbures (SNH) du Cameroun aurait fait une offre de 150 milliards de FCFA pour la reprise d’une partie des 21% de participation que détient la Société des hydrocarbures du Tchad (SHT) sur le pipeline pétrolier Tchad-Cameroun, apprend-on d’Africa Intelligence, édition du 24 février 2021.
Selon le confidentiel, cette offre, intervenue en janvier, est contenue dans une correspondance adressée à la SHT par Galileo Negoce & Conseil, une structure tchadienne qui conseille la SHT dans le cadre de cette transaction évoquée pour la première fois en 2018, au moyen d’échanges épistolaires entre Adolphe Moudiki, l’administrateur directeur général de la SNH, et Béchir Madet, alors ministre tchadien de l’Énergie.
Ce projet, bien que non encore confirmé par les parties, est en cohérence avec les objectifs du Cameroun visant à accroître ces dernières années ses gains sur cette infrastructure majoritairement située sur son territoire. Il serait revenu sur la table des discussions en raison des défis économiques que traverse le Tchad. Le pays doit en effet continuer de rembourser la dette due à ses créanciers privés internationaux, notamment Glencore. Il est d’ailleurs l’un des premiers à avoir sollicité le moratoire sur la dette mise en place par le G20, pour aider les pays en développement confrontés aux conséquences de la pandémie du Covid-19.
Enjeux géostratégiques
La conclusion de ce deal devrait permettre au pays de Paul Biya, qui a déjà obtenu la revalorisation puis l’actualisation tous les 5 ans du droit de transit du brut tchadien sur son territoire, d’augmenter ses actifs sur cette infrastructure de transport des produits pétroliers. Mais l’opportunité économique d’un tel investissement peut être questionnée au regard de l’incertitude qui pèse sur les cours du pétrole. D’ailleurs, le 10 mars 2020, la plateforme Business Wire a révélé que la société japonaise, Osaka Matsui Management, spécialisée dans la gestion d’actifs et le conseil en investissements, travaille sur la vente des actifs des firmes pétrolières Exxon-Mobil et Petronas sur le pipeline Tchad-Cameroun.
Pour comprendre l’intérêt de Yaoundé, il faut intégrer les enjeux géopolitiques de ce dossier. Dans sa partie septentrionale, le Cameroun est frontalier au Nigéria, au Tchad, et à la République centrafricaine. Des crises en RCA et Boko Haram au Nigéria créent une instabilité difficile à contenir. Si le Tchad était déstabilisé, la région perdrait un important pivot de stabilité dans la zone. Par le passé, Yaoundé a d’ailleurs souvent volé au secours de N’Djamena.
Droit de transit
Long de plus de 1000 km, l’oléoduc Tchad-Cameroun est opérationnel depuis 2003. Cette infrastructure permet d’exporter chaque année près de 40 millions de barils de pétrole produits dans les champs pétroliers du Tchad par des sociétés telles que la China National Petroleum Corporation (CNPC), Exxon Mobil ou Petronas.
Ce pipeline a été financé par la Banque mondiale et un consortium de firmes pétrolières constitué par Exxon-Mobil, Petronas et Chevron-Texaco (qui a revendu ses actifs au Tchad en 2014). Trois ans seulement après sa mise en service, et grâce à l’embellie des cours mondiaux du pétrole de cette époque, l’investissement d’environ 2300 milliards de FCFA réalisé sur le pipeline Tchad-Cameroun avait déjà été amorti, selon les experts.