(BFI) – En charge de la mobilisation des ressources extérieures et, entre autres, de la gestion de la dette publique, la Caisse autonome d’amortissement (CAA) est une structure centrale dans l’écosystème financier du Bénin. Dans cet entretien exclusif suivi par notre confrère de Financial Afrik, le directeur général de l’institution, Arsène Dansou, nous explique l’articulation de ses missions.
Pouvez-vous revenir sur l’historique et les missions de la Caisse autonome d’amortissement (CAA) ?
La Caisse Autonome d’Amortissement (CAA) est un établissement public placé sous la tutelle du Ministre chargé des Finances. Elle a été instituée depuis 1966.
Au fil des divers réaménagements institutionnels liés à l’évolution du contexte économique national et depuis l’entrée en vigueur du décret de 2008, la CAA est chargée entre autres de la mobilisation et de la gestion des ressources extérieures (prêts et dons) ainsi que des financements auprès des banques locales ; de la gestion des fonds de contrepartie béninoise aux divers projets et la gestion de la dette publique dans son ensemble. Ces diverses prérogatives n’incluent pas les émissions obligataires sur le marché régional de l’UEMOA qui sont gérées par la Direction Générale du Trésor public mais dont la CAA assure les remboursements.
Vous êtes entre autres chargé de la mobilisation des ressources et de la gestion de la dette publique. Comment articulez-vous ces deux missions ?
Ces deux missions complémentaires et indissociables se déploient dans le cadre de la mise en œuvre de l’orientation du gouvernement en matière de financement des besoins de l’Etat.
En effet, la politique d’investissement et de financement de la croissance du Bénin est déclinée à travers le Programme d’actions du gouvernement, dont la mise en œuvre efficace doit se faire par la combinaison optimale de diverses sources et d’outils de financement dans le respect des critères de viabilité et soutenabilité de la dette publique.
En pratique, il s’agit pour la CAA de mettre en œuvre au quotidien la stratégie d’endettement nationale tant sur les plans local, régional qu’international. Depuis 2016, le Bénin n’a cessé d’attirer les appréciations positives pour les approches innovantes de mobilisation de ressources, mais également sur sa capacité à respecter les critères de viabilité de sa dette.
La mobilisation de l’épargne et la gestion collective restent encore à parfaire en zone UEMOA. Quels sont vos acquis et perspectives à ce niveau ?
Il faut saluer d’entrée de jeu le travail remarquable effectué dans le cadre de la gestion de l’épargne publique dans la zone UEMOA à travers la création de l’Agence Umoa-Titres qui permet de mobiliser dans un environnement réglementé d’importants financements sur le marché de la communauté.
Parallèlement à la politique communautaire de mobilisation de l’épargne, le Bénin a entrepris des réformes visant à favoriser l’inclusion financière. A côté de ces réformes, le Bénin a étendu le périmètre de son action à la mobilisation des ressources d’épargne qui, de par leur nature ou leur origine, requièrent une protection spéciale au travers de la création de la Caisse des dépôts et consignations. Cette institution est un véhicule d’investissement capable de participer à l’approfondissement des marchés financiers tout en interagissant comme un levier important dans la réalisation de grands projets structurants.
Dans la perspective 2021-2026, le Gouvernement du Bénin, conformément aux lignes directrices de l’UEMOA qui visent l’accélération du développement des marchés financiers, entend poursuivre sa politique d’investissement dans la technologie et l’innovation digitale.
Qu’est-ce qui selon vous attire les investisseurs au Bénin ?
Depuis 2016, le Bénin a connu un regain d’intérêt de la part des investisseurs sur le plan national, régional et international en raison de la mise en œuvre d’un certain nombre de réformes axées sur l’amélioration et le renforcement continus de la qualité de la gestion des finances publiques en général et de la dette en particulier.
En effet, ces réformes ont permis entre autres de renforcer la qualité de la signature du Bénin et d’améliorer la perception du risque Bénin, toute chose confortée par les différentes évaluations effectuées tant par la Banque Mondiale, le FMI, que par les institutions indépendantes et les agences de notation.
Je peux citer entre autres l’amélioration de la note de la qualité des politiques publiques de la Banque Mondiale qui a connu en 2019 l’une des meilleures progressions par rapport aux 10 dernières années, ainsi que le classement du Bénin comme premier des 76 pays IDA en matière de transparence des données de la dette publique, sans oublier la confirmation et/ou l’amélioration des notations attribuées au Bénin par diverses agences de notation internationales et régionales.
En plus de ces divers outils d’évaluation, le Bénin a mis en place un dialogue permanent avec les investisseurs étrangers à travers le dialogue périodique et le partage d’informations afin de les tenir au courant de toute évolution positive qui intervient dans le paysage économique et social du pays.
Qui dit gestion des dettes dit anticipation sur les taux d’intérêt et les taux de change. Quels sont justement les outils qui vous permettent d’anticiper sur le marché des taux ?
La gestion de la dette publique au Bénin depuis 2016, repose sur 6 piliers (proactivité, diversification, innovation, choix sélectif, suivi et transparence). La prise en charge des questions de taux d’intérêt et de change est gérée à travers la mise en œuvre de la proactivité qui se traduit par le suivi et l’analyse de l’évolution des marchés en termes de taux d’intérêts et d’évolution du cours des diverses devises internationales. Cette analyse se fait à la lumière de divers outils mis à disposition par la Banque Mondiale, le FMI et la BCEAO. Ces outils permettent de faire une analyse prospective de taux de change et de courbe de rendement afin de fixer des seuils acceptables pour conserver la qualité de notre portefeuille tant à court, moyen et long terme.
De plus, le Bénin priorise chaque fois que possible, les financements à taux fixe et privilégie l’euro pour les financements extérieurs en raison de sa parité fixe avec le franc CFA. En ce qui concerne les financements en devises fluctuantes, essentiellement le dollar, ils sont pour la plupart des financements concessionnels auprès des partenaires multilatéraux.
Certains observateurs estiment que le taux d’endettement du Bénin a trop augmenté ?
Le taux d’endettement publique du Bénin est passé de 30,90% en 2015 à 46,14% en 2020, soit une progression modérée sur la période 2015-2020. L’encours de la dette publique affiche une progression moyenne de moins de 15% sur la même période. Cette évolution est à rapporter à la dynamique de la zone UEMOA où la moyenne s’établit à 53,24 % en 2020 selon les perspectives économiques régionales du FMI publiées en avril 2021.
Il faut rappeler que le plus souvent, l’on s’interroge sur l’évolution du taux d’endettement, mais l’on observe moins l’évolution des remboursements effectués périodiquement sur le stock de la dette. En effet, sur la même période, le Bénin a remboursé en moyenne 6,4% par an, ce qui démontre de la vitalité de notre économie et est gage de la crédibilité dont jouit le Bénin auprès des investisseurs.
De plus, il est également important d’analyser l’emploi qui est fait des financements mobilisés. En ce qui concerne notre pays, chacun des financements mobilisés est destiné à un projet spécifique devant impacter directement la création de richesses donc le PIB ou améliorer l’écosystème économique destiné à avoir un effet induit sur la création de richesse de notre économie. Ces éléments permettent tant aux bailleurs qu’aux observateurs ou analystes de la viabilité et de la soutenabilité de la dette d’être confortable sur la bonne qualité de notre dette.
La dette du Bénin est donc soutenable ?
Au regard de mes précédentes réponses, l’appréciation de la dette publique du Bénin par les divers partenaires et autres analystes indépendants, les différentes notations et appréciations obtenues ainsi que l’intérêt sans cesse croissant des investisseurs pour le Bénin, témoignent de la viabilité et de la soutenabilité de sa dette.
En effet, le FMI avec qui le Bénin a fait l’option de signer volontairement un Programme Economique et Financier sur la période 2017-2020, a conduit six différentes revues qui ont toutes conclu à la qualité très satisfaisante de la viabilité et la soutenabilité de la dette du Bénin. En effet, les équipes d’évaluation du FMI ont attesté chaque fois que la dette publique du Bénin est viable et que le risque de surendettement pour le Bénin est modéré.
Cette appréciation est confirmée de façon périodique et continuelle par les diverses agences de notation qui ont maintenu et/ou amélioré les diverses notations du Bénin en dépit de la conjoncture liée à la pandémie du COVID-19.
Cela démontre aisément la justesse et la qualité des réformes mises en œuvre qui visent à améliorer de façon continue le profil de la dette du Bénin tout en consolidant les finances publiques et favorisant le climat des affaires.
Enfin il convient de souligner comme je l’ai dit tantôt que sur les deux dernières années, le Bénin a été classé premier sur les 76 pays IDA, toute chose qui est le gage d’une bonne gestion de la dette.