(BFI) – Le bien-être des populations est un pilier fondamental de la croissance et du développement durable des États. En ce sens, l’assurance santé joue un rôle vital en fournissant une protection contre les risques sanitaires. Cependant, en Afrique subsaharienne, la mise en place de ces mécanismes est encore à un stade embryonnaire. La région enregistre l’un des plus faibles taux de couverture en matière d’assurance santé avec moins de 10 % de la population couverte en moyenne en 2020 selon la Fédération des Sociétés d’Assurances de Droit National Africaines.
Ces chiffres sont alarmants et exigent une analyse approfondie des défis auxquels est confronté le secteur de l’assurance santé en Afrique subsaharienne ainsi que des solutions concrètes pour les surmonter.
Défis de l’adaptation aux réalités socio-économiques
L’assurance santé reste largement perçue en Afrique subsaharienne comme un privilège réservé à une élite aisée. Cette perspective, à la fois justifiée et erronée découle en partie de l’exclusion historique du secteur informel, mais aussi de la difficulté, voire l’impossibilité pour les couches vulnérables d’accéder aux soins les plus élémentaires. Les travailleurs du secteur informel sont maintenus en marge de la sécurité sociale dans la plupart des pays de la région. Une réalité déplorable, lorsque l’on considère l’importance de ce sous-secteur en Afrique sub-saharienne.
En Afrique subsaharienne, l’informel contribue au PIB dans une proportion allant de 25 à 65 % selon le pays. Il emploie plus de la moitié des populations actives. Cette exclusion est préoccupante car elle prive une grande partie de la population des avantages de l’assurance santé, les laissant vulnérables aux coûts élevés des soins médicaux.
Par ailleurs, nos compagnies d’assurances ont été fondées il y a plusieurs décennies sur un modèle conçu sur le paradigme de l’extrême pauvreté prédominante. Cette approche ne reflète plus la réalité de notre continent. L’émergence d’une classe moyenne dynamique et en expansion ouvre de nouvelles opportunités pour le secteur de l’assurance santé.
Malheureusement, les politiques d’accroissement de parts de marchés continuent souvent de reposer sur le paradigme obsolète de l’extrême pauvreté, excluant ainsi une partie importante de la population africaine qui pourrait bénéficier de ces services.
Surmonter la surconsommation et l’exclusion de soins essentiels
Outre l’étroitesse du marché, d’autres défis entravent le secteur de l’assurance santé en Afrique subsaharienne.
L’un de ces défis majeurs réside dans la nature même de l’assurance santé qui est un contrat d’adhésion. Elle offre peu de flexibilité aux contractants en ce qui concerne les prestations proposées. Cette limitation se traduit souvent par l’exclusion de prestations, telles que les soins chiropratiques, aligniopatiques, naturopathiques etc.. Elle mitige l’accès des bénéficiaires à des soins adaptés à leurs besoins réels. Par exemple, les travailleurs qui effectuent des tâches physiquement exigeantes peuvent avoir besoin de soins spécifiques pour prévenir ou traiter les troubles de la posture ou les tensions musculaires. L’exclusion de ces types de soins limite la capacité des individus à prendre soin de leur santé de manière holistique et préventive. Il en est de même pour les cadres de bureaux dans la gestion quotidienne de leur stress, courbatures, céphalées, hernie discale (etc…)
Un autre défi majeur auquel est confronté le secteur de l’assurance santé en Afrique est la surconsommation de certains bénéficiaires. Cette surconsommation entraîne une augmentation des coûts pour les assureurs. Elle met à rude épreuve les fonds disponibles pour couvrir les dépenses de santé de l’ensemble des assurés. En conséquence, les assureurs peuvent être contraints d’augmenter les primes ou de limiter les prestations offertes, ce qui affecte négativement la qualité et l’accessibilité des soins de santé pour l’ensemble de leurs clients.
Réinventer l’assurance santé en Afrique par l’adaptation et l’innovation
Face à ces défis, une révision profonde de l’assurance santé en Afrique est indispensable. Il est primordial d’adapter les modèles existants pour répondre de manière plus adéquate aux besoins spécifiques des populations locales. Cela nécessite une approche inclusive, où une plus grande diversité de prestations serait prise en compte, et où les processus de souscription seraient simplifiés pour permettre un accès plus large à ces services.
Des actions, à l’échelle nationale, impliquant les autorités ayant le pouvoir de modifier les normes seront nécessaires pour l’inclusion du secteur informel par exemple. L’une des illustration de pistes de solution est le projet Assurance Maladie pour le Renforcement du Capital Humain (ARCH) mis en œuvre au Bénin, par le Gouvernement. L’initiative offre une solution prometteuse au problème de l’assurance des employés du secteur informel du pays, avec des subventions favorisant la souscription des populations les plus pauvres (ou à faible revenu)
Par ailleurs, encourager l’innovation dans le secteur de l’assurance santé est essentiel. Il est impératif de développer des produits et des services qui répondent aux besoins émergents des populations africaines. Cela implique de repenser les politiques et les offres actuelles pour les rendre plus accessibles financièrement, tout en garantissant leur pertinence et leur efficacité.
Des outils adéquats existent également pour limiter la surconsommation afin de s’assurer d’une gestion optimale des polices souscrites par les entreprises.
Une approche prometteuse consiste à envisager des solutions complémentaires à l’assurance santé traditionnelle. Cela pourrait inclure la mise en place de programmes de prévention et de promotion de la santé, ainsi que le développement de services de télémédecine accessibles à tous.
Tchègnon G-L GBOKEDE, Acteur du secteur des assurances