(BFI) – Alors qu’il était annoncé avec triomphe et tambours battant, la mise en œuvre de la Zleca, prévue le 1er juillet 2020 est contrarié par le Covid-19 et Il n’en sera rien. La pandémie du nouveau coronavirus a énergiquement freiné la course du projet.
Selon plusieurs médias dont Reuters, l’accord de libre-échange continental africain n’entrera pas en vigueur le 1er juillet 2020 comme prévu en raison de la pandémie mondiale de coronavirus. Soulignons que cet accord historique signé le 7 juillet 2019 devait démarrer en juillet 2020, après sa ratification par 54 des 55 pays africains. « La considération d’un report ne signifie pas qu’il n’y a plus de volonté politique et qu’il n’y a plus d’engagement politique », a déclaré Wamkele Mene, le secrétaire général de l’institution en charge de la mise en œuvre de la Zleca, dont il est prévu que le siège soit installé à Accra, au Ghana. Obstacle de taille : la fermeture complète des frontières par une trentaine de pays empêche le secrétariat de la Zone de libre-échange continentale africaine de faire avancer les pourparlers.
Des négociations à la traîne
La conséquence en est que les négociations sont retardées de deux mois et demi. Le secrétariat de la Zleca n’a toujours pas emménagé à Accra et son patron est coincé à Addis-Abeba avec ses cartons. Autre signe qui ne trompe pas, le report du sommet de l’UA qui devait se tenir en Afrique du Sud le 30 mai aux fins d’encourager les négociations commerciales sur les réductions tarifaires, les règles d’origine et les autres réglementations nécessaires. « Nous devons nous adapter à des conditions que personne n’aurait pu anticiper et nous devons donner la priorité aux gouvernements pour résoudre la crise de santé publique en priorité », a expliqué Wamkele.
Cela intervient alors que l’Afrique est à la traîne quant au commerce intracontinental. Celui-ci ne représente que 15 % du total, contre 58 % en Asie et plus de 70 % en Europe. Même sans l’interférence d’une pandémie, la conclusion d’un accord semblait difficile – malgré les progrès réalisés jusqu’à présent. Notamment sur les questions de droit de douane.
Des points importants à finaliser
L’accord oblige les États membres à supprimer les droits de douane de 90 % des marchandises échangées, ce qui permet le libre accès aux produits de base, aux marchandises et aux services à travers le continent. Le texte actuel propose aux pays un délai de cinq ans pour abaisser à zéro les droits de douane sur 90 % de leurs marchandises. Ils ont ensuite sept ans pour abaisser les tarifs sur 7 % de leurs lignes tarifaires, tandis que les 3 % restants peuvent être protégés. En réalité, les négociations prennent beaucoup plus de temps.
Autre point sensible : les règles d’origine. Les pays ont presque achevé les négociations sur les règles d’origine – les produits qui peuvent bénéficier du bloc de libre-échange doivent être fabriqués en Afrique – bien qu’ils aient encore un long chemin à parcourir avant de se mettre d’accord sur les droits de propriété intellectuelle, le commerce des services et la politique de la concurrence.
Selon le Fonds monétaire international (FMI), l’élimination des droits de douane pourrait stimuler le commerce en Afrique de 15 à 25 % à moyen terme. Une fois opérationnel, d’ici 2030 selon les prévisions, l’accord devrait créer un bloc économique de 3,4 billions de dollars, reliant 1,3 milliard de personnes à travers l’Afrique, ce qui en ferait le plus grand bloc commercial depuis la création de l’Organisation mondiale du commerce en 1994.
Faire de la pandémie une opportunité
« En fait, cette crise a démontré la nécessité pour nous de reconfigurer nos chaînes d’approvisionnement, de reconfigurer nos liens commerciaux et d’établir des chaînes de valeur régionales en Afrique qui feront progresser notre propre capacité de développement industriel africain sans se déconnecter complètement du reste du monde », a dit Mene alors que les craintes des organisations internationales telles que la FAO ou l’ONU tirent la sonnette d’alarme sur l’arrêt des chaînes d’approvisionnement alimentaire. « La dépendance à l’égard des chaînes d’approvisionnement mondiales présente un défi. Lorsque vous avez une perturbation, vous devenez en fait très, très exposé. » « Bien que le retard dans la mise en œuvre implique que ces avantages ne se verront pas à court ou à moyen terme, nous pensons que cela donne au pays suffisamment de temps pour accélérer les investissements dans les infrastructures essentielles qui réduiront le coût de production des marchandises localement et amélioreront la compétitivité des fabricants locaux , » a réagi le courtier nigérian CSL stockbrokers.
« À notre avis, les pays africains dotés de l’infrastructure requise pour les activités manufacturières à grande échelle seront mieux placés pour attirer des capitaux étrangers de sociétés multinationales qui cherchent à établir des centres de fabrication en Afrique pour tirer parti des économies d’échelle ainsi que des avantages associés à l’absence de taxes régionales rendue possible par la Zleca », analyse cette agence reconnue par le Nigeria Stock exchange. Wamkele Mene voit même dans ce retard l’opportunité de renforcer les plans de relance économique des États africains. Car selon la dernière parution de la BAD, le Covid-19 devrait coûter 2,8 % de PIB à l’Afrique. « Le choc du Covid-19 réduira davantage la marge de manœuvre budgétaire du continent, étant donné que les déficits budgétaires devraient se creuser de 3,5 à 4,9 points de pourcentage et augmenter le déficit de financement de l’Afrique de 110 à 154 milliards de dollars supplémentaires en 2020 », a déclaré le président Akinwumi Adesina.« C’est notre plan de relance. C’est ainsi que nous allons reprendre le chemin de l’Afrique », a souligné le secrétaire général qui doit prochainement faire un point d’étape lors d’un débat en visioconférence. Pour ce jeune Sud-Africain de 43 ans, rompu aux négociations commerciales au sein des grandes instances internationales, cette pandémie mondiale a aussi mis en évidence les faiblesses de l’Afrique sur le plan de la propriété intellectuelle, notamment sur l’industrie des médicaments. Dans un futur proche, cet expert espère faire des accords de libre-échange un tremplin pour le développement industriel de ce secteur clé.