(BFI) – Le ratio de la dette publique va de nouveau progresser au cours de l’année 2021, et culminera à 45% du PIB du pays. Même si ce ratio reste en dessous de 70% du PIB, qui est le seuil de tolérance dans la zone Cemac, il convient de rappeler que la dette publique camerounaise a augmenté de 67,2% en cinq ans selon le gouvernement. Mais des questions persistent sur les choix stratégiques opérés et l’utilisation des crédits contractés.
Parmi les principales raisons invoquées pour justifier l’augmentation de 5,6% de la dette publique camerounaise au 31 décembre 2020 (10 334 milliards de FCFA), la Caisse autonome d’amortissement (CAA), structure étatique en charge de la gestion et du suivi de la dette publique dans le pays, cite « des émissions plus prononcées des titres publics » par l’État. Une lecture plus affinée des chiffres compilés par la CAA révèle, en effet, que l’État camerounais a pratiquement quadruplé l’encours de ses titres publics, au cours de la période de 5 ans allant de 2015 à 2020.
Dans le détail, révèlent les chiffres de la CAA, à fin 2020, l’encours des titres publics émis par le Cameroun a culminé à 1013 milliards de FCFA. Ce qui correspond à presque quatre fois l’encours de 265 milliards de FCFA enregistré en 2015. Pour expliquer cette explosion de la dette publique, le ministre des Finances, Louis Paul Motaze, souligne que « les ressources issues des émissions des BTA (titres de court terme) ont permis d’assurer une meilleure gestion de la trésorerie, en atténuant les tensions liées à la baisse périodique des recettes. Les OTA (titres de longs termes) quant à elles ont contribué à la poursuite et à l’achèvement de nombreux projets d’investissements, notamment les infrastructures routières pour 80 milliards de FCFA, les infrastructures sportives et connexes pour 70 milliards de FCFA, le plan de riposte au Covid-19 pour 45 milliards de FCFA… ». Pour faire simple, le Cameroun a accéléré son endettement pour assurer la mise en service des infrastructures routières et sportives et financer son plan de riposte au Covid-19. Sauf que sur le terrain ces différents projets sont loin d’être achevés.
Les chantiers ne sont toujours pas achevés
Concernant les infrastructures routières par exemple, l’emblématique autoroute Douala- Yaoundé prend de plus en plus des allures de serpent de mer. On annonce les 60 premiers Km pour Novembre 2021, sans aucune idée du deadline de l’achèvement de l’ouvrage. D’ailleurs il faut encore trouver les 812,8 milliards de FCFA nécessaires pour la 2e phase estimée à 136 km. Concernant les infrastructures sportives on n’a pas bien compris le sens de la rallonge de 55, 16 milliards sollicitée pas l’Etat du Cameroun pour boucler le stade d’Olembe. Toujours est-il que le budget initial des infrastructures de la Can 2021 a pratiquement triplé alors même que le Cameroun n’est toujours pas prêt après moult reports et à 9 mois du début de la compétition sportive phare du continent. Où est donc passé l’argent ?
Le ministre Motaze qui s’exprimait au cours d’une rencontre avec les banquiers à Douala en février 2021 a aussi évoqué la riposte au Covid 19 qui aurait mobilisé 45 milliards de Fcfa. Mais on sait aujourd’hui que la gestion des fonds Covid au Cameroun est entachée de lourds soupçons de corruption qui ont conduit le président de la République à ordonner une enquête judiciaire sur la question. Parallèlement, même s’il est évident que la guerre contre Boko Haram et le conflit dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest imposent au pays des dépenses sécuritaires depuis 2013, l’orientation des ressources mobilisées et les choix stratégiques d’investissement restent sujets à caution.
Des Investissements peu rentables
Que l’on se comprenne bien. L’endettement en soi n’est pas une mauvaise chose. Il est même un indicateur de la vitalité économique d’un pays qui se reflète à travers ce que les experts appellent sa signature. Ne dit-on pas souvent qu’on ne prête qu’aux riches ? La question n’est donc pas le pourquoi on s’endette mais le comment on s’endette. D’où le concept « d’endettement utile » utilisé par le ministre de la Communication du Shadow Cabinet du Social Democratic Front(SDF). « L’endettement utile consiste à contracter des dettes auprès des bailleurs de fonds pour permettre à l’État d’être un État investisseur qui emprunte pour investir et rembourser rapidement cette dette avec la plus-value dégagée. Et que le peuple constate de luimême à terme le capital engrangé du fait de cette dette. Ce qui importe, c’est l’efficacité de la dette par rapport à son impact dans l’économie. Si par contre, le peuple ne sait pas à quoi a servi une dette, il y a lieu de s’interroger voire de s’inquiéter », écrit Jean Robert Waffo. Dans le cas du Cameroun, on observe justement une multiplication d’éléphants blancs, de barrages qui ont engloutit des milliards sans jamais produire le moindre Mégawats, des routes bitumés dur le papier mais jamais réceptionnées.
Des milliards…en fumée. Au final, c’est même l’expertise gouvernementale sur la question de la dette qui peut être remise en question quand on considère le lot d’approximations qui jalonne sa méthode.
Des crédits non consommés
Des exemples affluent qui démontrent de l’incapacité du gouvernement camerounais à consommer les crédits qu’il sollicite auprès de divers bailleurs de fonds. Le 12 avril 2021, le ministre camerounais de l’Économie, Alamine Ousmane Mey, a signé avec Hani Salem Sonbol, le directeur général de la Société internationale islamique de financement du commerce (ITFC), filiale du groupe de la Banque islamique de développement (BID), un accord de financement triennal d’un montant total de 750 millions de dollars, soit 413,3 milliards de FCFA. Le Hic : Le Cameroun contracte ce nouveau prêt alors qu’il peine à consommer des financements antérieurs mis à sa disposition par la BID.
Au 31 décembre 2020, la Caisse autonome d’amortissement (CAA), le gestionnaire de la dette publique du pays, évaluait les soldes engagés et non décaissés (SEND’s) avec ce partenaire financier à 313,8 milliards de FCFA pour un encours de la dette de 206,9 milliards. Autre exemple, faute de n’avoir pas pu réaliser la 6e et dernière revue de son programme avec le Fonds monétaire international (FMI), le Cameroun a perdu un financement de 45 milliards de FCFA, apprend-on d’un rapport de l’institution de Bretton Woods publié le 9 avril.
In Camer be