(BFI) – S’il est indispensable de réfléchir aux grandes problématiques de l’agriculture en Afrique, qui font l’objet de débats sans fin depuis de nombreuses années, avec des allocations de fonds publics internationaux importantes, mais qui trouvent encore peu de débouchés concrets, il apparait aujourd’hui tout aussi indispensable de réfléchir à accélérer la réussite de ceux qui sont déjà dans la course…
De la lecture de la dernière conférence des chefs d’Etats européens et africains, tenue à Paris la semaine dernière, sur les financements des économies du continent post-Covid, il ressort que les solutions envisagées semblent vouloir s’extraire des schémas classiques.
Au-delà de l’aide publique aux Etats, sûrement nécessaire, mais dont l’efficacité reste après de nombreuses années encore à démontrer, la question suivante se pose : faut-il réduire la dette actuelle, peut-être l’annuler pour revenir ensuite sur les mêmes schémas d’endettement ? On voit bien que cette approche est largement insuffisante, face aux multiples besoins de l’Afrique, car elle laisse de côté un des acteurs fondamentaux et historiques de la croissance économique de l’Afrique depuis de nombreuses années : le secteur privé.
Dans cette optique, le secteur de l’agroalimentaire est probablement un de ceux qui méritent une attention prioritaire, compte tenu de l’importance des besoins des consommateurs finaux et de l’importance de la population, impliquée tout au long de la chaîne de valeurs.
S’il est indispensable de réfléchir aux grandes problématiques de l’agriculture en Afrique, qui font l’objet de débats sans fin depuis de nombreuses années, avec des allocations de fonds publics internationaux importantes, mais qui trouvent encore peu de débouchés concrets, il apparait aujourd’hui tout aussi indispensable de réfléchir à accélérer la réussite de ceux qui sont déjà dans la course.
La visite du président français, en fin de ce mois en Afrique du Sud, va ainsi permettre au gouvernement français, je l’espère, de comprendre le potentiel significatif de l’Afrique australe et orientale. Les conditions naturelles, les infrastructures, la circulation facile entre producteurs et consommateurs finaux, l’effervescence des marchés locaux et régionaux, et une distribution moderne en font autant de conditions pour se lancer sous le drapeau tricolore à l’assaut de ces marchés. Cette visite sera peut-être aussi l’occasion de découvrir deux composantes de la stratégie sud-africaine sur le continent et dont il faudrait s’inspirer, qui sont l’investissement au-delà de leur frontière comme source de croissance de leurs entreprises, et le choix de se focaliser sur quelques secteurs performants dont ils possèdent les clés, dont le secteur agroalimentaire.
La recherche du financement n’est qu’une partie de ce qui constitue l’essentiel de la nature de l’investissement dans ce domaine. Dans ce secteur justement, la région regorge d’acteurs déjà intégrés dans le cycle vertueux « Production -Transformation- Distribution ». Ces mêmes acteurs réussissent grâce à la formation de leurs dirigeants, un accès aux nouveaux marchés, une attention donnée au transfert de technologie, et l’intégration des « small scale farmers » dans la chaîne de valeur. Ce sont autant de facteurs de croissance qui s’alignent avec les exigences du moment : révolution énergétique, inclusivité, prise en compte des nouvelles donnes environnementales… Sur ces derniers aspects, à l’aune de mon expérience sur le terrain et celle de mes équipes, je suis toujours surpris que les acteurs de l’agroalimentaire dans cette région d’Afrique aient déjà intégré dans leurs opérations quotidiennes une partie de cette nouvelle donne. Encore une fois, cette région doit nous servir d’exemple quant à l’approche à adopter en terme d’agribusiness.
Mais nous ne sommes pas les seuls à s’intéresser à ce secteur. Sur les 150 opportunités d’investissement répertoriées sur les salles de marché sur l’investissement en Afrique d’Asoko Insight, près de la moitié concerne l’agriculture. L’agroalimentaire demeure un secteur stratégique et fondamental pour l’envol économique du continent africain et parmi les toutes priorités des Etats.
Les grands opérateurs français de l’agroalimentaire, dont nos grandes coopératives sont une de ses colonnes, devraient ainsi se saisir de cette opportunité pour être les acteurs de cette stratégie d’investissement. Au-delà des capitaux qu’elles peuvent apporter, leur savoir-faire est autant un accélérateur de création de valeur mutuel au travers de ces nouveaux partenariats capitalistiques.
Pour cette nouvelle coopération France – Afrique australe et orientale, de nouveaux modèles financiers doivent également être inventés. L’industrie du private equity a démontré son efficacité pour propulser l’investissement dans de nombreux secteurs, mais commence à trouver ses limites, notamment par son horizon d’investissement dans le temps et sa recherche souvent exclusive de retour en « cash ». L’activité agroalimentaire se situe dans un temps plus long. les partenariats financiers avec les partenaires locaux doivent se structurer beaucoup plus sur la création de valeur, au bénéfice des deux parties.
Par Henri de Villeneuve est actif dans la région Afrique australe et orientale depuis de nombreuses années, en accompagnant des investisseurs au travers de sa société COBASA. Il est en phase de montage d’un evergreen fund « SAPA », assisté par une équipe de professionnels aux profils très variés, dédié aux investissements dans l’agroalimentaire dans cette partie du continent.