(BFI) – La crise sanitaire du COVID-19 frappe de plein fouet notre pays. Avec un peu plus de 2000 cas officiels d’infections et près de 70 morts, le Cameroun se dirige sûrement vers une catastrophe sanitaire. La levée inconséquente des restrictions des mouvements des citoyens dans un pays avec une faible culture de la responsabilité individuelle et collective va certainement augmenter le nombre de contaminations, de la mortalité et la surcharge de notre système de soins déjà mal équipé et mal préparé à la gestion de cette crise.
Mais le pire est à venir: La crise économique pointe déjà à nos portes. Le gouvernement voyant les nuages s’amonceler sur sa tête à dû abandonner sa stratégie de lutte contre le coronavirus qui était basé non pas sur le confinement mais sur la régulation sociale, afin de « freiner » la progression de l’épidémie tout en protégeant notre fragile tissu économique.
Mais en six semaines, le mal était déjà fait. Les PMEs grandes pourvoyeuses des recettes fiscales et des emplois, étaient presque toute au bord de l’apoplexie. Comme dans un cercle vicieux, pour essayer de les réanimer, le PM vient de décider de faire une quasi pause fiscale de 03 mois. Bouffée d’air qui va néanmoins favoriser la baisse des recette de L’Etat, qui aura du mal à faire face à des dépenses courantes d’investissement et de fonctionnement (construction de routes, hôpitaux, écoles, salaires des fonctionnaires, etc.. ).
Pour ne rien arranger, la dette publique, évaluée à 8 424 milliards, soit 37,3% du PIB reste un poids asphyxiant pour l’économie camerounaise. Le service de la dette (budget alloué annuellement pour rembourser la dette du pays) représente 720 milliards en 2020. Une somme qui aurait pu servir à répondre aux besoins sanitaires, sociaux et économiques de cette crise.
En rappel, un pays efface sa dette par quatre moyens : la croissance, le remboursement par les emprunteurs, la spoliation des préteurs, et la guerre ou une pandémie.
1. La croissance, même accompagnée d’une inflation modérée, est la meilleure solution. Quand cette croissance est robuste et qu’elle créé assez de richesses, la dette est facilement remboursée. Le plan Marshall européen au secours de la seconde guerre mondiale en est une illustration.
2. Le remboursement, volontaire ou forcé, par les emprunteurs (c’est à dire les contribuables), suppose plus d’impôts et moins de dépenses publiques, qu’on nomme « austérité ». Cela s’est déjà vu lors des plans d’ajustements structurels (PAS) imposés par les institutions de Bretton Woods aux pays africains dont le Cameroun au début des années 90. C’est une méthode économiquement absurde, puisque cela entrave paradoxalement toute perspective de croissance et détruit le tissu social des pays.
3. La guerre ou la pandémie, si vous gagnez une guerre le pays vaincu lors des traités de paix va s’engager à payer toutes les réparations du pays vainqueur. En cas de difficulté, le pays vaincu est parfois contraint de céder une partie du territoire au pays vainqueur pour effacer sa dette. Le payement financier de dette de guerre peut parfois s’étaler sur plusieurs décennies du fait des intérêts de la dette qu’elle génère. Jusqu’aujourd’hui l’Allemagne paye toujours les dettes issues de ses défaites des 1ere et seconde guerre mondiale face aux « pays alliés ».
Quant aux pandémies, le pays mis en cause peut être emmené à payer la note salée. Sur le COVID19 par exemple, certains pays occidentaux à l’instar de l’Allemagne ont déjà apprêté la facture qu’elles enverront à la Chine si l’origine artificielle de la pandémie y était prouvée. Dans grandes batailles sanitaro-diplomatico-juridiques sont à prévoir dans les semaines à venir.
4. La spoliation des préteurs, elle suppose l’annulation des dettes publiques. Elle est régulièrement pratiquée dans les pays émergents et des pays d’Afrique. Le Cameroun avait par exemple bénéficié lors du point d’achèvement de l’initiative PPTE en 2006, d’un allègement de sa dette à hauteur de près de 1400 milliards de FCFA.
A l’époque les autorités en charge de ce dossier, dont l’ancien ministre des finances et du Budget, Henri Engoulou, s’étaient montré exemplaires. Le dossier du Cameroun était passé presque comme une lettre à la poste.
A l’occasion de cette épidémie, les autorités financières actuelles ont une fois de plus, comme tous les pays africains frappés par la crise, déposé le dossier du Cameroun au FMI pour faire un peu souffler le service de la dette. Et alors que tous les pays comme la Sénégal ou la Cote d’ivoire ont pu bénéficier de la part du FMI des décisions positives pour combattre cette pandémie chez eux, le dossier du Cameroun n’a même pas été examiné ! En dehors d’une preuve supplémentaire de l’incompétence, c’est une honte internationale que nos dirigeants viennent encore de nous faire subir, quelques mois après les « glissements » de CAN et de CHAN.
Tous les voyants sont donc au rouge. La crise économique déjà installée va s’enraciner plus profondément. Les entreprises vont de plus en plus faire face aux difficultés de trésorerie, voire faire faillite, malgré des mesures de soutiens tardifs et insuffisants. Le chômage va grimper, l’inflation risque d’exploser et des crises sociales vont apparaître pour se superposer et aggraver les crises politiques préexistantes.
J’en appelle donc solennellement le Président de la république, à se réveiller de son profond sommeil et de se départir de sa légendaire nonchalance pour prendre le taureau par les cornes et piloter lui-même la gestion de cette crise, s’il en a encore les capacités. Dans une situation de guerre sanitaire et économique, le pays ne peut plus continuer à être géré en mode pilotage automatique ou abandonné aux seules mains du ministre de la santé, visiblement dépassé par les événements. M. le président de la république, cette même façon de gouverner nous a déjà coûté 4 ans de guerre civile dans la partie anglophone du pays. Ressaisissez-vous! Vos derniers espoirs de sortir par une porte honorable à la tête de notre pays que vous avez servi depuis des décennies, passent par la gestion sans casses importantes de cette crise sanitaire et économique.
Face à l’abandon des dirigeants, j’appelle le peuple à plus de responsabilité individuelle et collective dans les mesures de prévention face au COVID19. Les images et échos des premiers jours de la levée des mesures de restrictions des mouvements des citoyens sont assez inquiétants. Ne vous transformez pas en victimes expiatoires de l’incompétence des dirigeants actuels.
Bientôt avec vous, nous signerons ensemble un nouveau contrat social pour renforcer le devoir de responsabilité et d’exemplarité des personnes qui conduisent les affaires du pays.
Soyez mobilisés sur le plan sanitaire et résilients sur plan économique et social.
Tenez bon! Bientôt nous pourrons vivre dans un Cameroun qui protège et qui libère les énergies.
Cabral LIbII LI NGUE, homme politique, Député et Secrétaire général de l’Assemblée nationale du Cameroun