(BFI) – Le 15 août prochain, Dangote Group commencera à vendre directement de l’essence et du diesel aux stations-service, industriels, transporteurs et opérateurs télécoms, sans passer par les circuits habituels de distribution. L’objectif visé est de maîtriser toute la chaîne de valeur, du raffinage jusqu’au client final, et reprendre la main sur le levier prix, alors que l’opinion s’interroge sur l’impact réel de l’usine sur le coût du carburant à la pompe.
Techniquement, au-delà du raffinage, Dangote prendra désormais en charge l’acheminement de ses produits grâce à un parc logistique inédit dans le pays. Quelque 4 000 camions neufs, tous alimentés au gaz naturel comprimé (GNC), seront déployés à travers le pays. Cette démarche vise à réduire la dépendance aux transporteurs tiers, dont les tarifs élevés et les contraintes pèsent sur le prix final. Le recours au GNC permet aussi de maîtriser les coûts d’exploitation, tout en s’inscrivant dans une dynamique de transition énergétique.
Pour accompagner cette flotte, plus d’une centaine de stations de ravitaillement seront construites, assurant ainsi une autonomie totale du dispositif. Cette maîtrise complète de la logistique permet à Dangote d’éliminer une grande partie des coûts qui nuisaient jusqu’ici à la compétitivité de son carburant, malgré sa production locale.
Rappelons que le prix du GNC au Nigeria est de 0,14 $ le litre, contre 0,55 $ le litre pour l’essence.
Par ailleurs, un système d’achat avec crédit est mis en place pour les gros clients. Ceux qui achètent au moins 500 000 litres pourront bénéficier, sous garantie bancaire, d’une facilité de crédit portant sur un volume équivalent, valable pendant deux semaines. Le but est de fidéliser ces clients stratégiques en allégeant leurs contraintes de trésorerie.
Cette intégration répond à la critique principale adressée à la raffinerie, qui est son incapacité à faire baisser sensiblement les prix du carburant. En contrôlant logistique et distribution, Dangote supprime les intermédiaires qui grèvent les marges et complexifient la chaîne. Une manière de défendre son projet industriel et de démontrer qu’il peut répondre aux attentes économiques et sociales.
Ce mouvement suscite l’inquiétude des distributeurs traditionnels qui dénoncent une volonté d’hégémonie. « D’un seul coup, il essaie de nous éliminer », a déclaré Billy Gillis Harry, responsable de l’association des propriétaires de points de vente au détail de produits pétroliers du Nigeria (PETROAN).
Mais en verrouillant raffinage, transport et vente, Dangote impose désormais ses règles. Ce que les autres acteurs de l’aval ont longtemps craint. Le futur dépendra de la capacité du régulateur à concilier la préservation de la concurrence avec le soutien à la dynamique industrielle dans un marché nigérian en profonde transformation.