(BFI) – Covid-19 ! Ce terme, inconnu du grand public il y a quelques mois, hante et gangrène désormais notre quotidien sans nous accorder le moindre répit depuis le début de l’année. L’absence totale de compétence médicale de ma part me garde de toute projection relative à ce que pourrait être le bilan sanitaire de ce fléau sur les populations africaines.
Toutefois, plus de sept ans d’expérience professionnelle en Afrique me conduisent à penser que cette crise impactera durablement et sensiblement la situation économique et sociale au sud du Sahara. Rappelons tout d’abord qu’avec 54 pays, plus de 30 millions de kilomètres carrés, des régimes où les alternances démocratiques se confirment avec force et d’autres où elles peinent à voir le jour, l’Afrique est loin de constituer une masse homogène. Ainsi, d’un point de vue économique, de très fortes disparités peuvent être soulignées.
A titre exemple :
– l’endettement, symbolisé par le ratio « dette / PIB », du Mozambique et du Soudan dépasse très largement les 100 %, alors qu’il se situe à moins de 25 % au Nigéria et en RD Congo.
– si le secteur du tourisme représente 25 % du produit intérieur brut au Cap Vert, il éprouve les pires difficultés à se hisser au-delà des 3 % au Bénin.
En conséquence, tenter d’anticiper de manière globale les incidences du coronavirus sur les économies d’Afrique noire me semble constituer une grave erreur d’appréciation. Pour ce qui concerne les pays riches en matières premières, je dois avouer que mon sentiment oscille entre grande crainte et espoir démesuré. En effet, leur économie se caractérise principalement par une sensibilité très forte aux chocs exogènes et leurs recettes budgétaires restent fortement corrélées à la fluctuation des cours des produits de base.
Tel est le cas, notamment, du Congo-Kinshasa pour lequel :
• Plus des 90 % des exportations sont constituées par des matières premières non transformées sur place (cuivre et cobalt en particulier). Cette statistique démontre la grande faiblesse de la production manufacturière locale.
• 40% de ces exportations prennent la direction de la Chine, dont la demande pourrait accuser un sévère ralentissement à court et moyen terme.
Par ailleurs, les vagues de licenciements, qui menacent de déferler prochainement sur les pays occidentaux, pourraient freiner drastiquement les transferts de fonds (estimés à près de 50 milliards de dollars par an) réalisés par la diaspora vers les pays d’origine. Les conséquences sociales de ce phénomène pourraient s’avérer dramatiques car l’utilisation de ces sommes (dont le montant excède l’aide publique au développement) permet principalement de satisfaire à des besoins de la vie quotidienne (médicaments, logement, nourriture et scolarisation des enfants…). « Dos au mur », ces nations pourraient être dans l’obligation de faire aboutir rapidement des plans d’actions visant à promouvoir la transformation locale et à stimuler les échanges « intra-africains » qui, aujourd’hui, ne représentent que 15 % du commerce du continent (contre plus de 55 % en Asie et 70 % au sein de l’Union Européenne).
A ce propos, la mise en place de la «ZLECA» (accord de libre-échange, ratifié par plus de 25 pays africains et opérationnel en juillet prochain), pourrait être source de diversification économique et de création d’emplois substantielle. Nous partageons tous le sentiment que plus rien ne sera jamais comme avant et là réside peut-être la bonne nouvelle… Ne nous y trompons pas, beaucoup de nations subsahariennes sont à un tournant de leur histoire. Les africains eux-mêmes doivent trouver les ressources nécessaires, ainsi que le courage suffisant, pour transformer l’adversité en une opportunité unique de changer de modèle de développement. «Produisons davantage et cessons la dépendance vis à vis de l’extérieur » telle doit être, dès demain, notre priorité absolue !
Par Christian Kazumba possède 15 ans d’expérience professionnelle à des postes de Direction, dont 7 au Maroc, au Burkina Faso, au Mali et au Togo. Il est aujourd’hui l’un des Dirigeants d’un cabinet de conseil aux investisseurs implanté en RD Congo.