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Comment l’Afrique se positionne « dans le nouvel ordre pétrolier mondial »

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(BFI) – Sans verser dans une analyse prospective pour l’année en cours, nous allons au regard d’une analyse de la situation actuelle dans le secteur pétrolier et gazier africain et dans le monde, mettre en évidence les tendances observées en 2019 et leur évolution pour 2020, voir les opportunités et les principaux défis, ainsi que leur impact sur l’avenir du développement énergétique et économique de l’Afrique.

Depuis quelques années, le monde et l’Afrique avec, assistent impuissants à un bouleversement du marché du pétrole. L’on se rappelle que depuis le début de l’ère moderne du pétrole dans les années 1860, le prix du baril a toujours obéi au libre jeu des forces du marché. C’est ce qui d’ailleurs constitue la caractéristique fondamentale de l’ancien ordre pétrolier mondial.

De l’ancien vers un nouvel ordre pétrolier mondial

Cet ordre plus tard régulé (depuis 1960) par l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) est caractérisé par une stabilité des prix du pétrole, les quotas de production établis par l’OPEP et les capacités de production excédentaires permettant au cartel de stabiliser les prix du brut. Cet ordre a pris fin entre 2001 et 2002, et depuis, le monde en général et les pays africains en particulier vivent une situation inédite, caractérisée par la domination de la géopolitique par rapport aux fondamentaux du marché (offre et demande), une volatilité des prix sans précédent, l’essor des Compagnies Pétrolières Nationales (qui contrôlent 75 à 80% des réserves mondiales), une crise de confiance entre les gros producteurs, l’avènement en Amérique des hydrocarbures dits non-conventionnels, les exigences de la communauté internationale sur les questions environnementales,… Cette perte d’influence des fondamentaux du marché qui caractérisaient le désormais ancien ordre, symbolise avec l’avènement de nouveaux déterminants, le passage à un nouvel ordre pétrolier mondial. Il faut donc intégrer que le prix du pétrole, et ses fluctuations, proviennent de l’addition de l’analyse de trois déterminants qui sont: la situation de l’offre pétrolière, la tendance de l’économie mondiale, et l’apport des nouvelles technologies énergétiques ainsi que les aléas géopolitiques (tensions, conflits, sanctions…).

Sans se verser donc dans une analyse prospective pour l’année en cours, nous allons au regard d’une analyse de la situation actuelle dans le secteur pétrolier et gazier africain et dans le monde, mettre en évidence les tendances observées en 2019 et leur évolution pour 2020, voir les opportunités et les principaux défis, ainsi que leur impact sur l’avenir du développement énergétique et économique de l’Afrique.

Comment s’est achevée l’année 2019 ?

L’année 2019 a été marquée surtout par de nombreuses tensions géopolitiques, les rebondissements concernant le commerce entre les Etats-Unis et la Chine, la hausse de la production des hydrocarbures de schiste américains et les inquiétudes sur un ralentissement de la croissance mondiale. Ce dernier point a été illustré par la demande de pétrole qui a été, cette année, la plus faible en presque une décennie. Point d’orgue de 2019, une attaque sur des installations pétrolières saoudiennes à la mi-septembre a réduit de moitié la production du pays, faisant bondir les cours de presque 15% en une seule journée. Un mouvement qui n’avait pas été observé depuis une dizaine d’années. Toutes ces situations avaient concouru à une relative baisse des prix du baril du pétrole. Alors, coincés entre croissance mondiale morose, stocks de pétrole abondants et cours toujours fragiles, l’OPEP et ses partenaires, vont d’un cran supplémentaire dans leur réduction d’offre de brut pour soutenir les prix.

Comment s’annonce l’année 2020 ?

« L’année 2020 sera celle des hydrocarbures, c’est-à-dire le pétrole, le gaz et le charbon. Les trois représentent actuellement 80% des sources d’énergies globales, alors que les énergies renouvelables, le nucléaire et l’énergie de la biomasse se contentent des 20% restants, selon l’Agence Internationale de l’Energie (AIE) », dans son World Energy Outlook 2019 (WEO) publié en novembre 2019.

Parmi ces trois ressources, c’est le pétrole qui est le plus prisé ; et comme nous l’avons ci-dessus mentionné, c’est combiné à de nombreux autres facteurs. Bien qu’il soit possible de mesurer les facteurs fondamentaux et de suivre leurs changements, il est impossible de prévoir de façon cohérente les événements mondiaux et la géopolitique, même s’ils se prêtent à des prévisions à long terme, d’ailleurs souvent erronées. Ainsi, nous pouvons aller dans la logique d’existence d’un certain nombre de facteurs et d’événements mondiaux potentiellement clés que les acteurs du secteur du pétrole doivent surveiller en 2020. Ces facteurs et événements pourraient avoir un impact significatif sur les marchés pétroliers, autrement sur les prix du baril de pétrole.

Risques géopolitiques

Au moment où les tensions se résorbent quelque peu entre la Chine et les États-Unis, elles s’enveniment en ce début d’année entre le Président Donald Trump et l’Iran. En effet, la nouvelle année a commencé dramatiquement avec l’assassinat du Général iranien Qassem Soleimani, suivi de très près de l’accident d’un avion ukrainien abattu par un tir de missile iranien. Les risques d’une escalade militaire entre l’Iran et les Etats-Unis ont en effet beaucoup plané, au point où le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en mars -référence européenne- a momentanément franchi la barre des 70 dollars. Toutefois, s’il arrive qu’un conflit armé éclate véritablement entre les deux pays, l’impact sur les prix serait extrêmement important. Si les regards se tournent principalement du côté des soubresauts au Moyen-Orient, les cours ont aussi été largement influencés ces derniers mois par les perspectives de croissance au niveau mondial et les rapports tendus entre Pékin et Washington.

Si les choses s’arrangent avec la Chine, les États-Unis tourneront certainement leurs canons vers l’Europe, pour combler le déficit commercial avec le vieux continent.

L’incertitude au niveau de l’OPEP+

Les pays membres de l’OPEP et les 10 non-membres de l’OPEP, menés par la Russie, devraient poursuivre la réduction de la production de pétrole, de fin mars 2020 à la fin de l’année. En effet, face aux menaces des Etats-Unis de produire plus de pétrole en 2020 et vu les perspectives selon lesquelles les stocks mondiaux risquent de connaître une hausse record, l’OPEP et ses alliés -dont la Russie- ont convenu, le 6 Décembre 2019, lors de la 7e réunion ministérielle de l’OPEP+ d’un accord de réduction de leur production de 503.000 b/j supplémentaires afin de soutenir les cours du brut. Cette nouvelle coupe a ainsi porté à 1,7 Mb/j la réduction de la production de l’OPEP et ses partenaires. Et ce, si tous les signataires de l’accord du 6 Décembre 2019 respectent leurs engagements. A ausculter de près, il subsiste un très sérieux motif d’inquiétude. En effet, ce front commun de l’OPEP et de la Russie, communément appelé OPEP+, qui modéraient l’offre pétrolière depuis 3 ans, pourrait éclater en cette année 2020. Même si la Russie vient d’accepter de prolonger l’accord de limitation de la production du 6 décembre 2019 et d’approfondir ses réductions de production pour le premier trimestre 2020 ; le ministre russe du pétrole, Alexander Novak, de déclarer à la télévision russe que 2020 pourrait être le bon moment pour réévaluer la participation de la Russie à l’accord de réduction de la production et éventuellement mettre fin à sa coopération avec l’OPEP…. A ce niveau donc, l’on peut présager une année 2020 pleine d’incertitudes, particulièrement au cours du deuxième semestre.

La situation énergétique de la Chine et les hydrocarbures de schiste américains

Depuis 2015, la Chine a fréquemment augmenté son stock de sécurité en pétrole brut et produits pétroliers. Ce fort appétit énergétique de la Chine a permis d’éviter un fort déséquilibre du marché mondial. Mais l’année 2020 s’annonce sous les signes d’un ralentissement de la croissance économique de la Chine. Il est possible que le gouvernement chinois décide d’arrêter la construction des réservoirs de pétrole supplémentaires et de réduire les importations, en raison du ralentissement économique, mais aussi afin de libérer des fonds pour d’autres mesures de stimulation économique. L’apparition très récente du coronavirus fait courir de gros risques sur toutes activités dans le pays.

Aussi, les hydrocarbures de schiste ont fait des États-Unis un acteur central sur les marchés pétroliers et l’évolution de la production américaine va encore être suivie avec beaucoup plus d’attention en 2020. Déjà, en ce début d’année, les Etats-Unis confirment leur nouveau statut de superpuissance énergétique, pour avoir dépassé les 13 Mb/j, un niveau qu’ils n’avaient plus atteint depuis 40 ans. Globalement, la production de pétrole de schiste serait 15% moins élevée que ce qui était prévu, du fait des difficultés rencontrées. Dans son scénario « Stated Policies », l’AIE estime que la croissance de la production américaine va certes ralentir par rapport au rythme  »effréné » des dernières années mais que le pays pourrait toutefois compter pour 85% de la hausse de la production mondiale de pétrole et pour 30% de celle de gaz naturel d’ici à 2030. Ce qui n’est pas favorable à une augmentation substantielle des prix du baril de pétrole.

Sur le front africain

Au vu de la situation économique mondiale morose avec une probable baisse des prix du baril de pétrole, il y a lieu de faire un long regard rétrospectif sur l’Afrique. Il en ressort que les dysfonctionnements que connaît l’Afrique résultent essentiellement des processus économiques en vigueur depuis fort longtemps, et portant sur les dérives des politiques de captation des ressources naturelles. En 2019, le continent africain a vu la découverte de plusieurs gisements de pétrole et de gaz naturel de classe mondiale, l’arrivée de nouveaux investissements ainsi que de nouveaux acteurs locaux, et ouvert la porte à de réjouissantes perspectives pour les prochaines années. Mais, malgré ses abondantes ressources pétrolières, l’Afrique demeure un acteur passif dans les cercles des grandes décisions sur l’échiquier pétrolier mondial.

Pris dans son ensemble, le continent pèse pour plus de 13% de la production mondiale et peut être autant pour ses réserves prouvées.

L’isolement du Continent, mais aussi le déficit de gouvernance ont fait que l’industrie pétrolière africaine soit confrontée à la volatilité des prix, l’incertitude réglementaire, l’instabilité politique, la corruption, ainsi qu’à des problèmes d’infrastructures. Cette situation quelque peu pérenne impacte négativement le développement économique et social des pays producteurs. Du point de vue des investissements, l’année 2019 a été caractérisée par le lancement et la poursuite de nouveaux projets dans l’amont pétrolier. Ainsi, on verra l’avancement de nouveaux projets d’exploration et de production en Afrique de l’Ouest (Sénégal, Mauritanie, Niger, Nigeria,…), en Afrique de l’Est (Kenya, Mozambique,….), en Afrique Centrale (Angola, Cameroun, Congo, Gabon, Guinée équatoriale,…), etc… Des mégaprojets de gaz africains sont également présents sur les côtes Ouest et Est du continent.

Dans l’aval pétrolier, c’est le projet de construction au Nigéria d’une raffinerie de pétrole d’une capacité de 650.000 barils/jour par Aliko Dangote qui retient l’attention.

Tout l’enjeu pour les pays africains producteurs de pétrole est de trouver les voies d’une croissance inclusive, profitant à l’économie mais aussi et surtout aux populations. Pour cela, il faut lever plusieurs hypothèques : améliorer la gouvernance, s’attaquer à la corruption, promouvoir l’intégration économique, mais aussi chercher à obtenir de meilleures conditions d’exploitation de l’or noir.

Par Mahaman Laouan Gaya, Secrétaire Général de l’Organisation des Producteurs de Pétrole Africains (APPO)

Rédaction
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