(BFI) – « Le secteur a traversé des difficultés ces deux dernières années. Mais depuis la fin de l’année 2019, le gouvernement a décidé de prendre le taureau par les cornes et de s’attaquer à la résolution du déséquilibre financier du secteur ». Ce commentaire vient de la direction générale d’Eneo. Le concessionnaire du service de distribution de l’électricité au Cameroun réagit à la suite d’un virement de 45,7 milliards de FCFA reçu, il y a plusieurs semaines, de l’État via un consortium bancaire non dévoilé.
« Dans le cadre des concertations conduites par le Premier ministre, il faut saluer la décision de l’État du Cameroun de régler un premier lot de factures certifiées pour un montant total de 45 milliards de FCFA par l’émission d’obligations du Trésor assimilables (OTA) permettant l’injection d’argent frais dans le secteur », révélait le directeur général de l’entreprise contrôlée par le fonds d’investissement britannique Actis (51% des parts), Éric Mansuy, (Photo) dans une interview publiée le 11 février 2020, par le journal en ligne Énergie Médias. Promesse tenue donc.
Au 31 décembre 2019, l’énergéticien estimait le montant de ses créances cumulées à plus de 180 milliards de FCFA (dont 63 milliards de FCFA pour les seules entreprises publiques ou à capitaux publics). Après ce paiement, la direction générale de l’électricien se refuse de communiquer le nouveau stock de la dette de l’État, estimant que l’opération de certification se poursuit. « La dette a évolué de façon très positive », consent-on à indiquer. Avec « le soutien de l’État », des avancées « positives » ont également été enregistrées au niveau des impayés des entreprises publiques.
Retour de la confiance
Eneo s’est toujours appuyée sur le volume important de ses créances pour justifier ses importantes dettes fournisseurs. De 2018 à 2019, elles sont passées de 171 à 150 milliards de FCFA. Mais, cette baisse de 21 milliards sur un an n’a pas suffi à ramer la confiance dans le secteur. Au contraire, le distributeur d’électricité a été assigné en justice par Tradex, un de ses fournisseurs de combustibles, pour une créance évaluée à 52,7 milliards de FCFA en novembre 2019. Mais la tension serait en train de baisser.
Selon le communiqué interne ayant sanctionné le conseil d’administration d’Eneo, tenu le 17 juin dernier à Yaoundé, les 45,7 milliards de FCFA viré par l’État ont « contribué à commencer à rétablir la confiance dans le secteur, car les sommes ainsi levées ont servi à apurer une partie des dettes des grands intervenants dans les secteurs (Sonara, Globeleq Cameroun, SonatreL, EDC, etc.) ». « En plus, d’autres opérateurs ont accepté de négocier des moratoires ou de nouveaux échéanciers pour le règlement de leurs dettes », ajoute la direction générale d’Eneo.
« Aujourd’hui, que ce soit majoritairement avec les fournisseurs de combustible que ce soit avec les fournisseurs d’énergie comme Kribi ou Dibamba, nous sommes plutôt dans des relations très constructives en ce qui concerne les problèmes de règlement de leurs dettes. On est même dans des projets, toujours avec l’assistance du gouvernement, où de nouveaux opérateurs souhaitent entrer dans le secteur et contracter avec Eneo. Donc, de notre point de vue, on n’a pas de problème avec les fournisseurs », affirme-t-on au sein du top management du concessionnaire du service de l’électricité.
Affaire Gaz du Cameroun
Mais les choses ne sont pas aussi roses. La preuve : Gaz du Cameroun (GDC) a annoncé, en début juillet 2020, la résiliation de son contrat de fourniture de gaz naturel à Eneo, à travers la centrale thermique de Logbaba (30 MW) à Douala. La filiale du Britannique Victoria Oil & Gas (VOG), qui revendique à l’électricien l’apurement d’une ardoise de 16 millions de dollars (plus de 9 milliards de FCFA), menace même d’ester en justice.
À Eneo on se dit surpris. D’abord parce que « depuis septembre 2019, en réalité, Gaz du Cameroun ne produit plus pour Eneo ». Ensuite, « depuis plusieurs mois déjà, Eneo a invité les équipes de Gaz du Cameroun à formaliser le nouveau contrat qui devait nous lier. Et Gaz du Cameroun devait ensuite travailler avec son partenaire de production pour obtenir les licences et les autorisations pour reprendre son activité, conformément aux instructions du gouvernement ».
Évoquant des impayés accumulés par l’énergéticien, le Saoudien Altaaqa Alternative Solutions qui exploite la centrale thermique de Logbaba a arrêté les machines le 14 septembre 2019. Ce qui a provoqué aussitôt la rupture de la fourniture du combustible par GDC. À Eneo, on jure ne pas savoir à quoi correspondent les plus de 9 milliards de FCFA revendiqués par la filiale de VOG. « On a un partenaire qui n’a pas fourni de prestation, qui avait des obligations, mais ne les a pas remplies et qui réclame de l’argent. Nous-même on s’interroge », réagit le top management de l’électricien.