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« On ne peut pas copier ce qui est fait en Chine ou au Brésil pour l’appliquer en Afrique » Fadel Ndiame, Vive-Président de l’AGRA

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(BFI) – L’Alliance pour une révolution verte en Afrique (AGRA) fait face, depuis quelques années, à une pluie de critiques de la part d’organisations paysannes locales et de la société civile. Les griefs contre l’organisation portent notamment sur son approche qui « favoriserait l’intérêt des firmes agrochimiques au détriment des agriculteurs locaux ». Interrogé par l’Agence Ecofin, Fadel Ndiame, vice-président principal de l’organisation revient sur son bilan depuis sa création et répond aux différentes critiques dont elle fait l’objet.

L’Alliance pour une Révolution verte en Afrique (AGRA) est en activité sur le continent africain depuis 2006. Quel modèle d’agriculture promeut-elle ?

Je vous remercie pour cette question importante, mais permettez-moi de faire un petit rappel historique sur le contexte de création de l’AGRA. Elle a été lancée à l’initiative de l’ancien secrétaire général de l’ONU, Koffi Annan. La vision originelle de l’AGRA était de contribuer à l’avènement d’une Afrique capable de se nourrir grâce à des gains considérables de productivité de son agriculture parce que ce secteur occupe la majorité de la population et reste essentiellement de type familial avec de petites exploitations.

Cela veut dire que si on arrive à faire des progrès significatifs dans ce segment, cela aura beaucoup plus de chance d’impacter le développement économique et social. L’idée à la base de la création de l’AGRA était que la première « révolution agricole » qui est une métaphore évoquant une transformation agricole grâce aux gains de productivité tirés par les innovations technologiques, n’avait pas réussi en Afrique. La révolution s’est matérialisée par la mise en œuvre d’innovations sur les plans technologique et institutionnel qui ont permis de booster la productivité agricole en Asie, dans des pays comme la Chine et l’Inde, et en Amérique latine, au Brésil notamment. Ces bonds qualitatifs dans l’amélioration de la productivité agricole sur un nombre limité de cultures (mais, riz et blé) ne se sont pas matérialisés en Afrique, parce que le continent est beaucoup plus vaste, et plus diversifié en matière d’agroécologie, de systèmes de cultures et de productions. Par conséquent, il n’était pas possible d’adopter une formule passe-partout de transfert de technologies sur le continent africain. Ce dont parlait Koffi Annan, c’était donc une « Révolution verte uniquement africaine ». Cela veut dire qu’on ne peut pas copier ce qui est fait en Chine ou au Brésil pour l’appliquer en Afrique.

C’est plutôt de travailler avec les chercheurs africains et les producteurs africains pour mettre au point des procédés d’amélioration des technologies qui sont spécifiques aux conditions agroécologiques. C’est en fonction du type de sol, de la culture et du savoir-faire des producteurs, que les opportunités d’améliorations de la productivité de l’agriculture africaine sont identifiées.

AGRA a donc fait des investissements significatifs dans le développement institutionnel, et la formation de chercheurs africains pour s’assurer qu’il y a une capacité nationale de concevoir des technologies qui soient adaptées, et de s’assurer de la durabilité des impacts. Des centaines de techniciens ont été formés à tous les niveaux dans la science des sols, la gestion de la fertilité des sols, la génétique, l’amélioration végétale, la vulgarisation, la gestion des pertes post-récoltes et la formulation des politiques. C’est sur cela que nous avons travaillé sur nos dix premières années.

« Des centaines de techniciens ont été formés à tous les niveaux dans la science des sols, la gestion de la fertilité des sols, la génétique, l’amélioration végétale, la vulgarisation, la gestion des pertes post-récoltes et la formulation des politiques. »

AGRA est présent aujourd’hui dans 14 pays en Afrique. Dans la partie Ouest, nous venons d’intégrer le Togo, la Côte d’Ivoire, en plus du Mali, le Burkina Faso, le Ghana, le Nigeria. En Afrique de l’Est, nous sommes en Tanzanie, au Kenya, au Rwanda, en Ethiopie, et en Afrique australe nous sommes au Malawi et au Mozambique et on a récemment intégré la Zambie. La vocation de l’AGRA est d’accompagner les politiques agricoles des pays pour avoir une approche cohérente dans l’agriculture. Le grand problème de l’agriculture africaine est le manque de soutien. Elle a été mise en concurrence inégale avec des importations parce que les produits importés arrivent de manière beaucoup moins chère dans nos pays par rapport aux produits locaux. Nous collaborons avec les gouvernements dans le cadre du Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine (PDDAA) pour mettre en œuvre des politiques agricoles compatibles avec l’agriculture familiale. Nous aidons concrètement les gouvernements à concevoir à partir de leur vision des plans d’investissements dans lesquels ils priorisent des programmes qui ont un impact inclusif sur la majorité des populations. On a un certain nombre de programmes avec les gouvernements. Mais la partie la plus importante du travail de l’AGRA est le dispositif d’appui de proximité, de mise à la disposition des producteurs des informations, du savoir-faire et des technologies dont elles ont besoin pour améliorer leurs productions et leurs conditions de vie. Ce travail est fait à travers les ONG (locales pour la plupart), coopératives de petits producteurs, petites et moyennes entreprises qui deviennent des cadres d’agrégation qui permettent de mettre à la disposition des autres producteurs, à la fois les intrants et le savoir-faire, mais aussi de faciliter la commercialisation de leurs produits. Nous soutenons aussi la société civile pour qu’elle s’organise pour avoir voix au chapitre, représenter le point de vue de leurs membres et participer aux discussions sur l’élaboration et la mise en œuvre des politiques agricoles.

Certains pointent du doigt le fait que l’AGRA voudrait introduire en Afrique le type d’agriculture à forte intensité d’intrants. Que répondez-vous à cela ?

Dans tous les pays au monde, l’agriculture a évolué parce que les producteurs ont réussi à améliorer leurs systèmes et procédés de production en tenant compte de leur contexte agroécologique, économique et social. Ce qu’on doit savoir c’est que l’agriculture est un art, mais aussi une science. Si vous plantez sur une terre, ce que vous obtenez dépend de la fertilité du sol, de la qualité des semences et du savoir-faire dont on dispose. Le sol vit. Je vous invite à voir les projets que nous avons déployés en Afrique de l’Ouest (au Mali, au Ghana, au Nigeria et au Burkina Faso) ; en Afrique de l’Est (Ethiopie, Tanzanie, Kenya, Rwanda) et en Afrique australe (Malawi et Mozambique). Nous avons utilisé une approche de Gestion intégrée de la fertilité des sols (GIFS). Pour chaque localité, on fait une analyse détaillée de la situation du sol, une évaluation des types de réponses adéquats pour continuer à produire sans épuiser le sol. L’information est ensuite fournie aux producteurs qui optent pour les technologies de leur choix en tenant compte du coût et de l’impact sur la productivité et de la fertilité durable de leur sol. J’entends l’argument qui prétend que l’AGRA a été créée pour poursuivre l’intérêt des firmes étrangères. Mais les pays africains ont signé la Déclaration d’Abuja [sur l’intensification de l’agriculture en 2006, NDLR] qui vise à augmenter l’usage des engrais, condition nécessaire pour augmenter la productivité et la sécurité alimentaire sur le continent. L’Afrique consacre beaucoup de ressources pour importer de la nourriture ; des montants qui auraient pu bénéficier aux exploitants africains.

Les estimations actuelles des sommes consacrées aux importations sont de l’ordre de 35 milliards de dollars avec une estimation de 110 milliards en 2050. On ne peut pas continuer à produire et à épuiser le sol sans remettre les nutriments dont l’apport se fait à partir de l’engrais organique et minéral. C’est une combinaison spécifique qui doit être faite en fonction de la structure des sols et des objectifs de rendement.

Il faut avoir une vision réaliste du profil du producteur d’aujourd’hui. Les producteurs savent que les conditions de production actuelles sont différentes de ce que faisaient les grands-parents. Ceux-ci profitaient de la disponibilité de terres pour gérer la fertilité grâce à la jachère et la rotation des cultures et cela marchait bien. Aujourd’hui, la pression démographique est forte et la plupart des producteurs n’arrivent pas à faire la jachère, et dans beaucoup de terroirs on constate un divorce progressif entre l’agriculture, l’élevage et l’arboriculture. Par ailleurs, la quantité de l’engrais organique requise (sous forme de fumure organique ou autre) est importante et très souvent inaccessible, d’où la nécessité de combiner avec l’engrais minéral spécifique. Il faut par exemple environ 2 tonnes de matière sèche de biomasse de légumineuses de haute qualité pour seulement produire une tonne de maïs.

Quid de l’argument de dépendance des producteurs locaux par rapport aux semences commerciales ?

Tout d’abord, il faut noter qu’aucun pays au monde n’a développé son agriculture sans l’amélioration de ses technologies et procédés de production. Par exemple, si vous avez des variétés qui ont 60 ans d’âge, ce qui est courant en Afrique, on a une érosion de la productivité parce que les conditions climatiques ont évolué. Quant à l’argument selon lequel l’AGRA force les producteurs à acheter les semences produites à l’étranger, il ne tient pas la route. Les producteurs sont tout à fait autonomes et prennent leurs propres décisions en matière de cultures ainsi que l’adoption des technologies.

En ce qui concerne les semences recommandées par AGRA, elles proviennent des travaux de recherche des différents instituts et d’amélioration que les chercheurs et producteurs africains effectuent eux-mêmes à partir des recherches conventionnelles. Ces variétés améliorées mises au point par les chercheurs nationaux et des centres internationaux de recherche (CGIAR) sont mises à la disposition des producteurs par les compagnies semencières nationales qui investissent dans leur multiplication et distribution jusque dans les zones les plus reculées du pays. L’une des compagnies avec laquelle nous travaillons est Faso Kaba au Mali, appartenant à une femme très dynamique. Il y a environ 82 compagnies semencières similaires à Faso Kaba et plus de 3000 boutiques d’intrants à travers les différents pays où AGRA travaille, qui accompagnent les petits producteurs en leur rendant des services techniques et économiques. Il faudra multiplier et renforcer ces dispositifs d’entrepreneuriat rural pour les femmes et les jeunes ruraux, pour continuer à soutenir la production, la transformation et la distribution de vivres, surtout dans un contexte de crises multiples qui affectent l’agriculture sur le continent. C’est à cette tâche qu’AGRA et ses partenaires sont en train de se consacrer, en tenant compte des leçons tirées de l’expérience de 14 ans dans l’appui à l’amélioration et la transformation qualitative de l’agriculture familiale en Afrique.

« Il y a en Afrique environ 100 millions de familles paysannes. »

Au terme de 14 années d’opération, combien de producteurs ont bénéficié directement et indirectement des interventions de l’AGRA ?

Il faut savoir, qu’en plus de notre rigoureux système de suivi-évaluation, nous faisons des évaluations indépendantes régulières, pour faire le suivi de nos objectifs et des résultats obtenus. Ces résultats et enseignements tirés de ces évaluations informent nos plans et programmes de travail. Si nous avons par exemple une stratégie sur 5 ans, nous avons les évaluations à mi-parcours et aussi à la fin du plan. L’agriculture africaine est essentiellement pluviale. Donc, une mauvaise pluviométrie peut compromettre les résultats de programmes mis en œuvre. Typiquement, il faut trois saisons pour mesurer les impacts des innovations induites en termes d’adoption par les producteurs et des résultats tangibles.

Dans chaque programme que nous faisons, il y a un système d’information qui permet de savoir avec qui le projet travaille, les résultats des investissements et nous recevons aussi des feed-back. Nous avons investi dans des conseillers villageois, à travers tous les pays où nous avons travaillé, en concertation avec les services de vulgarisation des ministères de l’Agriculture, pour contribuer à combler le nombre limité des vulgarisateurs. Nous ne sommes pas sur le terrain nous-mêmes pour planter ou faire des formations. Nous travaillons avec des structures locales, les agents de vulgarisation, les organisations paysannes, les services étatiques et le secteur privé. Les résultats enregistrés pendant la période 2006-2016 ont créé les conditions techniques et l’écologie institutionnelle de soutien aux producteurs dans la durée. Nous avons notamment contribué à la formation de 106 docteurs en sélection variétale, à l’appui de 112 compagnies semencières, à la production de 602 736 tonnes de semences, à la formation de 873 328 producteurs en gestion des pertes post-récoltes et en vente structurée des produits et à la création de 817 centres d’agrégation.

Par exemple, notre programme de fertilité des sols, à lui seul a, entre 2007 et 2016, formé près de 6 millions de producteurs sur la gestion intégrée de la fertilité des sols, et actuellement plus de 2 millions continuent d’appliquer ces pratiques sur environ 2 millions d’hectares à travers les pays.

Pour le plan stratégique que nous gérons pour la période 2017-2021, l’objectif est de toucher 30 millions de familles paysannes, dont 9 millions, directement par nos interventions et 21 millions de façon indirecte à travers les partenariats que nous avons avec le gouvernement et les autres acteurs. Pour la période 2017-2020, nous avons touché 8,4 millions de familles paysannes, directement, et 12 millions de familles paysannes, de manière indirecte. En plus de ce bilan d’étape, des évaluations plus complètes seront menées à la fin du plan stratégique en cours qui prend fin en 2021. En résumé, AGRA est donc en train de faire des progrès réels par rapport à son mandat et à ses objectifs de départ, mais des défis majeurs persistent. Il y a en Afrique environ 100 millions de familles paysannes. Si on arrive à aider les personnes les plus fragiles, on peut contribuer à la transformation inclusive. Cependant, toucher les producteurs est très difficile. Ce n’est pas un aveu d’impuissance, mais de réalisme. Les petits producteurs par définition sont dispersés et désagrégés, ce qui fait que les coûts de transactions sont considérables. Personne ne pourra aller dans tous les villages de l’Afrique, mais on peut aider les gouvernements à améliorer les politiques et permettre au secteur privé de nouer des liens commerciaux avec les petits producteurs qui vont dans le sens des objectifs de réduction de la pauvreté.

Je dois vous dire d’emblée que c’est un travail complexe et qui requiert des efforts concertés dans la durée. AGRA ne peut pas revendiquer être la cause des résultats positifs enregistrés, mais nous pensons y avoir contribué. Nous ne pouvons, non plus, être tenus pour responsables des manques de performance et des revers enregistrés, parce qu’il y a plusieurs facteurs, notamment climatiques, d’attaques et de maladies, d’insécurité, etc. Aucune structure de financement ne vous donnera des ressources pour travailler si vous n’êtes pas en mesure de montrer l’impact de votre travail. Aucun gouvernement africain ne permettra à quelqu’un de venir faire un travail, mobiliser des ressources pour un travail qui n’a aucun résultat. Cela n’est possible nulle part. Il y a des liens sur notre site vers des études indépendantes, y compris vers des articles très critiques sur les approches que nous déployons. Nous n’avons pas la science exacte. Nous avons fait des erreurs et appris beaucoup de choses. Nous nous positionnons par conséquent comme une organisation qui sait apprendre.

L’objectif était de doubler la productivité des cultures et les revenus des ménages à l’horizon 2020. Quelles sont les avancées de l’AGRA dans cette optique?

Pour être honnête avec vous, le revenu des familles est complexe à évaluer. Par exemple, avant de commencer à travailler dans les pays, nous faisons un état des lieux pour savoir quel est le niveau de productivité au démarrage pour pouvoir faire un bilan vers la fin des opérations.

Ce que nous avons pu établir de manière univoque, c’est que quand la qualité du sol, le savoir-faire du producteur, et un matériel végétal de qualité sont réunis, des exploitants ont doublé leurs rendements.

Dans le même temps, lorsque la production augmente grâce à de bonnes pluies et que tous les producteurs amènent leur récolte au marché, les prix baissent. C’est pour dire que même si vous réussissez à augmenter les rendements, les conditions macroéconomiques liées à l’inflation et à la politique d’importation peuvent déterminer si le revenu augmentera ou non. Personne ne peut vous garantir qu’on va doubler le revenu. Nous contribuons et nous voulons contribuer à l’amélioration des revenus des producteurs. Mais cela ne veut pas dire que c’est l’AGRA seul qui cause l’amélioration des rendements ou des revenus. Nous créons les conditions pour que cela arrive. En tant que tel, notre redevabilité n’est pas en rapport à l’impact final. Elle est par rapport à notre stratégie, au plan mis en œuvre pour atteindre les progrès. Il n’y a pas un lien de causalité dans nos interventions, mais plutôt un lien de contribution.

Quelles sont les réalisations de l’AGRA sur le plan de la réduction de l’insécurité alimentaire en Afrique ?

Notre approche est de travailler avec les producteurs dans les cultures importantes identifiées par les gouvernements et par les producteurs eux-mêmes pour leur propre sécurité alimentaire. Si on va par exemple dans un pays où les gens mangent du foufou, on fait de la banane plantain. Les cultures sont complètement déterminées par les producteurs en fonction de leurs propres objectifs et de leurs réalités.

Ce que nous faisons c’est nous assurer qu’ils disposent d’un panier de produits nutritifs. On ne fait pas forcément l’apologie d’une culture par rapport à une autre. Par exemple, nous ne travaillons pas sur les filières qui sont déjà bien structurées comme le coton, le café, bien que cela rapporte aux producteurs. Nous focalisons nos efforts sur les chaînes de valeur qui sont les plus faibles et qui sont pourtant importantes pour la sécurité alimentaire.

Selon les chiffres officiels, il y a eu réduction de la malnutrition et de la pauvreté de l’ordre de 7,22 % à travers le continent entre 2006 et 2018. Dans les pays où nous sommes actifs, ce pourcentage a été de 10,6 %. Dans certains pays, nous avons eu des gains. Mais je ne peux pas attribuer le crédit de cette amélioration à l’AGRA. Cela veut dire que dans ces pays où nous avons travaillé, nous avons également bénéficié des effets des gouvernements qui ont créé des conditions favorables à la petite production. L’autre tendance lourde est la question de l’adoption des technologies. Les producteurs sont raisonnables. Si vous présentez aux producteurs un outil qui marche, ils le prennent, mais décident par eux-mêmes. Parfois, l’adoption ne se traduit pas forcément par l’amélioration du résultat final parce qu’il y a d’autres facteurs défavorables comme le climat. C’est pourquoi le résultat le plus important est l’amélioration des savoir-faire des producteurs et les choix qui leur sont proposés.

« Nous nous positionnons par conséquent comme une organisation qui sait apprendre ».

L’AGRA organise depuis déjà une décennie, le Forum pour une révolution verte en Afrique (AGRF). Quel est le montant des investissements mobilisés jusqu’ici et comment ont-ils été investis pour toucher les producteurs ?

Le fait de créer l’AGRF est une illustration de la coalition que nous voulons représenter. C’est reconnaître que les progrès de l’agriculture dépendent des actions des gouvernements, du secteur privé, des producteurs et des bailleurs de fonds. Depuis sa création il y a 10 ans, l’AGRF fournit une plateforme pour que ceux-ci discutent. Durant l’édition de 2019, il y a eu 15 gouvernements et 120 compagnies. Nous avons eu des engagements d’investissements d’au moins 200 millions de dollars. Il s’agit de transactions privées donc je ne peux pas vous dire combien ont abouti. Il faut que les gens reviennent durant l’AGRF pour qu’on leur demande exactement, à ceux qui ont pris des engagements, ce qui s’est passé. Nous essayons de suivre cela pour savoir combien d’annonces se traduisent sur le terrain. Même si les gens font l’annonce, il faut vérifier si les conditions de faisabilité sur les plans technique, financier et économique sont remplies. Donc si l’annonce est faite aujourd’hui, la conclusion peut se faire après un an ou parfois plus longtemps, en fonction de la négociation. Nous sommes totalement redevables pour rendre cette information disponible. L’AGRA est une plateforme publique où les discussions se font de manière transparente et nous faisons le suivi et rendons des comptes régulièrement. Tous les projets doivent être inclusifs. Donc, nous ne faisons rien qui ne bénéficie pas directement aux petits producteurs, rien qui ne donne la priorité aux jeunes et aux femmes. La réalité des changements liés aux climats, aux régimes économiques et aux marchés, est telle que nous devons consacrer beaucoup d’attention à la résilience.

L’une des critiques faites à l’endroit d’AGRA est la « forte » implication de la Fondation Bill and Melinda Gates (BMGF) dans le financement de l’institution. Ce qui pourrait influencer. Que répondez-vous à ces craintes ?

Je peux vous dire que le travail de l’AGRA est soutenu par une coalition de partenaires. Nos principaux partenaires sont les Etats africains qui offrent des conditions très favorables pour travailler, y compris des possibilités de faire certaines opérations hors-taxes. C’est la première contribution. Les fondations comme Rockefeller et la BMGF contribuent. Mais historiquement, le premier contributeur est Rockefeller et ensuite la BMGF est venue.

Certes, les fondations contribuent de manière significative et nous les remercions de leur contribution appréciable, mais elles ne sont pas les seules et nous nous sommes attelés à diversifier nos sources de financement. On travaille avec l’Allemagne, l’USAID, le Canada ou encore avec la Fondation Mastercard, etc. Notre financement est toujours lié à un plan stratégique. Le budget d’AGRA pour le plan 2017-2021 en cours a été chiffré pour 500 millions de dollars pour toucher 30 millions de familles, dont 9 millions, directement et 21 millions indirectement dans les 11 pays. Ces chiffres correspondent à l’évaluation financière du plan stratégique, mais cela ne veut pas dire que c’est le montant mobilisé. Il nous reste encore une année et demie et nous ferons une évaluation rigoureuse du montant mobilisé et de l’utilisation. Nous sommes audités chaque année par des firmes indépendantes. Donc, nous sommes obligés de divulguer le montant des ressources que nous utilisons.

Quelle est la position de l’AGRA sur l’agroécologie ?

L’agroécologie appliquée à l’agriculture préconise l’appui à des exploitations familiales diversifiées, gérées de manière intégrée, sur la base du savoir-faire des producteurs, en mesure de tirer profit des interactions positives entre différentes ressources naturelles. Elle implique une faible utilisation d’intrants, dans des conditions où les éléments naturels de croissance permettent une production accrue de manière durable. L’approche reconnaît que la santé de l’activité agricole dépend de l’interaction entre la terre, l’eau, les arbres, l’élevage, de sorte qu’il faut une approche intégrée pour gérer le capital écologique. Sous ce rapport, les principes de l’agroécologie sont fondamentaux pour la durabilité et la pérennisation des systèmes de production en Afrique. En tant que tel, l’AGRA est totalement acquise à cela et a déjà mis en œuvre des projets au Kenya.

Mais dans la réalité, il y a des limites liées à la mise en œuvre de ces principes. Les paysans ont du bon sens et du savoir-faire. Ils savent que le fumier améliore la structure du sol quand il pleut. L’idée d’opposer ce que nous faisons à l’agroécologie n’a pas de sens. C’est un principe auquel tout agriculteur souscrit. Mais il faut savoir que par exemple, le riz importé ne peut pas être concurrencé en appliquant les principes de l’agroécologie. Je sais que l’agroécologie a des avantages, mais il faut qu’on se donne les moyens de nos ambitions.

Ce qui est en jeu ici c’est avoir une agriculture durable et la meilleure manière d’y arriver est de s’assurer que les producteurs africains obtiennent leur juste part du revenu généré par l’agriculture pour leur permettre de réinvestir dans leurs patrimoines fonciers.

Je pense que nous avons tout intérêt à gérer notre patrimoine agroécologique, mais il ne faut pas qu’on sous-estime le problème. Ce n’est pas un jeu à somme nulle. Ce n’est pas l’un ou l’autre. La meilleure manière de gérer l’agroécologie c’est de limiter la déforestation. Les exploitants abattent les arbres parce qu’ils veulent compenser les pertes de rendement en faisant des grandes surfaces. La meilleure réponse est de s’assurer que sur une petite surface, vous avez produit suffisamment.

Mais, il faut aussi mettre à leur disposition, les avancées de la technologie et de la science. Pourquoi est-ce que l’Afrique serait le seul continent à ne pas profiter des avantages de la science et les technologies développées dans l’agriculture alors que les autres nous vendent leurs surplus et même viennent en aide à l’Afrique, en cas de détresse, par des dons en vivres ?

Agence Ecofin

Rédaction
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Média multi-support édité par l’Agence Rhéma Service, cabinet de communication et de stratégie basé à Douala, Business & Finance International regroupe des partenaires internationaux issus du monde des médias, des affaires et de la politique, mus par la volonté de fournir une information vraie, crédible et exploitable pour un investissement sûr en Afrique.

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