(BFI) – Sauvée de la faillite par une injection française et néerlandaise de 10 milliards d’euros, Air France Air KLM peut reprendre ses vols sur le continent africain dès le 3 juin prochain pour une montée en altitude programmée à partir du 15 juin.
La PDG de la compagnie, Anne-Marie Couderc, qui a obtenu une rallonge budgétaire sous forme d’avance des actionnaires (4 milliards d’euros), de prêts bancaires (4 milliards d’euros garantis à 90% par l’Etat français) et de concours de l’Etat néerlandais, a une visibilité radar de 18 mois.
Air France peut compter sur le soutien des pouvoirs publics. “Nous voulons à tout prix préserver la compagnie aérienne qui est un fleuron industriel français“, annonçait le ministre français des Finances, Bruno le Maire, dès le 8 avril, s’alignant sur une norme mondiale. L’Amérique a débloqué 50 milliards de dollars pour sauver ses compagnies aériennes. Pendant ce temps, où en est-on en Afrique ?
L’exemple d’Air Mauritius
Les petits porte-drapeaux nationaux (comme Air Côte d’Ivoire*, filiale de Air France, qui a mis son personnel en congé depuis fin mars, Rwandair*, en pourparlers avec Qatar Airways et qui a réduit de 65% des salaires de son personnel, Air Sénégal qui a perdu 20 milliards de Franc CFA de chiffre d’affaires depuis mars, Air Burkina en pertes sèches depuis avril et en négociation avec l’américain African Global Development pour une reprise partielle, Mauritania Airlines, qui a mis son personnel en congé depuis avril) survivront-ils à la crise en préservant leurs indépendances ?
Ces compagnies asphyxiées suivront-elles Air Mauritius, sur le point de sceller une alliance capitalistique avec le géant Ethiopian Airlines, pourtant lui-même privé de 550 millions de dollars de revenus entre le 1er janvier et le 23 avril dernier ? Le leader continental, qui mise sur le fret pour contenir les pertes a signé un juteux contrat d’acheminement de médicaments avec le Programme Alimentaire Mondial. La compagnie des plateaux profite de la crise du coronavirus pour étendre son influence sur le continent, tout en négociant, sur un autre plan, sa survie avec la conclusion d’un moratoire auprès de ses fournisseurs (rééchelonnement de 2 milliards de dollars, conséquence d’une commande record de 111 avions entre 2017 et 2018), et en cherchant à augmenter son activité fret de 15 à 40% de ses revenus habituels.
Ethiopian Airlines maintient ses objectifs
Parallèlement à cette activité intense, le CEO de Ethiopians Airlines, Tewolde GebreMariam, a ouvert des discussions avec South African Airways placée sous administration provisoire et à la recherche d’un partenaire technique, voire d’un repreneur. Engagée dans une stratégie 2025 visant de faire d’elle la première compagnie aérienne d’Afrique, Ethiopians Airlines, déjà actionnaire de référence de la compagnie ouest-africaine Asky et de Malawian Airways, avait acquis 45% de la Zambia Airways en 2018 et poursuit des discussions pour la remise à flot de Ghana Airways. La compagnie qui dessert directement 106 destinations dans le monde pourrait perdre 1 milliard de dollars sur l’année fiscale qui termine en juin 2020, ce qui ne l’empêche pas de rester optimiste, considérant cette crise comme l’occasion de faire des achats à prix soldés.
Aux antipodes du dynamisme d’Ethiopian Airways, la rivale Kenya Airways, qui était en compétition féroce pour le contrat fret de PAM, poursuit sa descente aux enfers en coupant de 80% les salaires de son staff. Re-nationalisée en juillet 2019 après une privatisation qui remonte à il y a 23 ans, la compagnie kenyane n’a toujours pas trouvé la bonne formule.
Sur la partie Nord- du continent, la crise de coronavirus frappe aussi les transporteurs aériens. La Royal Air Maroc, avec 60 appareils cloués au sol, a été contrainte de proposer, fin mars, des «formules d’arrêt» à son personnel, l’invitant à «contribuer à l’effort engagé par la compagnie pour traverser cette période de crise». Une situation analogue à celle de Tunisair qui a perdu 150 millions de Dinars (52 millions de dollars) depuis le mois de mars mais ne dispose pas de grande visibilité. Pour sa part, Air Algérie négocie en ce moment des ponctions de salaires de 30 à 50% mais devra, à terme, trouver un plan de sortie de déconfinement à l’instar de ses consoeurs.
En clair, la période post-covid pourrait signer la disparition des compagnies nationales au profit de la création de mastodontes régionales. C’est sans doute une bonne nouvelle pour les passagers sur les lignes aériennes africaines, les plus chères au monde.
Programmes des vols de Air France sur l’Afrique
Voici le programme de reprise d’Air France. La Côte d’Ivoire et le Benin seront les premiers à être desservis, le 3 juin 2020. Il s’agit des vols en direction d’Abidjan avec escale à Cotonou. Un seul vol est prévu dans la semaine du 3 au 11 juin. Les vols directs sur Abidjan et Cotonou, eux, reprendront le 15 juin, avec une fréquence de 4 vols par semaine.
A partir du 15 juin, la compagnie monte en régime avec, à cette date, les vols sur Conakry (Guinée) via Nouakchott (Mauritanie), à une fréquence de 2 liaisons par semaine. Mais aussi sur Lomé (Togo), avec escale à Niamey (Niger) à raison de 3 vols par semaine. Le 15 juin est aussi la date de reprise pour les vols directs sur le Cameroun (destination Yaoundé puis Douala). D’autres vols sont programmés pour le 16 juin 2020. Trois vols directs sont ainsi annoncés pour Bangui (Centrafrique – un vol par semaine), Dakar (Sénégal – 4 vols par semaine) et Lomé (Togo – un vol par semaine).
C’est aussi le 16 mai que reprendront les départs sur Abidjan (Côte d’Ivoire), avec escale à Bamako (Mali – 4 vols par semaine), ainsi que les vols sur Brazzaville (Congo avec escale à Kinshassa en RDC – 4 départs par semaine). Les vols en direction de Kinshassa via Bazzaville, sont annoncés, eux, pour le 19 juin 2020. L Les vols directs sur Djibouti, reprennent quant à eux, le 19 juin (avec 1 vol par semaine). Libreville au Gabon, commencera à être desservi à partir du 21 juin 2020, avec une fréquence de 4 vols par semaine.
Notes
* Air Côte d’Ivoire, créée en 2012 après la faillite d’Air Ivoire, est détenue à 58% par l’Etat ivoirien, à 23% par le groupe privé ivoirien Goldenrod, à 11% par Air France et à 8% par la Banque ouest-africaine de développement.
*Rwandair a été créée en décembre 2002 sous le nom de RwandAir Express, à la suite de la faillite d’Alliance Express (filiale du groupe sud Africain Alliance Air). Elle est détenue à 77 % par l’Etat rwandais et à 23 % par sa filiale cargo, Silverback Freighters.