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Le maintien de la paix dans le monde en 2024 : Mission impossible ?

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Cette dynamique ininterrompue de violence dure depuis pratiquement une décennie, et cela n’est guère rassurant. En effet sur les dix dernières années, tout commence à peu près en février 2014, à la suite de la révolution Ukrainienne. On peut malheureusement constater que depuis lors, pas grand-chose n’a changé. Car l’on a eu le temps de voir ce conflit Russo-Ukrainien s’intensifier, et assister à d’autres conflits au Soudan, au Mali, en République Centrafricaine, et depuis peu dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas. Toutefois, il est à regretter quelques contrastes observés dans la mise en place de mesures visant à préserver la paix, portant certaines voix autorisées à parler de l’existence d’un véritable « deux poids, deux mesures ». L’impartialité des organisations de maintien de la paix (à caractère régional etc.) étant parfois remise en question, cet état de choses ouvre le débat sur la solidité des dispositifs de prévention des conflits et de maintien de la paix en général, et légitime toute réflexion portant sur l’efficacité des mesures prises jusqu’à date.

Au regard de ce contexte, y a-t-il des raisons d’envisager 2024 sous le prisme du retour à la paix ? Comment en est-on arrivés là ? Y a-t-il de quoi être optimiste pour la suite ? Sommes-nous témoin de la fin d’un cycle qui appelle des transformations majeures ?

Telles sont quelques interrogations que suscite la situation politique mondiale actuelle.

Car l’on a eu le temps de voir ce conflit Russo-Ukrainien s’intensifier, et assister à d’autres conflits au Soudan, au Mali, en République Centrafricaine, et depuis peu dans la bande de Gaza entre Israël et le Hamas

Une décennie de conflits et controverses

Depuis 2012 l’état malien fait face à une insurrection des groupes salafistes et indépendantistes pro-Azawad. Bien que puisant ses sources dans l’histoire même du pays (rébellions touarègues), ce conflit s’est davantage intensifié non seulement en raison de la montée de l’extrémisme violent (avec l’arrivée d’al-Qaïda au Maghreb islamique), mais également compte tenu de divers maux internes au Mali (corruption…etc.). La gravité de ce conflit a justifié la mise en place d’une mission Onusienne, comme composante principale de l’intervention militaire au Mali. Il s’agit de la mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (MINUSMA),   dont paradoxalement le retrait accéléré des troupes et du personnel civil a été demandé par le pouvoir malien au plus tard le 31 Décembre 2023. Ainsi 3 276 membres du personnel en uniforme (2 680 membres de la Force de la MINUSMA et 596 membres de la Police des Nations Unies) ont été rapatriés, et cela ne peut être qu’un échec dans la volonté de stabiliser le Mali.

Cette spirale de violence s’est également étendue à l’Afrique centrale, où la prolifération des groupes armés se livrant à des trafics de matières premières, contribue à entretenir des affrontements réguliers qui paralysent la République Centrafricaine. Selon Jean-Arnold de Clermont dans son article Surmonter la crise en Centrafrique, la situation dans ce pays c’est : « 600 000 déplacés intérieurs, 100 000 départs volontaires d’étrangers, 300 000 réfugiés au Cameroun, au Tchad et au Congo, sur une population de moins de 4,5 millions d’habitants. Nous sommes devant un désastre humanitaire que l’apaisement apparent des combats aujourd’hui masque difficilement. » Malgré les 12 000 militaires, policiers et gendarmes mobilisés dans le cadre de la   Misca (Mission internationale de soutien à la Centrafrique, sous conduite africaine), de Sangaris et de la Minusca (Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations Unies en République centrafricaine) , la paix n’est toujours pas restaurée en République Centrafricaine. Aujourd’hui si le départ de la Minusca n’a pas été demandé comme au Mali, il est clair que l’émergence de la nouvelle solution qui consiste à recourir au groupe privé de sécurité russe Wagner, est la preuve que les initiatives de médiation n’ont pas eu l’effet escompté.

Que dire de la situation du Niger où suite au coup de force du 26 juillet 2023 qui a renversé le président Mohamed Bazoum, des manifestations ont eu lieu près de la base militaire française de Niamey, exigeant le retrait de l’armée française et utilisant des slogans anti-Cédéao ? Cette dernière qui en principe devrait œuvrer pour l’apaisement via le dialogue, a plutôt ordonné l’activation immédiate de sa force en attente , alors même que le Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine rejetait toute intervention militaire au Niger.

Une activation sélective de la responsabilité de protéger ?

Les mardi 15 février et Mercredi 16 Février 2011, l’on assistait en Lybie à l’arrestation du militant des droits de l’homme, Fethi Tarbel. Cela a provoqué des émeutes et des manifestations dans la ville de Benghazi, notamment sur la place Chajara.

Le lendemain, le régime du leader d’alors le Colonel Mouammar Kadhafi, a répondu par la force faisant sept morts à Benghazi, et deux dans la ville côtière d’El-Beida. Lesdites manifestations se sont poursuivies dans les villes de Zintan, Tobrouk, Ajdabiya, faisant davantage de morts et de blessés.

Dans le cas Lybien, l’on voit comment l’ONU réagit avec célérité, en activant le principe de la responsabilité de protéger.

C’est cet état des choses qui a justifié l’activation par le conseil de sécurité des Nations Unies, du principe la responsabilité de protéger, débouchant sur l’adoption de deux résolutions.

D’abord celle dite « résolution 1970 » rappelant aux autorités libyennes leur responsabilité de protéger leur peuple (exigeant l’arrêt immédiat de la violence), et ensuite la « résolution 1973 » autorisant les États membres à prendre « toutes les mesures nécessaires » (y compris militaires) pour protéger les populations et décidant (avec le soutien de la Ligue arabe) de l’établissement d’une zone d’exclusion aérienne.

Ainsi le Samedi 19 Mars 2011 les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni lancèrent des raids aériens pour stopper les forces pro-Kadhafi qui étaient déjà aux portes de Benghazi.

Dans le cas Lybien, l’on voit comment l’ONU réagit avec célérité, en activant le principe de la responsabilité de protéger. Il s’agit d’un principe qui naît en 2001 au sein de la Commission internationale sur l’intervention et la souveraineté des États, et qui est entériné en 2005, redéfinissant ainsi la notion de souveraineté. Cette dernière intégrant désormais le devoir de protection de ses populations, tout en permettant une intervention de la communauté internationale (pour protéger) en cas d’incapacité de l’Etat concerné.

Au regard de ce qui précède, l’on est bien en droit de se demander pourquoi l’activation du principe de la responsabilité de protéger se fait attendre, dans le cas des populations palestiniennes qui subissent les frappes des forces israéliennes depuis Octobre 2023?

En effet dans ce conflit entre Israël et le Hamas, l’on compte déjà (selon le journal le monde), plus de 8 000 morts et 1,4 million de déplacés. L’armée israélienne elle-même ayant confirmé au passage avoir bombardé le plus grand camp de réfugiés dans le nord de Gaza, celui de Jabaliya où vivent 116 000 personnes. Doit-on rappeler que les frappes israéliennes auraient tué plus de 3500 enfants, poussant les Nations Unies à parler de la bande de Gaza , comme « d’un cimetière pour des milliers d’enfants ». L’état palestinien étant en défaillance manifeste dans ce cas, quelles autres conditions doivent être remplies pour protéger ces pauvres populations de ce qui s’apparente à un mélange de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre, et (pour reprendre certains chroniqueurs) de nettoyage ethnique ?

C’est une situation quasi-similaire qui a été observée au Soudan en Avril 2023, où s’affrontent les Forces de soutien rapide (FSR) du général Mohamed Hamdan Daglo, dit Hemedti, et celles du général Abdel Fattah al-Burhan. Il s’agit en fait un conflit entre l’armée au pouvoir dans le pays, et les forces paramilitaires. Le Coordonnateur humanitaire des Nations Unies au Soudan, Abdou Dieng s’exprimait au début du conflit concernant ces affrontements en ces termes : « Au moins 331 personnes ont été tuées dans tout le pays, dont cinq travailleurs humanitaires, et près de 3200 ont été blessées ». Dans la même logique le Secrétaire Général de l’ONU António Guterres n’a-t-il pas averti que ce pays s’enfonçait « dans la mort et la destruction » à une vitesse fulgurante ? En précisant par ailleurs que : « Sans un soutien international fort, le Soudan pourrait rapidement devenir un lieu d’anarchie, propageant l’insécurité dans toute la région ».

Malgré les quelques mesures prises sur les plans humanitaires et logistiques, il faut reconnaître que jusqu’ici, les pauvres populations demeurent livrées à leur triste sort. L’activation à géométrie variable du principe de la responsabilité de protéger, porte à se questionner sur l’égalité des hommes en matière de droits humains. Les cas où les institutions peinent à restaurer la paix sont légion, et prouvent plus que jamais que le monde est entré dans une nouvelle phase. L’ambiguïté des positions des institutions internationales dans les cas Russo-Ukrainien ou Israélo-palestiniens (Hamas), révèle un ensemble de controverses qui manifestement n’œuvrent pas en faveur de la paix.   Les cas Soudanais, des affrontements post-putsch au Tchad, en Guinée Conakry, au Niger, au Burkina Faso, ne font que le confirmer.

L’année nouvelle s’annonce donc sous des auspices de continuité de la violence, avec des conséquences multidimensionnelles (économiques, sociales…etc.), et il demeure sensé de voir en le maintien de la paix une mission quasi-impossible en 2024.

Par  Joseph Helmut ESSONO _ Cadre de Banque & Expert en Management de Projets

Rédaction
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