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Sommet pour un nouveau pacte financier mondial : Pertinence et Perspectives

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(BFI) – Les 22 et 23 juin 2023 à Paris au Palais Brongniart, étaient réunis une quarantaine de gouvernants du monde, mobilisés sur les thématiques de surendettement et de transition climatique. En effet il s’agissait pour ces derniers d’arriver à un nouveau consensus, permettant de déterminer des règles du jeu plus équitables, et de partager le fardeau engendré par la crise écologique actuelle. L’ambition à terme étant, de bâtir la prospérité et la sécurité pour tous les pays du monde.

Ce sommet pour un nouveau pacte financier mondial initié par le Président Macron, se voulait ainsi fondateur des réformes, visant l’avènement d’un partenariat financier plus équilibré entre les pays du Sud et ceux du Nord.

Il faut dire que cette initiative intervient dans un contexte mondial marqué non seulement par de fortes disparités du point de vue financier entre ces deux groupes de pays, mais également par une succession de crises majeures. Cela porte donc à s’interroger tant sur la raison d’être d’une telle initiative, que sur les perspectives qui peuvent s’en dégager au regard du contexte mondial actuel.

La raison d’être d’une réflexion sur un nouveau pacte financier mondial

Le monde actuel est sujet à une recrudescence de crises, qui affectent l’organisation et le fonctionnement de tous les états. Ces dernières (et particulièrement celle du COVID 19), ont eu pour conséquence de faire augmenter la dette publique dans tous les pays, faisant peser un risque élevé de surendettement pour les pays aux plus faibles revenus. L’augmentation de l’inflation s’est faite plus importante, renforçant ainsi les écarts, et compromettant l’atteinte des objectifs de réduction de la pauvreté et de préservation de la biodiversité (ODD).

Face à cette réalité mondiale, les réponses apportées par la communauté internationale sont aujourd’hui fragmentées, partielles et insuffisantes. C’est ainsi que MIA MOTTLEY, Première ministre de la Barbade affirme : « Nous appelons donc, aujourd’hui, à une révision profonde de notre logiciel. Nous devons construire, ensemble, un système financier international plus réactif, plus juste, et plus solidaire permettant de lutter contre les inégalités, de financer la transition climatique, et de nous rapprocher de l’atteinte des objectifs du développement durable».

Dans le même esprit, le président Macron dit : « Nous devons donc nous accorder conjointement sur la meilleure façon de faire face à ces défis dans les pays pauvres et les pays émergents du monde en développement, sur le montant des investissements, sur la réforme de l’ensemble des infrastructures comme la Banque mondiale, le FMI, les fonds publics et privés, et sur la manière dont il nous faut engager un nouveau processus. » Il est donc clair que cette initiative est salutaire, et est d’une pertinence évidente.

On a ainsi pu observer la participation de plus de 300 États, Organisations internationales et Représentants de la société civile, ainsi que celle d’environ 70 partenaires du secteur privé et philanthropes. A ces derniers se sont jointes pratiquement 120 ONG et coalitions d’ONG, accompagnées d’une quarantaine d’Organisations internationales, tous mobilisés autour de 6 tables rondes et 50 évènements parallèles. C’est dire toute l’importance de l’impérative construction d’un nouveau consensus, pour un système financier international plus solidaire.

De maigres avancées

A l’occasion de ce sommet de Paris, quelques « actions importantes » ont été relevées. Par exemple le Sénégal a noué un partenariat avec un groupe de pays du Nord et de banques multilatérales de développement, visant l’atteinte de 40% d’énergies renouvelables à l’horizon 2030. Ce partenariat dit pour une « transition énergétique équitable », permettra d’évoluer une décarbonation, et la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Aussi, la restructuration de la dette de la Zambie par la chine, s’inscrit dans cette même logique d’aide face au surendettement. En effet la Chine a accepté de restructurer 6.3 milliards de dollars, après une longue période de cessation de paiement Zambienne de plus de deux ans.

La Directrice de OXFAM Afrique, Fati N’zi-Hassane à ce sujet s’exprime en ces termes : « En ignorant des solutions évidentes comme l’annulation de la dette ou augmenter les impôts sur les personnes et les entreprises les plus riches, les pays du Nord réunis à ce sommet ont fait passer la cupidité de quelques-uns avant les besoins du plus grand nombre. » Si ces actions peuvent être considérées comme des avancées pour les pays bénéficiaires, elles restent tout de même assez légères pour l’ensemble de la communauté des pays vulnérables.

Ce qui par ailleurs apparaît comme un pas en avant fait dans l’intérêt des pays vulnérables, c’est par exemple cette « réflexion » désormais ouverte par la banque mondiale, quant à son intention d’intégrer une nouvelle clause à ses accords avec ces derniers. Ladite clause traitera de la suspension du paiement de dette, en cas de catastrophe naturelle. A cette réflexion s’ajoute une autre, visant davantage à mesurer les impacts de financement que les volumes de financement, sur les émissions de gaz à effet de serre. C’est dire qu’à l’occasion de ce sommet, la banque mondiale est restée au stade de réflexions. Il demeure donc une vérité de La palice, que nous sommes bien loin des objectifs fixés initialement pour ce sommet. Ces maigres avancées restent insignifiantes au regard de l’étendue du vaste chantier, de la construction d’un système financier international plus solidaire.

Le rendez-vous de Paris apparaît donc au-delà de sa pertinence évidente, comme une occasion manquée de poser les véritables bases d’un système financier international plus solidaire.

Cela amène à se questionner sur la volonté des pays du Nord à faire bouger résolument les lignes, car les relations entre les pays occidentaux et ceux du sud ont été marquées jusqu’ici par un déficit de sincérité, et parfois une volonté mal dissimulée de maintenir ces derniers dans un état de précarité financière. Cela, malgré les apparentes bonnes intentions parfois assorties de prêts, accélérant le surendettement des pays en développement.

Les Relents d’un rendez-vous manqué ou d’un nouveau marché de dupes

Il faut reconnaitre que les pays du Nord et ceux du Sud sont à des stades de développement différents, et ne poursuivent pas les mêmes ambitions. Ces différences complexifient la coopération, qui prend généralement des apparences d’accords léonins. En effet, bien qu’il soit évident que la protection des intérêts des états reste centrale dans leurs dynamiques de coopération, il demeure douloureux au Sud d’avoir le sentiment d’être toujours lésé. Entre ces deux groupes de pays, subsistent de vieilles promesses d’aides qui peinent à se concrétiser. Ainsi selon OXFAM, les besoins d’ordre climatiques et social dans les pays à revenus faibles et moyens, nécessitent la mobilisation de 27000 milliards de dollars d’ici 2030.

S’il a fallu plus d’une décennie pour finalement réunir les seulement 100 milliards, qui avaient été promis à l’occasion de la COP15 en 2009 à Copenhague, il y a de bonnes raisons de ne pas être optimiste. C’est conscient de cette réalité que Cécile Duflot, Directrice générale d’OXFAM France affirme dans un communiqué : « Les pays en développement avaient besoin que ce sommet permette de dégager des milliers de milliards de dollars. Ce qu’ils ont obtenu, c’est un recyclage de vieilles promesses non tenues et la perspective de nouveaux prêts qui pousseront les nations les plus pauvres vers un endettement désastreux. »

Les différences entre ces deux groupes de pays se situent également au niveau de la perception qu’ils ont d’une rencontre comme celle de Paris, car les états du Sud ont une approche plus pragmatique et concrète des problèmes posés, nourrie par un passé fait de quasi-tromperies et abus. Ainsi le Président Cyril Ramaphosa de l’Afrique du Sud affirme : « Les nations du Sud attendent non seulement une réforme de l’architecture financière internationale, mais aussi qu’elles se traduise par des projets pratiques concernant notamment les infrastructures. C’est à cette condition que nous, les africains, serons convaincus que cela vaut la peine de se rendre à ce genre de sommet, d’aller jusqu’en Europe et d’écouter toutes ces promesses ».

Le rendez-vous de Paris apparaît donc au-delà de sa pertinence évidente, comme une occasion manquée de poser les véritables bases d’un système financier international plus solidaire. Entre déclarations d’intentions et promesses, le sommet n’a pas à proprement parler abouti à des mesures concrètes et bénéfiques pour tous. La question de l’opérationnalisation effective de toutes les bonnes intentions avancées demeure sans réponse. La frilosité des chefs d’état quant à la question de la justice climatique, les divergences d’intérêts des acteurs autour de la question du carbone, mais également au sujet de la mobilisation des ressources par les taxes internationales sur les transactions financières, les billets d’avions ou les transports maritimes, demeurent des sujets sans véritable épilogue. Le sommet de Paris se présente davantage comme le point de départ d’un cycle de longues discussions dans les prochains jours (voir années), que comme le porteur d’un réel package de réformes prêtes à être appliquées sur le terrain. Le président Macron lui-même ne donne-t-il pas rendez-vous à ses homologues dans deux ans juste avant la COP25 prévue en Amazonie, pour dit-il apprécier l’avancée dudit « consensus » ?

En attendant 2025 le réchauffement climatique fait son chemin, pendant que les pays à faibles revenus sont livrés à eux même sur le terrain impitoyable de crises diverses.

Par : Joseph Helmut ESSONO _ Cadre de banque & Expert en Management de Projets

Rédaction
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