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Lionel Mobi (Gozem) : « notre objectif est de révolutionner et moderniser le transport urbain en Afrique »

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(BFI) – Ancien directeur des opérations du e-commerçant chez Jumia au Cameroun puis au Ghana, ce titulaire d’un Master en Supply Chain Management de l’Université catholique Saint-Jérôme de Douala est depuis juin 2021 le directeur pays de Gozem au Bénin. Investir au Cameroun l’a rencontré et il livre ici les ambitions, les écueils et les espoirs de cette start-up spécialisée dans les services financiers, de transport et de e-commerce, en prélude au lancement officiel de ses activités au Cameroun. 

Parlez-nous de Gozem et expliquez-nous dans quel segment du commerce électronique vous vous trouvez.

Gozem est une application multifonctionnelle (super App) regroupant sur une interface une série de services différents, mais connexes, notamment le transport urbain des personnes et des biens et le commerce électronique sur un modèle de livraison à la demande. De manière très concrète, grâce à la technologie, notre application met en relation trois parties prenantes essentielles. Qui sont : les conducteurs aussi appelés « champions » (Motos, tricycles et voitures), les marchands (notamment les restaurants, les épiceries et les supermarchés), et le client final, qui pourra soit se déplacer ou déplacer un colis à l’aide de la première partie prenante (les champions), ou alors commander un repas ou un article chez un de nos marchands et se faire livrer au bas de sa porte grâce à notre flotte de valeureux champions.

Vous l’avez compris, les champions sont vraiment au cœur de notre business. Et à l’aide des statistiques de leurs activités qu’on a en notre possession et de notre portefeuille électronique fermé, nous avons pu développer une troisième verticale qui est la fintech. Elle nous permet de proposer à ces champions des produits et équipements nécessaires à leurs activités (téléphones, assurance, casques, véhicules, etc.), avec des facilités de paiement sur un modèle « Work and Pay ».

Vous êtes déjà présents au Togo, au Gabon, au Bénin, et très bientôt au Cameroun. Quels sont les services que vous proposez concrètement en vue de développer le secteur du transport dans ces pays.

Comme mentionné plus haut, nos services visent d’abord à résoudre les problèmes de mobilité urbaine : nous avons aujourd’hui près de 4 000 véhicules (motos, tricycles et voitures) dans les trois pays que vous avez cités (en attendant le Cameroun). Se déplacer n’aura jamais été aussi simple qu’avec nous. Il vous suffit d’un téléphone, vous commandez votre course et un de nos champions est là dans les 5 minutes. Le prix est bas et connu d’avance (pas de discussion longue), le champion (conducteur) est passé par une formation et un KYC (Know your customer). Donc, Gozem a tout vérifié et est de ce fait capable de remonter facilement jusqu’à lui en cas de soucis, ce qui est un gage de sécurité.

Ensuite, nous nous proposons d’accélérer les échanges commerciaux électroniques. En effet, il n’est plus à démontrer que le commerce électronique va prendre une place de plus en plus importante dans les échanges commerciaux dans les années à venir. Gozem réunit trois fondamentaux (la capacité logistique, la technologie et le marketing) pour prendre part à cette expansion. En signant des partenariats avec des marchands, on complète donc ce carré de base, ce qui nous permet de nous positionner comme un acteur clé sur cette verticale. Notre objectif est de donner de nouvelles opportunités d’affaires à nos marchands partenaires et de proposer une nouvelle expérience d’achat facile et efficace à nos clients.

Enfin, nous valorisons nos champions. Tous nos champions reçoivent dès leur intégration une formation sur des modules tels que le Code de la route, le digital (utilisation de notre application et du GPS), le « Customer service », etc. Cela nous permet d’avoir des champions avec une vraie valeur ajoutée, comparé à ce qui se fait dans l’écosystème du transport urbain. Si vous ajoutez à cela les équipements de base tels que les casques (02), les téléphones smart et l’assurance, qui sont tous obligatoires pour être champion Gozem, cette valeur ajoutée est encore plus perceptible. Nous contribuons donc à formaliser un secteur dans lequel les acteurs ont longtemps été abandonnés à eux-mêmes. Nous sommes même capables, avec les données de leur activité que nous possédons, de développer une sorte de « Credit scoring », qui nous permet de financer leurs équipements. C’est ainsi qu’au Bénin, au Togo, nous avons plus de 1 500 champions, qui ont pu changer leurs véhicules grâce à notre modèle « Work and Pay ».

Malgré le taux de pénétration de l’internet et des télécommunications, la qualité de l’accès au digital demeure un défi dans ces pays. Comment parvenez-vous à surmonter cet écueil pour la réalisation de vos ambitions.

Effectivement, le développement de l’économie numérique nécessite un accès important à l’internet de qualité, ainsi qu’au support numérique (smartphone notamment). Sur l’ensemble des pays dans lesquels nous sommes, les chiffres de la pénétration d’internet sont en progression constante, d’année en année. En attendant que ces chiffres progressent davantage, nous travaillons avec les opérateurs des télécommunications pour avoir du « zero rating » sur notre application. En gros, il n’y a pas de consommation de votre forfait internet lorsque vous désirez utiliser un de nos services. Nous travaillons actuellement sur d’autres initiatives techniques encore plus avancées, pour contourner cette barrière à l’usage qui est la pénétration de l’internet.

Un autre défi est celui du cadre de la mobilité comme l’état des routes, la qualité de l’adressage. La e-mobilité dépend essentiellement de ces facteurs. Comment vous adaptez-vous dans des pays comme le Cameroun, où la largeur de la ville pénalise l’importance du réseau routier ?

Le mauvais état des routes augmente surtout les coûts opérationnels et la pénibilité de la mobilité. S’il y a de mauvaises routes, on n’a certes pas la main dessus et cela est sûrement un facteur pénalisant pour notre activité, mais nous le voyons sous un autre angle. De ce point de vue, nos solutions sont encore plus pertinentes, dans la mesure où nous réduisons les coûts opérationnels de nos champions, en agissant sur d’autres facteurs tels que l’accès aux clients sans avoir besoin de tourner dans toute la ville, ou encore l’accès aux solutions de financement pour s’équiper. Nous réduisons aussi la pénibilité de la mobilité pour nos clients avec notre ramassage au bas de la porte, les prix réduits et fixés en toute transparence, et le confort relatif de nos solutions de transport.

Enfin, l’adressage que nous utilisons est essentiellement digital, à savoir l’utilisation des cordonnés GPS. En plus de cela, nous avons mis en place des fonctionnalités telles que les « Landmark », où on recense sur une carte numérique des milliers de points connus par ville. Ces deux outils nous permettent de contourner la vaste majorité des problèmes d’adressage qu’on rencontre.

Vous travaillez personnellement sur ce projet et le développez, alors qu’aucune école ne forme techniquement pour cela au Cameroun. Pour les jeunes comme vous, quelles sont les compétences qu’il faut avoir pour être à ce niveau ?

En dehors des filières techniques (le développement web, etc.) et spécialisées (marketing digital), il faut comprendre que les métiers du numérique ne sont pas complètement séparés de leurs homologues dans les secteurs plus traditionnels. Un commercial dans le domaine de la grande distribution peu très bien devenir commercial chez Gozem Food, par exemple. Il faut juste développer quelques « Soft Skills » digitaux. Donc, je ne pense pas qu’il devrait y avoir des formations dédiées, mais plutôt des modules de formation portant sur cette nouvelle économie grandissante, afin d’accroître le champ de compétences et d’opportunités des nouveaux diplômés.

Personnellement, ça fait sept ans que je suis dans ce domaine. J’ai la chance d’occuper des postes relativement importants chez des acteurs à la pointe sur le continent, et je pense que les facteurs clés de succès dans ce domaine sont la passion et l’envie d’apprendre. Les solutions numériques sont nouvelles et les défis dans nos environnements sont nombreux. Chaque défi est une opportunité d’apprentissage, il faut des personnes passionnées, qui sont des « doers » et qui ont une obsession de réconcilier la solution technique avec les difficultés sur le terrain. Si on n’aime pas ce travail et qu’on n’est pas prêt à toujours se surpasser quand on rencontre des problèmes, on abandonnera. Car, les défis sont nombreux.

Au Cameroun, la concurrence de la modernité fait toujours peur. Dans le secteur de la mobilité, de nombreux conducteurs de mototaxis, taxis et mêmes des transporteurs clandestins dépendent de ce service. Est-ce qu’à terme il n’y a pas le risque de les évincer ?

Non, pas du tout ! Nous ne sommes pas des concurrents. Au contraire, nous accompagnons ces acteurs. Ils sont au centre du projet et pas en périphérie. Si vous lisez les 10 valeurs de Gozem, vous en verrez trois qui mettent l’accent sur l’importance du champion au sein de Gozem. C’est vrai que la nouveauté fait toujours peur. Mais, avec nous, ça ira pour le mieux. Nous travaillons à réduire les coûts opérationnels et à valoriser ces acteurs du transport urbain. Notre objectif est de révolutionner et moderniser le domaine du transport urbain en Afrique, et ça se fera avec les acteurs actuels.

De votre point de vue, quel est actuellement le plus important défi auquel votre initiative fait face ?

Un business innovant comme le nôtre a toujours comme principal adversaire le manque d’usage. Développer une solution, qui ne serait pas adoptée massivement par le marché est toujours le plus gros risque. Il n’y a pas un défi unique ou particulièrement plus important que l’autre. Mais plus globalement, il y a un ensemble de défis qui, finalement, impacteront tout l’usage. Cependant, nous sommes confiants. Des centaines de milliers de personnes utilisent déjà nos solutions, et nous faisons des acquisitions records chaque mois. Nous sommes aussi humbles, tout n’est pas parfait. C’est la raison pour laquelle nous travaillons chaque jour pour améliorer nos produits et nos process, afin d’accroitre de manière permanente notre expérience, et donc l’usage de nos services.

L’environnement des affaires est souvent présenté comme un risque majeur dans les pays africains. Quelle est votre perception, aujourd’hui, maintenant que vous avez plusieurs projets aboutis ?

Les tracasseries administratives et la corruption sont les principaux freins à l’investissement. Je pense que la digitalisation est une réponse importante à ces problèmes. Personnellement, j’ai fait de nombreux pays africains. Quand les services administratifs sont digitalisés, l’investissement est perçu comme étant plus facile et transparent. On note une accélération des procédures administratives en ligne dans beaucoup de pays africains. Donc, je pense que même si beaucoup restent à faire, on est déjà sur les bons rails.

Rédaction
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