(BFI) – Selon des informations révélées dans le communiqué ayant sanctionné la tenue, du 1er au 4 juin 2021, de la toute première session de l’année 2021 du Conseil d’administration de la SNH, le bras séculier de l’État camerounais dans l’exploration et l’exploitation pétro-gazière, « La SNH (Société nationale des hydrocarbures que dirige Adolphe Moudiki [photo], NDLR) a versé à l’État 10 milliards de FCFA de dividendes, 8,44 milliards de FCFA d’impôts sur les sociétés, ainsi que divers autres impôts et taxes chiffrés à 2,16 milliards de FCFA. Le Conseil a salué ces bons résultats, puis a approuvé les comptes de la SNH pour l’exercice 2020 ».
Pour le profane, le montant du dividende versé par cette entreprise pétrolière publique peut paraître infime, au regard des résultats de cette société d’État toujours fortement excédentaire (résultat net de 25,3 milliards de FCFA en 2019), et qui figure sans discontinuer depuis des années dans tous les classements des entreprises les plus performantes du continent. À la vérité, les concours financiers de la SNH au bénéfice du Trésor public vont bien au-delà des simples dividendes et autres impôts et taxes. Il y a plus les « transferts directs et indirects » au Trésor public et les « transferts ».
Encore appelés, « interventions directes », les « transferts indirects » sont ceux qui ont valu à la SNH son surnom de « caisse noire » de l’État. Il s’agit des dépenses de sécurité et de souveraineté que la SNH assure pour le compte de l’État camerounais, à la demande de la présidence de la République. Pour effectuer ces dépenses, apprend-on, la SNH, qui détient elle-même des actifs dans de nombreuses autres sociétés, utilise l’argent du pétrole vendu pour le compte de l’État.
Financement du BIR
Dans son édition 2016, publiée en 2019, le rapport ITIE (Initiative pour la transparence dans les industries extractives) révèle par exemple qu’en 2016 et 2017, ces « interventions directes » de la SNH se sont élevées à 383,4 milliards de FCFA. Pour la seule année 2019, elles s’élèvent à 183,7 milliards de FCFA. Généralement, une part importante de cette enveloppe sert au financement du Bataillon d’intervention rapide (BIR), unité d’élite de l’armée camerounaise qui compte près de 5 000 hommes, et qui a bénéficié des « interventions directes » de la SNH d’un montant de 109,1 milliards de FCFA en 2017, révèle le rapport ITIE.
Depuis une trentaine d’années, les bailleurs de fonds occidentaux, notamment le Fonds monétaire international (FMI), qui jugent ce mécanisme de financement des dépenses contraire aux bonnes pratiques budgétaires et de gouvernance, font pression pour que le Cameroun y mette fin. Mais, le gouvernement s’oppose, arguant notamment de « l’urgence et la sensibilité de certaines dépenses de sécurité et de souveraineté ». D’ailleurs, dans son rapport sur les entreprises publiques du Cameroun publié il y a quelques jours, le FMI s’intéresse au « cas particulier de la SNH ».
« Les relations financières entre l’État et la SNH sont particulières à bien des égards. Sur un plan institutionnel, la SNH présente la particularité d’être soumise, en application de ses statuts, à la seule tutelle technique et financière du secrétariat général de la présidence de la République », fait remarquer le FMI. Et cette institution de Bretton Woods de préciser : « le mécanisme d’intervention de la SNH n’est pas prévu par les textes en vigueur, et les dépenses payées par la SNH sont intégrées en comptabilité budgétaire à postériori, à titre de régularisation ».