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« Il y a 12 millions d’hectares de terres à restaurer » ministre de l’Environnement, de la Protection de la Nature et du Développement durable.

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Célébrer la journée mondiale de l’environnement sur le thème « Restaurer les écosystèmes ». Pour vous, Ministre en charge de l’Environnement, quelle est la portée de ce thème pour le Cameroun ?

Ce thème interpelle le Cameroun en ce sens que la question de dégradation des terres constitue une des principales préoccupations environnementales pour notre pays. En effet, au regard des études récentes, tous les écosystèmes issus des cinq zones agro écologiques du Cameroun sont touchées par cette contrainte : environ 8 millions d’hectares dans la partie soudano-sahélienne, 67 000 ha de l’écosystème des mangroves dans la zone côtière et presque 4 millions pour la zone des hautes montagnes de l’Ouest et la partie forestière. Ce qui indique un niveau de dégradation d’environ 12 millions d’hectares de paysages et de terres. Nous avons donc là toutes les raisons de croire que notre pays est fortement concerné par ce thème.

Cette célébration a pour trame de fond la restauration des écosystèmes. Comment votre département ministériel s’y prend-il, quand on sait selon diverses études que la dégradation et/ou la perte en terre des écosystèmes, notamment le couvert forestier, est assez prononcée depuis quelques années ?

Avant toute chose, permettez-moi de rappeler que l’approche adoptée par notre pays part du constat fait par le groupe de réflexion de Bonn sur les paysages qui estime à environ 2 milliards d’hectares de paysages et de terre dégradées à travers le globe. Il a donc été proposé selon d’autres études, qu’en restaurant 350 millions d’hectares de cette proportion, on pourrait générer 170 milliards de dollars US par an de bénéfices nets issus de la Restauration des Paysages Forestiers, stocker jusqu’à 1,7 gigatonne de dioxyde de carbone par année et développer des services environnementaux importants. De cette analyse est né le concept de « Bonn Challenge », qui constitue aujourd’hui le défi le plus important qui devrait positivement contribuer à la lutte contre les changements climatiques. C’est dans ce contexte qu’un engagement africain est né pour contribuer à ce challenge à travers la restauration de 100 millions d’hectares dans le cadre de l’initiative African Forest Landscape restoration (AFR100).

Le Cameroun a rejoint l’initiative en déclarant son engagement à restaurer les 12 millions d’hectares de paysages et de terres dégradés évoqués plus haut. Cela devrait nous permettre à travers un processus participatif, de contribuer à recouvrer l’intégrité écologique de nos écosystèmes et améliorer le bien-être humain. C’est sur cette base qu’on a organisé la stratégie à mettre en œuvre qui nous a permis aujourd’hui après l’élaboration d’un cadre stratégique et la conduite d’une étude faisabilité, de parvenir à la signature prochaine de deux conventions de financement pour la mise en œuvre de deux projets AFR100.

Combinés à d’autres efforts nationaux dans le cadre de la mise en œuvre du Plan d’Action National de lutte contre la désertification (PAN-LCD) et des projets développés dans d’autres secteurs, on pourra significativement bouger les lignes et créer une culture de restauration des paysages dans tout le pays.

Le Cameroun est signataire de l’Accord de Paris sur les dérèglements climatiques. Comment se passe la mise en œuvre de ces engagements au niveau de notre pays aussi bien en termes d’obligations que de soutien ?

Effectivement, le 12 décembre 2015, la communauté internationale, réunie à Paris (France) dans le cadre de la 21e Conférence des Parties (CoP21) à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques (CCNUCC). Durant cette rencontre, il était question d’adopter un accord universel pour lutter contre les changements climatiques et de s’adapter à ses conséquences par l’accélération et l’intensification des actions et des investissements nécessaires à un avenir durable et à faible intensité de carbone.

L’entrée en vigueur de l’Accord étant prévue pour 2020, la période préparatoire (2015 à 2020) devait être consacrée à la négociation sur les modalités de mise en œuvre (« Rulebook ») et à la mise en place des mécanismes préparatoires au niveau des pays parties (stratégie globale, plan d’action, système de suivi évaluation, information et implication des parties prenantes, etc.).

La finalisation du Rulebook est bloquée par l’article 6, qui traite des mécanismes de coopération dans la mise en œuvre des CDN par l’utilisation de résultats d’atténuation transférés au niveau international (RATI). Cet article prévoit le paiement d’une partie des fonds provenant d’activités des RATI aux pays en développement particulièrement vulnérables aux effets néfastes des changements climatiques, pour le financement des activités d’adaptation.

Dans sa Contribution Déterminée au niveau National (CDN), le Cameroun a pris l’engagement de réduire de 32% ses émissions de gaz à effet de serre (GES) en 2035, par rapport à un scénario de référence dans lequel, aucune intervention publique nouvelle ne vient tempérer les émissions liées au développement du Cameroun.

Compte tenu des réajustements de la vision de développement du Cameroun reflétés dans la nouvelle Stratégie Nationale de Développement 2020 -2030 (SND 30), les actions suivantes sont en cours ou projetées :

a) l’élaboration d’une stratégie de mise en œuvre de la CDN et d’un Plan d’Action Climat (PAC) qui intègreront : une planification temporelle et spatiale des actions à conduire à court, moyen et long terme ; un plan de mobilisation et de traçabilité des ressources financières (interne et externe) ; un plan de suivi et d’évaluation des interventions ; un système interactif d’informations climatiques pour faciliter la prise en compte du changement climatique dans la mise en œuvre des politiques publiques etc. ;

b) le réajustement de la CDN actuelle afin de redéfinir les priorités et les actions visant à revoir à la hausse les engagements tel que recommandé par l’Article 4 de l’Accord (en cours) ;

c) la vulgarisation du modèle économique LEDS et l’analyse de l’opportunité de son intégration dans les processus de planification de notre économie pour à terme réduire ou limiter nos émissions de gaz à effet de serre ;

d) la pleine opérationnalisation des mécanismes de coordination de la CDN, en les dotant du pouvoir nécessaire, ainsi que des moyens matériels et financiers conséquents.

Par ailleurs, il a été élaboré des documents stratégiques et identifié des projets pilotes pour soutenir nos efforts :

– la finalisation de la Stratégie Nationale de Réduction des Emissions liées à la Dégradation et à la Déforestation (SN REDD+) avec l’appui du Forest Carbon Partnership Facility (FCPF) en 2018 ;

– l’élaboration du Cadre National d’Investissement (CNI) forestier en 2019 avec l’appui du Central Africa Forest Initiative (CAFI).

– la réalisation en 2017 d’une étude approfondie des moteurs et tendances de dégradation et de déforestation dans les 05 zones agro-écologiques du Cameroun. Il en ressort que la déforestation, historiquement autour de 0,1% dans les années 2000, a connu une hausse considérable à partir de 2010 pour atteindre environ 0,23% en 2014. La forêt camerounaise couvrait environ 29 millions d’hectares en 2010 (année de référence de la CDN), elle est passée à environ 25,2 millions d’hectares en 2016 soit une baisse estimée à 3,8 millions d’hectares en six ans (630000 Ha/an). Ces résultats traduisent diminution assez rapide du couvert forestier, qui peut significativement affecter l’atteinte des objectifs des engagements pris. Toutefois, le zonage unique prévu dans le cadre de la SND 30 peut apporter une solution durable pour inverser cette tendance ;

– la conduite des consultations nationales préliminaires à la mise en place du Système d’Information et de Sauvegarde de la REDD+, ainsi que celles du secteur privé pour la participation aux activités (Agro-industries, Banques, Partenaires au développement, Exploitants forestiers, etc.) en 2019 et 2020 ;

– la réalisation de neuf (09) projets pilotes REDD+ dans les Communes de Pitoa et Lagdo (Nord), Meiganga (Adamaoua), Yoko (Centre), Bangangté, Bana et Bangou (Ouest), Tiko et Limbé 3 (Sud-Ouest) par le Programme National de Développement Participatif (PNDP) avec l’Appui des Fonds C2D de l’Agence Française de développement (AFD) entre 2017 et 2020.

Il y a quelques années, votre Ministère était très actif dans le reboisement dans la partie septentrionale du pays, notamment dans le cadre de l’Opération sahel Vert. Aujourd’hui, cette activité semble en perte de vitesse. Quelles en sont les raisons ?

Nous sommes toujours très actifs dans cette activité. Chaque année, des ressources sont inscrites dans notre budget d’investissement pour répondre aux effets de la désertification. Il se trouve que le Chef de l’Etat, son Excellence Paul BIYA, a renforcé le dispositif des charges de notre Ministère en réorganisant en 2019 le Comité Interrégional de Lutte contre la Sécheresse (CILSN) et en le plaçant sous la tutelle du MINEPDED. Cet organe a pour objet la lutte contre les effets de la sécheresse et de la désertification dans les régions de l’Adamaoua, du Nord et de l’Extrême-Nord.

Elle pourra donc progressivement contribuer à renforcer les actions menées par le projet « sahel Vert ». Compte-tenu de l’augmentation de nos charges d’investissement qui doivent désormais prendre en compte les besoins du Comité Interrégional de Lutte contre la Sécheresse (CILSN) et de l’Observatoire National sur les Changements Climatiques (ONACC), nous sommes appelés à nous adapter à ces contraintes budgétaires en réduisant les ressources d’investissement de l’ensemble de nos activités.

Cependant, notre engagement dans les initiatives AFR100 et Grande Muraille Verte pourrait à travers l’accompagnement de nos partenaires techniques et financiers améliorer notre niveau d’intervention en matière de lutte contre la désertification qui était animée jusque-là par le projet « Sahel Vert ».

L’importation et l’utilisation des emballages plastiques non biodégradables font de la résistance, alors que la croisade contre ce phénomène se fait moins visible sur le terrain. Que faire pour endiguer ce phénomène dont l’une des conséquences visibles est la pollution des drains que l’on observe dans les centres urbains ?

Il n’y a eu aucun relâchement dans notre stratégie. J’en veux pour preuve les saisies importantes et régulières effectuées par nos services. Cependant, la contrebande constitue aujourd’hui notre principal défi en ce sens que lors des saisies, nous avons constaté que c’est par ce canal qu’on enregistre la plus importante voie d’entrée des emballages plastiques sur notre territoire. A cet effet, une action renforcée avec les services des douanes a permis d’améliorer notre efficacité avec notamment la mise en place de postes de contrôle environnementaux décidés par le Premier Ministre Chef du Gouvernement. Il y a lieu aussi d’accentuer la sensibilisation des consommateurs qui sont le relais final de cette source de pollution.

Rédaction
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