(BFI) – Covid-19 oblige, 2020 a véritablement été une année de récession. Selon la Banque mondiale, en 2021, il en ira différemment pour les pays africains.
Le Covid a plongé l’Afrique dans sa première année de recession depuis 25 ans. Cela aurait pu être pire. Le dernier rapport semestriel « Africa Pulse » sur la conjoncture, publié en avril par le bureau Afrique de la Banque mondiale, précise que « l’activité économique de l’Afrique subsaharienne s’est contractée de 2 % en 2020, correspondant au niveau inférieur de la fourchette de prévisions publiée dans l’édition d’avril 2020 ». Une récession nettement moins violente que celle vécue dans nombre de pays développés. « Ces données reflètent une propagation plus lente du virus et une plus faible mortalité liée au Covid-19 dans la région, une forte croissance agricole et un redressement plus rapide que prévu des prix des produits de base », note la Banque mondiale.
Malgré ces résultats, pas si mauvais, la pauvreté s’est aggravée. Les personnes les plus vulnérables ont été particulièrement affectées, confrontées qu’elles ont été à un manque d’opportunités et à un accès inégal aux filets sociaux de sécurité.
Seconde vague plus dure
Pour 2021, l’Afrique subsaharienne devrait enregistrer une croissance entre 2,3 % et 3,4 %. Cependant, les auteurs du rapport mettent en garde : « Les prévisions du scénario de référence pour 2021 pour la région sont en partie revues à la baisse à cause d’une seconde vague d’infection du Covid-19 qui pourrait être pire que la première, en raison de l’apparition de nouveaux variants plus transmissibles. » Depuis décembre 2020, le nombre d’infections a augmenté de 40 % par rapport à la première vague, obligeant certains gouvernements à revenir à des confinements plus stricts comme en Afrique du Sud.
« L’an dernier, les pays africains ont consenti des investissements considérables pour maintenir leurs économies à flot et préserver la vie et les moyens de subsistance de leurs populations, commente Albert G. Zeufack, économiste en chef de la Banque mondiale pour l’Afrique. Afin d’intensifier ces efforts et d’ouvrir la voie à une reprise plus solide sur tout le continent, ils doivent mettre en œuvre des réformes ambitieuses qui permettront d’accompagner la création d’emplois, d’encourager une croissance équitable, de protéger les personnes vulnérables et de préserver l’environnement. »
Disparité
Tous les pays de la région ne bénéficieront pas de la même dynamique de reprise. La Côte d’Ivoire et le Kenya, pauvres en ressources minières, mais aussi le Botswana et la Guinée, dont les économies dépendent largement de l’extraction minière, devraient enregistrer un rebond solide en 2021, grâce à la reprise de la consommation et des investissements privés portés par le retour de la confiance et la hausse des exportations. En revanche, certains poids lourds de l’économie africaine peineront à redémarrer : seulement 0,9 % pour l’Angola et 1,4 % pour le Nigeria. On aurait pu s’attendre à mieux avec la remontée des cours du pétrole. L’Afrique du Sud devrait enregistrer 3 % de croissance. Sous les effets de la crise, le chômage et le sous-emploi ont explosé dans ces trois pays. Si l’inflation est restée modérée, elle s’accélère dans certains pays comme le Nigeria et l’Angola, du fait de la dépréciation de la devise et de l’augmentation des prix alimentaires. Les pays importateurs de pétrole devraient aussi subir une pression inflationniste plus forte, en lien avec la hausse des cours du baril.
La crise et la dette
Pour faire face à la crise sanitaire et économique, les pays se sont endettés. La crise qui se prolonge pose la question du financement des investissements et du poids du service de la dette. « Une aide considérable sera nécessaire pour régler les problèmes de liquidité et de solvabilité », constate la Banque mondiale. Dans ce contexte, les déficits de financement resteront un défi à relever et la prorogation de l’Initiative de suspension du service de la dette (DSSI), une évidence pour l’institution. La Banque mondiale milite pour un allégement du fardeau de la dette qui permettrait de dégager des ressources publiques pour investir notamment dans l’éducation, la santé et les infrastructures.
Opportunités numériques…
« L’économie numérique s’est avérée être d’une importance capitale pour assurer la poursuite des activités des gouvernements, des affaires et de la société dans la région à un moment où étaient mises en place des mesures de distanciation et de confinement », constate le rapport. Africa Pulse s’est donc penché sur les relations entre l’adoption de technologies numériques et l’emploi. Depuis plusieurs années, le Nigeria et le Kenya confortent leur position d’épicentres de la technologie financière (fintech).
… dans la santé…
Comme partout dans le monde, la pandémie a bousculé les habitudes de travail. « Le Covid-19 a accéléré l’insertion d’outils et de solutions numériques dans différents secteurs de l’activité économique », affirme le rapport Africa Pulse. Elle a été l’occasion de développement d’actions rapides et innovatrices dans le secteur de la santé. Plus de 120 solutions fondées sur la technologie ont été testées ou adoptées dans la région (13 % des innovations conçues au niveau mondial) pour contrôler la propagation du virus, comme des outils d’autodiagnostic en Angola ou des outils d’information sanitaire mobiles au Nigeria. Au Rwanda, des robots ont été introduits pour aider le personnel médical et dépister les personnes ayant de la fièvre à l’aéroport. Des entreprises industrielles ont pu répondre à la demande d’équipements de protection pour le personnel de santé, de désinfectants et de matériel de test, en particulier dans l’industrie du vêtement au Ghana et au Kenya. « Ces efforts ont aidé les économies locales à préserver ou à créer des emplois », souligne le rapport.
… les administrations…
Même le service public, en particulier l’administration fiscale, a bénéficié des progrès de la numérisation, avec les cartes d’identité numériques, les déclarations fiscales en ligne, améliorant de fait les coûts de transaction et les temps d’exécution. Les technologies numériques ont permis aussi d’étendre la couverture des filets sociaux de sécurité. Les paiements aux bénéficiaires ont été réalisés en utilisant entre autres des comptes d’argent mobile (programme Novissi du Togo) et e-wallets (Namibie).
… et dans les entreprises
Selon l’enquête d’Africa Pulse menée dans 18 pays africains, 22 % des entreprises ont introduit ou augmenté leur utilisation d’Internet, des médias sociaux et des plateformes numériques et 17 % ont investi dans de nouveaux équipements, logiciels ou solutions numériques. Arrivent en tête de l’adoption de ces technologies numériques les services financiers et les TIC, mais aussi les grandes entreprises. Le commerce en ligne s’est envolé. La plateforme africaine Jumia a enregistré une augmentation de 50 % de son volume de transactions sur les six premiers mois de 2020. Au Kenya, 71 % des entreprises déclarées au cours de la période septembre-octobre 2020 ont déclaré avoir adopté des technologies numériques en réponse à la pandémie. C’est au Togo (43 %) et en Afrique du Sud (51 %) que le recours aux plateformes numériques a été le plus élevé.
Des recommandations
« Le continent gagnerait à lancer des réformes concrètes en faveur d’une connectivité rapide, bon marché et fiable, facteur déterminant pour accroître la productivité et améliorer les conditions d’emploi de toute la population », souligne Ousmane Diagana, vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique de l’Ouest et centrale. Le rapport insiste aussi sur l’importance d’assurer un approvisionnement électrique fiable et bon marché, d’investir dans l’éducation et de remettre à niveau les compétences des travailleurs du secteur informel. « À long terme, l’Internet devrait avoir un impact plus important sur la croissance économique », prédit la Banque mondiale.