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Pétrole: le début de la fin…

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(BFI) – Avec l’apparition du coronavirus et des changements qu’il a apportés, la question de l’avenir du pétrole a plus que jamais refait surface. Au cours de ces dernières semaines, plusieurs experts, analystes et courants de pensée se sont affrontés sur le sujet. Si les parties ne s’accordent pas sur l’échéance, elles sont tout de même unanimes sur le fait que l’industrie s’apprête à entrer dans une nouvelle ère, où le pétrole sera de moins en moins important. Explication.

La pandémie de la Covid-19 et les mesures de confinement qu’elle a entraînées dans le monde entier ont réduit de plus de 30% la demande mondiale en carburant cette année, notamment à cause d’une forte baisse du transport routier et aérien. Cela a obligé les compagnies du secteur à réduire drastiquement leurs dépenses en investissements de 25 à 30%.

Cela ne signifie pas que le besoin de pétrole disparaîtra du jour au lendemain. Le monde en a toujours besoin. Les efforts pour la transition ont encore de longs jours devant eux.

La crise qui s’en est suivie, l’attitude adoptée par les compagnies pétrolières, les nouvelles résolutions de l’industrie et les perspectives sont autant de facteurs qui remettent au goût du jour la problématique de l’avenir du pétrole. Cela ne signifie pas que le besoin de pétrole disparaîtra du jour au lendemain. Le monde en a toujours besoin. Les efforts pour la transition ont encore de longs jours devant eux. Il faut, cependant, observer et comprendre plusieurs facteurs pour mieux analyser le devenir des rapports du monde au pétrole.

Une demande en péril

En 2003, en réponse à une question sur l’avenir du pétrole, le cheikh Ahmed Zaki Yamani, alors ministre saoudien du Pétrole avait déclaré : « l’âge de la pierre ne s’est pas terminé par manque de pierres. Mais l’âge du pétrole se terminera bien avant que le monde ne soit à court de pétrole ». A l’époque, les énergies renouvelables étaient de plus en plus évoquées. Seulement, le pétrole était plus accessible et l’idée pour le monde d’adopter les énergies propres n’était presque pas envisagée.

Ahmed Zaki Yamani : « L’âge de la pierre ne s’est pas terminé par manque de pierres. »

Le responsable a compris que le facteur le plus important qui fera prospérer le pétrole au fil des années est la demande et qu’à un moment, elle atteindrait son pic pour laisser place à une énergie plus accessible. Aujourd’hui, la question de la demande est en train de jouer un rôle catalyseur dans l’avenir du pétrole. Les analystes ont largement prédit un pic de la demande de pétrole dans les années 2030. L’institution financière britannique Barclays a prévu un pic mondial de la demande de pétrole entre 2030 et 2035, suivi d’une réduction constante de celle-ci. Au même moment, les projections de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) en 2018 tablaient sur une demande de pétrole qui atteindrait un pic en 2040. Récemment, après observation des principaux changements du secteur, l’Agence a évoqué les années 2030 pour observer ce point de rupture entre l’offre et la demande.

Il faut savoir que la problématique de la fin de l’âge du pétrole a toujours été un tabou pour l’industrie. Le 14 septembre dernier, après avoir subi de plein fouet le choc lié à la faiblesse de la demande et des prix du pétrole, le géant britannique BP est devenu le premier producteur à avoir officiellement évoqué la fin du pétrole.

« La consommation de pétrole pourrait ne jamais revenir aux niveaux observés avant la crise du coronavirus […] Alors que la transition énergétique éloigne le monde des combustibles fossiles, le secteur peut se satisfaire d’une demande qui restera globalement stable sur les deux prochaines décennies », a indiqué un communiqué de la société. Une affirmation qui résulte des meilleurs scénarios d’analyses de la firme basée à Londres.

La consommation qui était d’environ 100 millions b/j avant la Covid-19, devrait chuter de 50 % d’ici 2050, dans un premier scénario, et de 80% dans un autre. La société a, quelques jours après, été rejointe par Total qui a estimé que la croissance de la demande prendra fin vers 2030. Bien que l’analyse du géant français soit plus modérée que celle de BP, elle confirme la tendance selon laquelle une nouvelle ère de recul de la demande et de la consommation est en train de s’ouvrir.

La consommation qui était d’environ 100 millions b/j avant la Covid-19, devrait chuter de 50 % d’ici 2050, dans un premier scénario, et de 80% dans un autre. La société a, quelques jours après, été rejointe par Total qui a estimé que la croissance de la demande prendra fin vers 2030.

Or, quelques années en arrière, l’idée d’une érosion rapide de la croissance de la demande était inenvisageable. L’or noir a toujours été perçu comme le seul produit de base qui puisse satisfaire les demandes d’une population mondiale croissante et d’une classe moyenne en expansion.

Les perspectives pour la demande sont tellement sombres que, dans une intervention lors d’une réunion virtuelle des ministres de l’Energie du G20, les 26 et 27 septembre 2020, le ministre russe de l’Energie, Alexander Novak, a dit : « Tous les acteurs du marché mondial de l’énergie doivent agir ensemble pour lutter contre les effets de la pandémie sur la demande de pétrole […] Il est évident que la structure du secteur de l’énergie sera transformée, tant du point de vue de la demande que de l’offre. La reprise ne sera pas rapide et il faudra beaucoup de temps pour atteindre les indices d’avant la crise ». Craignant un effondrement brusque de la demande, il a ajouté : « La Russie a pris des engagements sans précédent en matière d’équilibrage du marché, en tant qu’acteur responsable du marché de l’énergie. Nous faisons de notre mieux pour éviter un effondrement du marché de l’énergie et, partant, de l’économie mondiale ».

Les producteurs qui croulent sous la dette

L’autre facteur qui place le pétrole dans une mauvaise posture est la dette des compagnies pétrolières, qui n’a cessé de grossir depuis les 15 dernières années. Selon l’organisme finlandais en charge de la géologie pétrolière, la production de pétrole conventionnel a commencé à plafonner vers 2005. Après cette date, le monde est devenu de plus en plus dépendant des approvisionnements en pétrole et en gaz non conventionnels.

Une position confirmée par le Petroleum Analysis Centre en Irlande, qui a révélé que la production mondiale de pétrole conventionnel a en effet atteint un plateau limité en ressources à partir de 2005.

« Bien que la hausse du prix du pétrole de schiste aux Etats-Unis ait soulagé cette situation, avant même la pandémie, certains signes indiquaient que le boom du schiste pourrait être de courte durée », avait-il ajouté. Ainsi, depuis 2008, l’augmentation de la demande a été presque entièrement satisfaite par des sources plus coûteuses et difficiles à extraire comme le pétrole de schiste, les sables bitumineux et l’huile des forages en haute mer.

« Bien que la hausse du prix du pétrole de schiste aux Etats-Unis ait soulagé cette situation, avant même la pandémie, certains signes indiquaient que le boom du schiste pourrait être de courte durée ».

Or, les cours du marché sont restés relativement bas depuis cette période, même si le pétrole a atteint un pic de 145 dollars le baril, en juillet 2008. Cette faiblesse des prix a empêché l’industrie de faire des bénéfices significatifs par rapport aux coûts d’extraction et de production. Par conséquent, l’industrie a accumulé d’énormes dettes pour maintenir le cap. Il faut donc savoir que si l’industrie tient toujours, c’est en grande partie grâce à l’assouplissement quantitatif massif mis en place après la crise économique de 2008.

Alexander Novak : « Nous faisons de notre mieux pour éviter un effondrement du marché. »

L’ère de l’énergie bon marché et abondante est donc révolue depuis longtemps, alors que la masse monétaire et la dette ont augmenté plus rapidement que l’économie réelle. La situation est désormais telle que l’offre et la demande ont atteint un point de non-retour où la normalité n’est plus qu’un lointain souvenir. Comme la vague des faillites aux Etats-Unis cette année, notamment dans le schiste, plusieurs compagnies sont donc appelées à disparaitre.

Un désinvestissement massif prévu

L’après-pétrole a déjà commencé à se préparer chez de nombreux producteurs. Secouées par la crise, les grandes sociétés pétrolières cherchent désormais un futur plus radieux dans les énergies plus propres. La crise a déjà provoqué des dépréciations d’actifs pour plus de 87 milliards de dollars chez Chevron, Shell, BP, Total, Repsol, Eni et Equinor. La période allant de mi-2014 à nos jours est ainsi devenue la plus grande période d’instabilité pour les compagnies pétrolières du monde.

La crise a déjà provoqué des dépréciations d’actifs pour plus de 87 milliards de dollars chez Chevron, Shell, BP, Total, Repsol, Eni et Equinor.

Le français Total, par exemple, a annoncé qu’il opérera 20 % de ses investissements nets dans le sous-secteur des énergies renouvelables durant la décennie en cours et diminuera de 30 % ses ventes de produits pétroliers. Ainsi, ses ventes seront alors composées de 30 % de produits pétroliers, 5 % de biocarburants, 50 % de gaz et de 15 % d’électrons, principalement renouvelables. La compagnie a, en effet, pour ambition de devenir un leader mondial des énergies renouvelables en ayant 35 GW de capacité brute installée d’ici 2025 et en y ajoutant 10 GW par an au-delà de cette échéance. Une politique de réduction de ses émissions lui permettra alors d’atteindre la neutralité carbone pour l’ensemble de ses activités, d’ici 2050.

La compagnie Total a, en effet, pour ambition de devenir un leader mondial des énergies renouvelables en ayant 35 GW de capacité brute installée d’ici 2025 et en y ajoutant 10 GW par an au-delà de cette échéance.

BP a réduit de moitié son dividende et promis de diminuer sa production de pétrole et de gaz de 40 %, d’ici à 2030, pour se réinventer et mieux s’adapter aux changements du marché. Le géant britannique qui va se séparer de 10 000 de ses travailleurs va ainsi passer du statut de Compagnie pétrolière internationale (IOC) à celui de Compagnie énergétique intégrée (IEC). Un accent très particulier sera donc mis sur la production d’énergies plus propres et respectueuses de l’environnement. Aussi, l’entreprise investira-t-elle 5 milliards de dollars par an pour créer l’un des plus gros acteurs des énergies renouvelables au monde.

Shell quant à lui, va atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Ces investissements dans des énergies plus propres nécessitent un désinvestissement qui va entraîner la suppression de 9000 postes, soit 10% de sa main-d’œuvre globale. Avec cette coupe, la société dit vouloir éliminer la complexité organisationnelle et réaliser des réductions annuelles de coûts d’exploitation pouvant atteindre 2,5 milliards de dollars.

Le géant britannique BP qui va se séparer de 10 000 de ses travailleurs, va ainsi passer du statut de Compagnie pétrolière internationale (IOC) à celui de Compagnie énergétique intégrée (IEC).

Saudi Aramco qui est la plus grande société pétrolière du monde, en chiffres d’affaires, s’engage à réduire les émissions de ses opérations de 13% d’ici 2025 par rapport au niveau de 2017. Cela représente environ les émissions de 6 millions de ménages américains. Cet objectif qui s’applique uniquement à l’intensité des émissions implique que le producteur puisse augmenter ses émissions globales à condition de réduire son empreinte par baril produit. Il n’inclut pas par exemple les émissions des clients utilisant cet hydrocarbure qui représente 90 % de l’empreinte totale d’une compagnie pétrolière.

Selon les analystes, l’ensemble des entreprises du secteur prépare des projets similaires afin de surmonter la crise et de s’inscrire dans la nouvelle dynamique. Elles se tournent vers l’avenir et cet avenir est celui des énergies propres.

Agence Ecofin

Rédaction
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