(BFI) – Le rapport de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (BEAC) sur les services de paiement dans la zone Cemac (Cameroun, Congo, Gabon, Tchad, RCA et Guinée équatoriale) en 2022 révèle certains ressorts de la non rentabilité de l’activité, qui ont conduit à la fermeture au Cameroun et dans d’autres pays africains, de YUP, filiale du groupe bancaire Société Générale alors dédiée au Mobile Money.
Le document de la banque centrale indique, par exemple, qu’entre le lancement de ses activités en 2018, et l’annonce, le 28 février 2022, de la décision du groupe Société Générale de mettre la clé de cette filiale sous le paillasson, YUP Cameroun avait réussi à aguicher 689 071 clients, qui avaient ouvert des comptes Mobile Money pour leurs transactions. Ce qui apparaît tout de même résiduel, par rapport aux plus de 21 millions de comptes recensés dans le pays en 2022.
De plus, apprend-on, à cette date-là, seulement 22 332 comptes ouverts chez YUP Cameroun étaient actifs, représentant 3,35% du global. Ce qui signifie que 666 739 comptes du réseau YUP Cameroun, soit plus de 96% du total, n’étaient pratiquement pas utilisés, rendant difficile la rentabilité de cette activité, malgré ce qui peut être perçu comme une ruée des clients vers cette offre dès son lancement.
Par ailleurs, au cours du mois de février 2022, apprend-on du rapport de la banque centrale, « le service (YUP) a enregistré 163 867 transactions, pour un montant cumulé dépassant 11 milliards de FCFA ». Ce qui est insignifiant dans un pays qui a enregistré en moyenne 133 millions de transactions mensuelles sur le Mobile Money en 2022 (soit 1,6 milliard de transactions sur l’année), pour une moyenne en valeur de 1 434 milliards de FCFA chaque mois, soit plus de 17 200 milliards de FCFA sur l’ensemble de l’année 2022, selon les données révélées par la Beac.
Le diktat des opérateurs de mobile
Ces chiffres de YUP, ainsi comparés au niveau global du marché camerounais, sont la conséquence de la suprématie qu’exercent les opérateurs de téléphonie mobile MTN et Orange sur le Mobile Money dans le pays. Arrivés sur le marché pratiquement 10 ans avant YUP, qui a définitivement cessé toute activité au Cameroun en juillet 2022, selon le rapport de la Beac, ces opérateurs ont eu le temps d’effectuer un maillage du territoire national, qui laisse peu de marges de manœuvre aux nouveaux arrivants.
Cette prédominance est telle que, lors de la célébration des 10 ans de son service Orange Money en juillet 2021, Orange Cameroun revendiquait à lui tout seul 70% de parts de marché du Mobile Money, avec des transactions cumulées mensuelles d’un montant de 800 milliards de FCFA cette année-là. « Quand je dis valeurs cumulées de transactions, ce sont les dépôts et les retraits, les transferts d’argent, les paiements de factures, de salaires, et tout ce qui est paiement marchand, etc. Nous faisons environ 3 millions de transactions par jour », avait à cette occasion précisé Emmanuel Tassembedo, alors directeur d’Orange Money Cameroun.
Chez MTN, où cette large domination du marché revendiquée par Orange est prise avec beaucoup de pincettes, les responsables rappellent plutôt que MTN Mobile Money c’était 5,6 millions de clients actifs au 2e trimestre 2021, au moins 168 000 points de présence à travers le pays, dont 108 000 points marchands et 60 000 points de distribution. MTN Mobile Money et Orange Money c’est aussi et surtout des services innovants tels que la souscription à une police d’assurance, le paiement des frais de scolarité et d’établissement des passeports, le paiement des impôts et taxes via le téléphone portable, canal par lequel le fisc camerounais a encaissé des paiements d’environ 10 milliards de FCFA en 2021, selon le ministre des Finances, Louis Paul Motazé.